lundi 31 mai 2010

Humeur vespérale


Je hurle dans la nuit, sauf que ce n'est pas encore la nuit.

Je crois que je viens de lire le plus horrible billet de tout le mois de mai. L'orthographe est une vision du monde, dit le Petit Champignacien. (non, ce n'est pas ce billet-là.) C'est bien ronflant pour ma petite tête. Science des ânes, vision du monde, je n'ai pas envie d'en discuter. Je me méfie un peu des réformateurs de l'orthographe. Je serais pour ma part favorable à de légères simplifications des accords de participes passés et de mots composés, et pour l'abandon ou l'emploi facultatif de délicatesses anciennes, sans plus. La langue française est bien compliquée, je passe vite sur ceux qui l'écorchent par excès de vitesse dans le maniement du parlécrit, mais j'en veux à mort aux faiseurs de laideur, aux dégenreurs, aux neutrôlâtres, aux transformationnistes de tous bords.

Maudite soit l'épine de rosier qui s'est fichée dans mon talon, que j'ai du extraire avec une aiguille à coudre en me tordant dans le vieux fauteuil, après avoir laissé macérer mon pied dans un seau plein d'eau javellisée. L'épine s'est cassée. J'ai agrandi le trou. J'ai saigné et j'ai souffert, mais c'était ça ou le panaris du talon qui entraîne l'amputation, comme chacun sait.

J'ai pris mon ordinateur et j'ai regardé ce qu'il y avait de nouveau dans la blogroll de Nicolas. Nicolas a fait un excellent article sur les bistros, sur la mort des bistros, sur la Comète qui change de patron. J'aurais pu lui tapoter un commentaire complimenteur, mais il est bien assez vaniteux comme ça. Je ne me lasse pas de lire ses articles, mais je le lui dis de moins en moins, comme tout le monde. Il y a un effet d'habitude, on s'accoutume au plaisir du billet frais comme le pain quotidien. Félicite-t-on chaque jour le boulanger qu'on a choisi pour son pain, toujours aussi bon que celui de la veille ? Ses billets rapides s'améliorent, ils sont vivants. Si j'étais en exil je ne sais où, je respirerais l'air de la France des bistrots et d'ailleurs avec Nicolas et Didier Goux. D'ailleurs, Didier Goux écrit de moins en moins de petits instantanés, de descriptions-éclair qu'il trousse si bien, la fille avec trop de rouge et la minijupe bourrelant une taille dodue, au cul débordant qui donne des coups de poignards de désir, la passante qui s'évanouit comme dans la chanson de Brassens, la gamine acide et collante à la fois; j'aimais bien ces minutes de trottoir ou d'ascenseur.
Je voulais écrire un article pour me moquer d'un blog blogrollé chez Nicolas, dont le titre m'assomme, me heurte, m'effondre et me nique la race mais, zut, je n'ai plus le temps, et un peu moins envie. Faudrait pas s'attendrir. Demain, peut-être.

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samedi 29 mai 2010

Qu'Allah bénisse la France


Dans un premier temps, je me contentais de chaparder des friandises au détour d'une allée de supermarché. C'était, il faut bien le dire, une attitude répandue universellement dans la cité. Puis, avec une poignée de copains, on est passée aux petits casses d'appartements dans la partie bourge du quartier, au Stockfled ou à la Ganzo. Oh, rien de bien méchant. On escaladait les échafaudages d'immeubles en rénovation et on se glissait par une fenêtre entr'ouverte pour piquer des babioles, des objets insignifiants; on se contentait même partois de chaparder des vêtements qui séchaient sur un balcon. Puis ce furent les premières agressions en bandes contre des gamins, souvent des petits Blancs d'ailleurs, sur le chemin de la piscine le mercredi ou le samedi. On les délestait de leur goûter, de leurs effets personnels ou de leur argent de poche les jours de chance. Il nous est même arrivé deux ou trois fois d'en obliger un à nous introduire chez lui en l'absence de ses parents, pour nous permettre de faire une petite razzia. [...]

