mardi 25 novembre 2014

Ne marchez pas sur la pelouse (triptyque)

 



  Ces photographies ont été prises à Pise, il y a presque dix ans. On peut dire qu'elles sont sans intérêt. Je me tenais au bord de l'allée, dans une foule  de touristes clichant à qui mieux mieux.  L'enfant avait lâché la main de ses parents et dansait  sur une pelouse jalonnée de panonceaux "interdit de marcher sur l'herbe", dans toutes les langues. Ses parents l'ont appelé discrètement plusieurs fois, avec un air un peu ennuyé. Tout un groupe  asiatique s'est figé, zoom en berne, en regardant ailleurs. C'était drôle, ces adultes  qui n'osaient pas  mettre un pied sur une pelouse interdite, l'enfant gracieux et libre, et les occidentaux amusés par  la scène.

Je n'ai pas d'image pour les scènes suivantes.

Sur la pelouse du Jardin des Plantes, il y a aussi des pancartes. Juste devant la grotte romantique, on a sarclé par endroits et semé du gazon qui peine à pousser. Une mère aux longs cheveux est assise sur le banc, avec ses petits contre elle  et un bébé au sein. La lumière frisante joue entre les grandes palmes sombres,  la mère serre sur ses cheveux un  châle bleu  que le marmot dodu  tire par les franges.  Il est impossible de ne pas penser à un tableau: une madone, une maternité, un Caravage, avec une Rom dans le rôle de Marie. Les passants ralentissent. Il fait froid, les enfants sont peu vêtus, la femme a les pieds sales, chaussés de tongs de plage. Brusquement, les enfants se redressent se mettent à crier: deux gendarmes traversent la pelouse et se dirigent vers eux. Leurs brodequins noirs décollent des plaques d'herbe, laissant la terre à nu, et l'on voit l'empreinte brune de leur semelle, aussi nette que celles de pas dans la neige.

Hier, au supermarché:

 Petit papa Noël, chocolats, jouets et illuminations dès  la porte franchie. Et là, ces fiers consuméristes ont fait fort: le thème de l'animation est inspiré par, ou dédié aux, je ne sais pas, mais enfin tout grouille de LAPINS CRÉTINS. Ceux qui ignorent de quoi je parle ont de la chance. Bref, sur une estrade à deux niveaux recouverte de gazon synthétique se tortillent des lapins effrayants avec des bonnets rouges où ballottent  de vagues bois de rennes. La sono est épouvantable. Autour de l'estrade il y a la même barrière basse en bois blanc que celle de la déco de Pâques et de la fête du jardinage. Killian l'a enjambée sans difficulté. D'abord il  baffe un lapin, à la grande joie de l'assistance, puis réussit, en tirant fort sur les oreilles d'un autre, à désolidariser la partie peluche de la partie mécanisme.  Horreur: l'automate en ferraille se trémousse, les globes de ses yeux  clignotants  sont entourés d’écheveaux de fils électriques et sa mâchoire claque atrocement, Killian se laisse tomber par terre en hurlant. Killian a environ trois ans, et tout le monde sait qu'il s'appelle Killian parce que son colosse de mère n'arrête pas de gueuler: "Killian, sors de là d'd'ans et r'viens toutd'suite ou bien tu vas voir, tu vas t'en prendre une !" La foule se presse  pour voir Killian s'en prendre une, en jetant des regards circulaires vaguement inquiets  car il plane une odeur bizarre de plastique chaud autour de l'estrade. Le lapin crépite puis s'éteint, tandis que les yeux des autres restent bloqués sur la lumière rouge et que le son déraille. Killian s'assied et se frotte les yeux. "Non", crie-t-il à sa mère qui lui désigne sa poussette et fait mine de partir. Ensemble, comme au credo à la messe, les gens commencent à entonner "ah, si c'était le mien..." On sent que l'avenir proche ne s'annonce pas super gai pour Killian, et que si ça se trouve le Père Noël va carrément blacklister  l'adresse de son appart. Un chef commercial intervient à point, il se prend les pieds dans la pelouse synthétique qui se déchire et s'enroule à ses chevilles. Il rampe jusqu'à la sortie de rallonge électrique, sous le petit moulin,  qu'il débranche enfin. Tout s'éteint. Killian se met debout, et là, fier dans ses Nike, ferme sa petite main hormis le majeur qu'il brandit bien vertical devant l'homme par qui s'interrompit le  spectacle.

vendredi 7 novembre 2014

Je ne comprends pas Hollande






Voilà, le billet est dans le titre.
Je ne comprends pas Hollande.
Ce n'est pas une question de se sentir avec lui  d'accord, pas d'accord, ce n'est pas qu'il m'est sympathique ou antipathique, mais  je ne comprends pas ses choix, je ne comprends rien de sa politique, mais alors rien du tout. Je pourrais expliquer qui est Sarkozy, ou Le Pen, ou Besancenot, ou Juppé, dans les grandes lignes, à quelqu'un qui ignorerait tout de la vie politique française. Je ne pourrais pas expliquer Hollande. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi il a choisi certains de ses ministres, pourquoi il renforce l'un, se sépare de l'autre, pourquoi, comme dans la comptine enfantine, il fait si souvent un pas en avant, trois pas en arrière, puis  s'engage dans des impasses ou dans des chemins dangereux, pourquoi il semble se mettre tout seul dans les embarras plus d'une fois sur deux, à chaque fois qu'il y a une décision à prendre. Pourquoi il fait d'aussi étranges et décourageantes  allocutions télévisées, pour qui et pourquoi ces  papotages qui semblent si  loin de ce qu'on attend d'un chef d'Etat. Je le trouve incohérent. On dirait qu'il attend que le temps passe.
Je n'aurais attendu aucun miracle d'un gouvernement de droite et encore moins d'extrême droite ou des Verts, mélenchonistes et assimilés. Il y a un vivier d'élus de gauche traditionnelle qui ne déméritent pas. Le pays n'est pas mort, il y a du pain sur la planche, pourtant.

Pour qui je vais voter, bon sang, quand il le faudra ?

lundi 3 novembre 2014

Les gens causent au bistro



C'est pas pour dire, mais il n'y a pas qu'au Kremlin que les bistros sont ouverts et pleins de gens qui causent.
Ce matin, au bistro-épicerie du village, à propos des violences dans les manifestations à Rennes et Nantes:
- T'as vu la manif  à la télé ? Ah oui y cassent tout, c'est pas des vrais manifestants comme avant, moi je dis,c'est plus que des casseurs, y cherchent qu'à se battre.
- Moi, je s'rais à la place des flics...
- Les flics, ils ont des ordres. Ils doivent laisser faire.
- Et pourquoi qu'y z'ont tout cassé cette fois ?
- Oh, leur équipe elle a du perdre, mais quand ça gagne, ça casse tout aussi.
- C'était quel match ?
- Chais pas. 'toute façon, le foot, maintenant...