mercredi 8 décembre 2010

Umberto Eco et Jean-Claude Carrière ne vont pas aux champs (mais moi si.)


Cher Umberto Eco, cher Jean-Claude Carrière,

Dans le recueil d'entretiens N'espérez pas vous débarrasser des livres, on peut lire ceci:

"J.C.-C.: Si je pense à notre usage du livre, notre œil va de gauche à droite, et de haut en bas. Avec l'écriture arabe et persane, avec l'hébreu, c'est le contraire. L'œil va de droite à gauche. Je me suis demandé si ces deux mouvements n'avaient pas eu une influence sur les mouvements de caméra au cinéma. Le plupart des travellings, dans le cinéma occidental, vont de gauche à droite alors que j'ai souvent vérifié le contraire dans le cinéma iranien, pour ne citer que celui-là. Pourquoi ne pas imaginer que nos habitudes de lecture puissent conditionner nos modes de vision ? Les mouvements instinctifs de nos yeux ?

U.E.: Alors il faudrait s'assurer qu'un agriculteur occidental commence à labourer son champ en allant de gauche à droite pour revenir de droite à gauche, et un agriculteur égyptien ou iranien de droite à gauche pour revenir de gauche à droite. Parce que le tracé du labour correspond exactement à l'écriture en boustrophédon. Sauf que dans un cas on commencerait par la droite et dans l'autre par la gauche. C'est une question très importante qui à mon sens n'a pas été suffisamment étudiée."

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J'ai mené ma petite enquête près de chez moi pendant les labours d'automne.
Voici mes observations, qui portent sur une quarantaine de champs.
Quand l'entrée du champ est à droite, on commence par la droite et on creuse le premier sillon de droite à gauche. Quand l'entrée du champ est à gauche, c'est le contraire. Le labour est effectué en va-et vient. Il y a autant de champs dont l'entrée est à droite que de champs dont l'entrée est à gauche. Pour les champs dont l'entrée est à peu près au milieu, je n'ai pas remarqué de préférence. Dommage. J'avoue que j'aurais bien aimé que vous eussiez raison.
Je me suis dit que j'allais poursuivre mes investigations du côté des jardiniers. Commence-t-on le désherbage d'un rang de carottes par la gauche, et revient-on à la gauche pour le rang suivant, comme on va à la ligne ? Je verrai cela au printemps prochain. Je lance dès maintenant un appel à contribution chez les blogueurs flâneurs, paysans ou jardiniers.

Jean-Claude Carrière N'espérez pas vous débarrasser des livres Grasset.

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14 commentaires:

  1. Votre contribution à la science est précieuse.

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  2. Merci Nicolas, pour ce commentaire sobre.

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  3. Suzanne,

    Avez-vous songé à vous présenter à la Présidentature ?

    Dans le cas contraire, nous pourrions unir nos forces de combat. Vous pourriez être mon bras(se) droit(e), je vous nommerais au poste de Premier Ministrant des demi-sachants.

    Qu'en dites-vous ?

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  4. Dorham: Je veux bien être présidente, mais pas ministre. "Vous pourriez être mon bras(se) droit(e), je vous nommerais au poste de..."

    Femmes power, ou nada.

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  5. Raaaaa, les femmes ! Vous devenez pire que des hommes !

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  6. En politique, il y a trop de boustrophédons . Il faut ratisser large.

    Quant à votre étude , j'applaudis. Avez-vous été bien reçue pendant cette enquête tout-terrain?

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  7. A vous lire, je ne sais plus maintenant où sont ma droite et ma gauche !

    J'y retourne

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  8. Je tonds toujours mon pré droit devant, parce que l'entrée est de face (en bas dans le premier tiers, vous voyez?). Ensuite, je reviens de gauche à droite, et ainsi de suite pour la moitié droite du pré. Pour la partie gauche en revanche, je pilote de droite à gauche quand j'attaque l'herbe par le bas (dans le prolongement de l'entrée, vous voyez?), mais il arrive que je passe directement de la partie droite à la celle de gauche par le haut (qui se trouve en fait être la partie droite du pré lorsqu'on le regarde à l'envers, et dans ce cas, je tonds de gauche à droite. C'est ainsi.

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  9. Je me sens toujours très gauche quand je tonds, mais pas très adroite pour faucher...douloureux dilemme.
    Je ne sais pas si je contribue à rendre les choses plus claires ...

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  10. Mère Castor: justement, je me demandais s'il y avait davantage de gauchers chez les arabes. Non, la proportion de gauchers est la même partout dans le monde.

    Coucou et Solveig: vous faites bien de me parler de tonte, j'avais oublié de vider l'essence qui est restée dans ma tondeuse. (et comme chacun sait, la vieille essence nique les engins au premier démarrage de printemps.)

    Corto: vous ne seriez pas d'extrême centre, par hasard ?

    Lucie: je boustrophédonne aussi quand je vide certaines boites de chocolats où il n'y a pas de choix, genre pyrénéens...

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  11. Ah c'est amusant, parce que dans le dernier film que j'ai vu, le plombier arrive pour réparer une fuite dans un couvent, où le besoin de chaleur humain est tel qu'il provoque d'étranges réactions chez les pensionnaires, et bien figurez-vous que l'artisan commence à les honorer de gauche à droite ; il s'agit typiquement d'un point de vue occidental.

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  12. Comme dans "Sacré Gral", quand Gauvain arrive dans le couvent ?

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.