Toutes ces activités étaient tellement courantes chez les gamins de la cité qu'on n'y voyait absolument aucun mal. Mais dans mon cas personnel, elles s'accordaient mal avec mes brillants résultats scolaires. Or, une institutrice, Mlle Schaeffer -vieille fille quadragénaire, le visage sévère derrière ses grosses lunettes, qui ne vivait que pour nous voir sortir de la cité par la porte du savoir- était absolument convaincue de mon fort potentiel. Elle harcela ma mère pour l'en persuader aussi et fit jouer toutes ses relations pour me faire admettre à moindre frais dans le collège privé catholique de Sainte-Anne, établissement d'élite ou pratiquement aucun enfant de Neuhof* n'était entré avant moi. C'est grâce à elle que j'ai pu avoir accès à un autre univers que celui de la cité, et c'est à partir de ce moment que mes activités contradictoires ont commencé à devenir un vrai problème. Abd al Malik Qu'Allah bénisse la France Albin Michel 2004

*Le Neuhof est un quartier de Strasbourg.

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mardi 25 mai 2010

Total respect


J'ai peur quand j'entends ou lis les compte-rendus de jugement concernant des adultes en situation d'autorité qui se sont opposés à des enfants ou adolescents dangereux, ou injurieux, ou simplement très embêtants. Un gamin ne veut pas s'asseoir dans le car, la conductrice s'énerve et le traite de petit con, la conductrice est condamnée. Un collégien suggère à son professeur d'aller se faire enculer, le professeur lui file une gifle, le professeur est condamné.

Je suis stupéfaite quand j'entends mes enfants et leurs amis parler de leurs professeurs. Ce n'est jamais, ou très rarement, irrespectueux. Même entre eux, ils disent souvent "madame Machin", et non "Machin" ou "La mère Machin", comme je le faisais à leur âge. Par contre, les moindres irritations, petits mots douteux, le plus petit manque de self-control est noté, commenté, analysé avec une sévérité extraordinaire.
Récemment, le pitre d'une classe de 3ème s'avachissait au maximum jusqu'à littéralement couler sur sa table, et ponctuait le cours de ronflements admirablement bien modulés, qui déclenchaient l'hilarité générale. Au bout de trois ou quatre remontrances inefficaces, le professeur, passant par derrière, a donné un petit coup sec sur le bras qui soutenait la tête trop lourde. La tête a brinqueballé mais ne s'est pas pour autant désolidarisée du cou, et le menton s'est cogné sur le rebord de la table. Le collégien s'est levé en hurlant "y m'frappe, j'le crois pas, y m'a frappé, j'vais porter plainte, vous allez voir!". Le cours a dégénéré en explications et discussions, l'élève refusant d'évacuer la salle. Cours fichu. Eh bien, l'ensemble de la classe, même les élèves ne posant aucun problème de discipline, trouvaient que le professeur n'avait pas à agir ainsi, et qu'il méritait une sanction. Question de respect. Le professeur de musique, une heure plus tard, reprochait à deux filles de mettre les pieds sur la table. "Vous avez été élevées comme ça, sans doute, a-t-il dit ? On met les pieds sur la table, chez vous ?" Les deux filles sont allées se plaindre qu' "on parlait mal de leur mère". Ben c'est vrai, quoi, appuyaient le délégué des élèves, ça ne se fait pas de parler des parents de cette façon, on a droit au respect.

Les enfants dont je parle ne sortent pas du film "La Journée de la jupe", ne vivent pas dans des cités, ne sont pas en échec scolaire. Des adolescents ordinaires. Ils ont énormément de mal à évaluer l'écart entre la parole maladroite, la démonstration d'autorité pas toujours très habile, et ce que la justice sanctionne comme violence ou maltraitance. Et alors qu'on devrait hausser les épaules et les remettre à leur place sans inquiétude (ce n'est pas souvent très fin, un adolescent de treize ans, et quand on en a trente toute la journée, on devrait se voir accorder un bonus d'indulgence pour des petites choses comme ça), on leur fait allégeance, comme s'ils étaient des princes délicats outrés qu'on ait marché sur leur ombre. Il ne leur faudrait que des adultes parfaits, impossiblement parfaits.
Et la justice, en ce moment, elle ne les aide pas du tout, c'est le moins qu'on puisse dire.


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vendredi 21 mai 2010

Viens prendre un café, puisque je ne suis pas morte...


J'ai de moins en moins de vieilles voisines. Elles meurent ou vont en maison de retraite. Pour moi, qu'elles soient mortes ou en maison de retraite, c'est un peu la même chose. Même si je vais les visiter, ce n'est plus la même personne que je vois.
Les maisons de retraite, foyers de vie du grand âge, quelle que soit la façon dont on en parle - il est bien là-bas, il est mieux là-bas, il ne pouvait plus tout seul, il a emporté les meubles de sa chambre, on s'en occupe bien, ne vous en faites pas - moi je ne peux pas en parler. L'odeur. Le cœur qui se serre. Le sourire d'hospice des dames à l'accueil. La toux, les gémissements. Peut-être qu'il y a des résidences pour personnes friquées où tout est propre, digne, où le personnel a le temps, la patience, d'adoucir les malheurs du grand âge et de l'impotence, mais ce n'est pas là que vont mes voisines avec leur retraite d'ouvrière ou de femme d'agriculteur. Mes voisines ne veulent pas vivre chez leurs enfants. Il ne faut pas embêter ses enfants. D'ailleurs, les enfants ne le proposent pas, ou alors mollement. Ils ne peuvent pas. Ils ont un cancer, ou c'est trop petit chez eux, ou leur nouveau mari, leur nouvelle femme, n'est pas commode. La maison des enfants est souvent trop petite, aussi, et il y a le chat ou le vieux chien qu'il faudrait placer, mais où ?
Mes voisines sont veuves et vivent seules. La voiture, quand elles en ont une, reste au garage. Elles marchent. Ernestine, onze infarctus à son actif, va voir Armande qui demeure à une lieue, coupant à travers champs et ruisseaux au risque de rester coincée dans les barbelés et de mourir de froid en janvier ou d'insolation en août. On ne voit plus d'enfants sur les chemins et sur les routes, ils restent devant l'ordinateur, la Playstation et la télé ou en été dans la piscine creusée à grands frais au fond du jardin; plus d'enfants dans les ruisseaux, dans les arbres, dans les greniers à foin. Les parents les emmènent en voiture à l'entrainement de foot (par les temps qui courent et ce qu'on entend sur les pédophiles de la télé, on ne sait jamais), ou sortent avec eux en VTT (tout le monde avec un casque et un gilet fluo) mais les vieilles trottinent ou se traînent pour s'entrevisiter encore, boire le café en commentant ensemble les nouvelles du jour dans Ouest-France, et surtout la liste des enterrements.

Il y a quatre ou cinq ans, un jour qu'il y avait café chez Clémentine, un homme avec une cravate jaune a frappé à la porte. Il avait la gueule chafouine d'un camelot prêt à arnaquer sa grand-mère et s'est introduit en gloussant d'aise dans une superbe réunion de vieilles. Elles étaient au moins sept, à l'époque, toutes aussi noueuses et fripées les unes que les autres, mais bavardes à ne pas croire, attablées devant un grand déballage de biscuits, de verres de cidre, de bols de café fumant et de photos de famille. L'homme était représentant en alarmes individuelles recommandées par la Faculté de médecine, le Télé-Achat et Jean-Pierre Pernaud, un truc tout simple qui peut vous sauver la vie cent fois. Un petit bracelet à velcro avec des boutons, une touche sur laquelle on presse en cas de malaise ou de chute, et une autre pour prévenir tous les matins que tout va bien, le tout directement lié à la centrale. Il suffit de donner le nom de trois personnes de confiance qui pourront se déplacer en cas de problème. Trois voisines, par exemple.
Après, j'ai eu des appels réguliers le matin, sur le coup de dix heures. On me demandait d'aller voir si Antoinette allait bien, elle n'avait pas donné signe de vie et on tombait sur son répondeur. Je descendais chez Antoinette, que je trouvais en train de curer son poulailler, qui avait laissé son bracelet velcro sur la table de sa cuisine pour ne pas le salir. Reste donc, insistait-elle, tu prendras bien un café, pour la peine. Puis, c'était le tour de Danièle, plus préoccupant, on savait bien qu'elle ne bougeait pas beaucoup depuis sa cheville cassée. J'allais, je trouvais sur le seuil de la porte l'autre personne à prévenir en cas d'urgence, nous tambourinions, sonnions, braillions, et finissions par réveiller Danièle, qui forcément nous offrait un café que nous ne pouvions forcément pas refuser.
La société d'alarmes a fait faillite ou je ne sais quoi, en tout cas elle a disparu. Un jour, le téléphone n'a plus sonné.
On est revenu au système ancien, guetter si les volets sont fermés, s'inquiéter si le chien n'est pas rentré la nuit, passer de temps en temps pour amener une part de gâteau ou un bol de pot-au-feu, des choses comme ça. Ce n'est pas une contrainte, ce n'est même pas embêtant, puisque je n'ai presque plus de vieilles voisines.

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Le dessin est copié sur le site de Stéphanie Roux

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jeudi 20 mai 2010

Confessions trollesques


Je suis un troll, et je ne le savais pas. Ou plutôt, je ne voulais pas le reconnaître. Quand j'étais SBF (Sans Blog Fixe) et que je blogobutinais en déposant ci et là mes commentaires, je croyais qu'on me traitait de troll parce que j'exprimais souvent des avis contradictoires et que je n'avais pas de blog où offrir la parole et la pareille. Puis j'ai eu un blog et j'ai continué à me faire traiter de troll. J'ai posé plusieurs fois la question sur plusieurs tons, mais pourquoi tu me dis que je trolle puisque juste je dis que je veux discuter non non pas t'emmerder te plomber te fatiguer juste discuter si tu veux pas discuter pourquoi t'as un blog t'as qu'à te faire un blog privé oui je sais chez toi c'est chez toi.
Je dois bien avouer que les blogueurs qui n'ont que le mot troll à la bouche pour qualifier la moindre remarque dubitative, contradictoire, ironique, ne méritent pas qu'on s'évertue à venir commenter chez eux. Ce sont des frileux, des gnan-gnan, des moutons bêleurs, des chouineurs, des pense-petit, des casse-toi-d'là t'es pas d'ma bande, des sam'suffit, et le plus souvent des déficients de la comprenette. Ils disent troll comme on excite son rottweiller à aboyer sur le passant qui n'est pas d'ici. On ne perd rien à ne pas y revenir, à moins qu'on ait une tendance sale gosse à passer provoquer le molosse derrière le grillage qui tremble.

J'ai été priée de ne plus venir troller sur le blog Crêpe Georgette. Il y a sur ce blog une personne fameuse GouineMum, qui traite tout le monde de troll, et dont j'adore lire les interventions. C'est un de mes personnages internautiques préférés, qui use d'un vocabulaire et de sigles inconnus de moi, je me dis qu'il y a des mondes dans lesquels je ne vis pas, qui se croisent comme des bulles de savon en échangeant leurs reflets.
J'aime bien le blog Crêpe Georgette. Je le dis à la fois en me moquant et sans me moquer, ou en me moquant gentiment. La tenancière a ce que j'appelle une bonne nature; à peine m'a-t-elle demandé de ne plus venir troller sur son blog qu'elle vient me répondre sur le mien, le plus sérieusement, le plus gentiment du monde, quand je pose une question. Je trouve ça chouette, sans déconner. Je ne vais plus l'embêter, la troller, donc, depuis qu'elle me l'a demandé, mais je la conserve dans ma bloguerolle.
Son dernier billet est consacré aux trolls féministes. Elle n'a pas écrit trollEs féministes avec l'orthographe dégenrée. Je me suis donc précipitée là bas, j'ai lu et relu, et j'ai enfin compris ce qu'était un troll de son point de vue. Un blog féministe, c'est comme un groupe de travail. On n'y souhaite que des interventions constructives, ou rentables, des demandes de précisions, de références, je ne sais pas trop mais en tout cas personne qui ne soit pas un minimum au parfum des fondamentaux du féminisme et qui ne s'y réfère en permanence.
Ah, ben si j'avais su ça avant, j'aurais tenu ma langue, enfin, mes doigts.

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lundi 17 mai 2010

Francisque et moi

Je dédie ce billet à monsieur Balmeyer .





Je viens de recevoir des offres de partenariat commercial pour mon blog. Les téméraires qui me proposent d'insérer des annonces textuelles ignorent sans doute qu'ils n'ont pas affaire à un bon coup. Qu'ils atterrissent chez une bourgeoise névropathe facistoïde à sexualité pétainiste.*

Ou alors ce sont peut-être des fournisseurs en gros de sex-toys aux formes bizarres qui égrènent la mélodie de Maréchal nous voilà quand on les alimente avec une pile à l'uranium enrichi.













*On m'a vraiment dit tout ça, mais je ne mets pas les liens, [[ce n'est pas la peine d'en rajouter]] par charité.

mercredi 12 mai 2010

lundi 10 mai 2010

Non à la coulorophobie et à l'anuptaphobie


Ceci n'est pas un vrai billet. J'ai vu dans les titres de la blogroll de Nicolas: "non à l'homophobie et à la transphobie", je voulais un joli titre plein de phobes.
J'ai appris le mot putophobie récemment.
Un putophobe n'est pas un type à qui l'on dit "allez, vas-y, faut bien une première fois, elle est mignonne, elle te mangera pas, elle fait ça bien..." Non, c'est quelqu'un qui fait une réflexion désagréable sur les putes. Genre "elle est fringuée comme une pute". Le syndicat des putes, je ne sais plus comment il s'appelle, dit "alors là, vous êtes putophobes, c'est dommage, vous savez, les putes, faut pas croire, et patati et patata.". Cent blogueurs vous commentent avec des mots tristes, oh, comment peux-tu employer des mots aussi blessants, aussi vils. Une querelle s'engage entre abolitionnistes à protège-slip et vieux cochons nostalgiques des bordels à la Maupassant. On te reproche d'allumer des polémiques stériles et des débats foireux. Un ami de la femme dont tu as blessé la sensibilité toujours à fleur de peau te copie la chanson de Brassens il s'en fallait de peu mon cher que cette putain ne fut ta mère cette putain dont tu rigoles parole parole, on invoque Fantine qui a du mettre ses dents et cheveux dans le panier du cac quarante, les gens de gauche te disent que t'es un gens de droite avec des hormones pétainistes et tout et tout....

Bon, rien, j'efface. Je suis phobophobe.

samedi 8 mai 2010

Floutez-moi ce sexe de marmot


J'espère que je ne vais pas avoir deux flics à ma porte demain matin, qui vont perquisitionner ma maison et fouiller mes disques durs.

J'ai vu récemment à la télévision le film d'Yves Robert, sorti en 1990, La gloire de mon Père. J'ai lu le livre de Pagnol quand j'avais quatorze ans et je l'ai trouvé nunuche, mais ce film, je l'ai regardé sans bouder mon plaisir.
Il y a dedans une scène où l'on voit deux garçonnets (Marcel et Paul) se faire laver au jet dehors, s'éclabousser, sauter, traverser la maison nus avec le zizi à l'air. C'est joli, c'est charmant, le corps des enfants nus. Les angelots roses ou noirs, les bébés pédalant dans leur landau à l'ombre du pommier l'été, les bambins aux fesses rebondies sur la plage, le petit robinet des garçons qui pointe et tressaute sous le ventre, la conque abricot des fillettes à la fente innocente. Qui n'a pas de photographie de son enfant au sortir du bain ou les pieds dans la vague, qui n'a pas embrassé un ventre souple et chaud, n'y a posé ses lèvres et son visage quand le bébé rit aux éclats, agite ses bras et ses jambes, jouit des baisers, jouit de la bouche aux lèvres aimantes qui le chatouillent et remontent en baisers picotés ou bruyants sur sa poitrine, au creux de son cou, sur ses épaules, tandis que dans un geste tendre on lui maintient les bras, les mains, qui battent dans nos paumes comme des oiseaux joyeux ? Quoi de plus innocent que cet amour si sensuel et si doux ?
Après le film, je tombe sur un reportage dans lequel apparait un enfant de deux ou trois ans, nu, chez lui. Le sexe et les fesses sont floutés. On le voit dans son bain avec une culotte. Personne ne met un enfant de deux ans dans la baignoire avec une culotte, c'est juste pour la télé.
Quand a-t-on commencé à flouter le sexe des enfants ? Quand on regarde des émissions d'archives, des images de vacances à la mer, des souvenirs de famille, on y voit filmés ou photographiés nus, sans façon, des enfants qui n'ont pas atteint l'âge de raison. Il y avait eu une histoire, il y a une dizaine d'années, avec un photographe qui avait pris son fils de quatre ans qui faisait pipi dans la neige, et publié cette photo parmi d'autres dans un magazine genre Match; mais qui s'en souvient ?

J'ai du mal à écrire un billet si je n'ai pas l'illustration avant. Pour illustrer celui-ci, j'ai gougueulé: "enfant nu, garçonnet nu, fillette nue, enfant nu peinture, bébé nu, angelot, enfant Jésus, enfant nu sur la plage." J'y ai passé du temps mais la récolte est maigre. J'espère qu'il n'y a pas une sonnerie stridente qui se déclenche dans le bureau d'un policier traquant les amateurs d'enfants nus sur la Toile, sinon, mon compte est bon.


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Une femme excédée de trouver sur ne Net une photo où figure son enfant de trois ans nu : Dans le Parisien...
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mercredi 5 mai 2010

Jeune d'esprit



Quand j'ai poussé la porte du café-épicerie, le brouhaha m'a claqué les oreilles. En plus des habitués du lieu, il y avait un nombre étonnant de buveurs au bar, et ça discutait sec. Le débat portait sur le sujet "les pédés sont-ils des gens comme nous?" et le patron remplissait les verres. Dans la partie épicerie, une grosse dame que je ne connais pas commentait les commentaires que reprenaient sur le mode gloussant trois clientes étrangères au village, tout ce beau monde étant venu pour un enterrement qui tardait à commencer, vu que le corbillard avait coulé une bielle et qu'on attendait un véhicule de remplacement.

Il n'était pas question de l'aimable morte, frappée d'anévrisme au seuil de sa verte cinquantaine et laissant derrière elle une kyrielle d'amants fort consolables, mais de deux hommes venus de la ville qui emménageaient dans un hameau proche du mien. J'ai tout de suite situé leur maison, une longère en travaux, et j'ai dressé l'oreille quand j'ai perçu dans le fouillis des conversations qu'un des deux était photographe. Un voisin photographe ? Tiens, ça peut être intéressant, s'il est discutant.
Les pédés sont-ils des gens comme nous, donc. Les buveurs qui carburaient au blanc assuraient que oui, la minorité qui s'enfilait des rouge prétendait que non, et le seul qui buvait du café n'avait ostensiblement aucune opinion. Un rouge avait lancé: "mais tu dirais quoi, si ta fille en épousait un"? et les blanc s'esclaffaient devant la bêtise de la question, puis les rouge enchaînaient les plaisanteries fines, style élargissez le cercle de vos fréquentations ou Marcel a du mal à courir avec sa jupe fendue.
J'ai payé mon kilo de poires et mon petit pot de beurre et je suis rentrée chez moi, non sans faire un détour par la maison en chantier du photographe, et j'ai vu que les travaux étaient finis, que la cheminée fumait et qu'il y avait un fourgon vert et bleu garé devant la clôture.
Quelques heures après, on frappait à ma porte. Deux anges se tenaient dans l'entrée. Bonjour, me dirent-ils, nous nous permettons de venir nous présenter, nous faisons une petite tournée de reconnaissance. Je leur ai offert un café. Est-ce que je n'aurais pas plutôt autre chose, un soda, un coca peut-être ou un verre de lait ? Mon dieu, comme ils étaient jeunes... on n'a pas l'habitude à la campagne de voir s'installer des gens aussi jeunes. Ceux-là avaient l'air de sortir du lycée, avec leurs petites fringues d'adolescents un peu classe et leurs cheveux frais coupés. Lequel pouvait bien être le photographe ? Comme vous avez de beaux lilas, dit l'un, eh oui, c'est ma fleur préférée. Nous causons de lilas. Et tiens, les hirondelles sont arrivées, et vous devez avoir des chauves-souris, dans cette vieille grange, très utiles, les chauve-souris, n'est-ce pas, et il y en a beaucoup chez vous, dites donc, des hirondelles, mais on ne va pas les déranger, elles sont contentes de retrouver leurs nids, et c'est une année à pissenlits, qu'est-ce qu'il y a comme pissenlits, des champs entiers de pissenlits, qu'est-ce qui peut bien faire que c'est une année à pissenlits... La conversation s'étirait. Aucun des deux ne me parlait de photographie. Je leur demandai subtilement s'ils prenaient des photos de fleurs. Bien évidemment, me disent-ils, c'est aussi pour ça qu'on est là. Pour prendre des photos de mes fleurs ? Non non, pour nous présenter. Ce n'est pas très facile, d'aller dans les maisons, il y a beaucoup de préjugés sur les gens comme nous. Oh, pas tant que ça, leur objectai-je. Vous verrez que vous n'êtes pas les seuls. Oui, ils sont gentils les gens, me dit le plus bavard, mais ils ne sont pas très réceptifs à notre message, et ils ont des habitudes difficiles à changer. C'est difficile de discuter, on se moque un peu de nous parfois, ils nous posent des questions ironiques.
Je commençais à les trouver un peu insistants. Qu'est-ce qu'ils voulaient, à la fin ? Que je colle sur ma porte d'entrée "ici, on n'est pas homophobe ?" Je leur répondis qu'il ne fallait pas s'inquiéter, qu'on ne s'occupe pas des affaires des autres, et que les nouveaux habitants sont bien accueillis en général. Ah, mais on n'est pas des nouveaux habitants, me dit celui qui parlait le moins. Mes parents vous connaissent, d'ailleurs.
Vos parents me connaissent ?
Ben oui...

Et le voilà qui m'expose un tronçon de sa généalogie, avec des explications à rallonge et des digressions dans la plus pure tradition paysanne. J'ai un doute. C'est bien vous qui venez d'emménager à la Petite Saulnaie, vous avez un camion vert et bleu ? Leurs yeux s'écarquillent. Ils font non de la tête.

Et c'est ainsi que je me suis retrouvée abonnée pour trois mois, à l'essai, à L'étincelle et l'ajonc, nouvelle revue écologique réalisée par et pour les jeunes.

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mardi 4 mai 2010

Qu'est-ce qui est diffamatoire?


Sur son blog, le Coucou appelle à défendre Fansolo, blogueur accusé de diffamation envers un homme politique.
Sur son blog, Didier Goux appelle à défendre Jonathan, un blogueur accusé de diffamation envers un supposé dealer et sa famille.

Qu'est-ce que la diffamation, jusqu'où peut aller l'accusation de diffamation ?

Si j'écris, par exemple, que mon voisin Dédé Boumboum (je suis certaine qu'aucun de mes voisins s'appelle ainsi) frappe son chien à grands coups de pieds dans le ventre quand il a pris du crack, Dédé Boumboum peut entrer dans une grande colère et avoir gain de cause si ce n'est pas vrai, mais s'il a déjà été condamné pour ces faits, est-ce de la diffamation ?

Supposons que ce soit vrai. Est ce que j'ai le droit d'écrire dans un blog "Dédé boum boum se présente aux élections de chef du club de pétanque , alors que tout le monde sait qu'il a déjà été condamné pour affaires de drogue et de violence, est-ce de la diffamation ?

Si j'écris sur ce blog, là, maintenant, une histoire que je présente comme fiction, qui met en scène un Georges impuissant à la bite tordue et aux mains glacées, est-ce que je risque un jour de voir débarquer un de mes anciens amants qui s'appelle Georges, ou même un amant qui s'appelle François, mais dont il est de notorité publique qu'il a la bite tordue et les mains glacées, ou même un Georges qui n'a rien à voir de près ou de loin avec mes aventures amoureuses? est-ce de la diffamation ?

Si j'écris: "il s'appelait Chico, et il plantait sa caravane dans le camp de manouches entre la décharge municipale et l'usine de traitement des eaux. Il n'avait connu que les petits trafics, les vols de cuivre sur les chantiers, les caravanes défoncées et les cellules des prisons avoisinantes."
Est-ce que je risque de me faire embêter par Chico s'il existe tel que je le décris, par Adam qui prétendra que Chico c'est lui?

Merci de m'éclairer. (Coucou, Georges...)

L'Iran va-t-il veiller sur les femmes du monde entier?




J'ai lu ce matin sur plusieurs blogs que

"Le Conseil économique et social de L’ONU a élu hier l’Iran à la Commission de la condition de la femme (CSW) pour un mandat de quatre ans - à compter de 2011 - L’ONU qualifie cette Commission de “principal organisme mondial d’élaboration des politiques” en matière des droits et des revendications des femmes, “dédié exclusivement à l’égalité entre les sexes et à la promotion des droits de la femme.”

C'est un gag ?

J'ai lu aussi, en cherchant si la presse en parlait (elle n'en fait pas les gros titres, en tout cas, ce qui fait que je me demande si ce n'est pas un hoax) un excellent article qui m'a fait sourire :

Iran : arrestation des jeunes femmes bronzées

Jeudi, le chef de la police de Téhéran Hossien Sajedinia a averti que toutes les femmes arborant un bronzage par le soleil seront arrêtées et emprisonnées en raison de l’ atteinte à l’esprit “de la loi islamique”.
(La suite...)

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lundi 3 mai 2010

Sous les baisers des colombes




J'ai lu sur le blog de Nicolas une petite phrase qui m'a tiltée. Le contexte: Nicolas écrit un billet anti-islamiste, dans lequel il dit "qu'on vire ce polygame". Il explique plus loin que virer ne signifie pas expulser, mais mettre hors d'état de nuire. On lui répond "attention, tu deviens réac et tu vas voter UMP."

Bizarre qu'on en soit arrivé là.

Pendant les dernières régionales, j'ai assisté à un débat entre les trois candidats du deuxième tour. On y débattait des choix régionaux d'investissements, des grands projets et des petits, et des problèmes. Le socialiste sortant était toujours dans le concret, au ras des dossiers, un peu ennuyeux souvent, sans effets de manche. J'ai eu un vote conservateur, c'est à dire socialiste. Bien sûr, il y a en Bretagne mille problèmes de gestion, de choix locaux ou autres. Pollution des eaux, élevages industriels, agriculture agonisante... mais il était plus réaliste, plus concret, moins politicien que les autres. C'était en tout cas mon avis, d'où mon vote.

Pendant ce temps, sur les blogs bretons, on s'écharpait sur les panneaux bilingues, sur la couleur de la cravate du candidat qui était symbolique des autonomistes fachos, sur l'école Diwan, sur trois éoliennes ici ou là. Du vent, de l'écume. Où je veux en venir ? Si j'avais du voter en fonction de ce que j'ai lu dans les blogs persos, j'aurais été bien embarrassée. Je ne sais pas s'il y a encore un clivage droite-gauche, mais dans les blogs on a du mal à le sentir, malgré les slogans et déclarations choc. Il s'est déplacé.

Le clivage est dans la façon dont on est antiraciste. Pas dans l'antiracisme lui-même, personne ne se dit ou revendique raciste, ou alors deux trois originaux que je ne lis pas. Pas dans l'anti-islamisme en soi. Je ne connais aucun blog franchement islamiste (il y a bien les les forums des mosquées, mais pas de blogueurs qui se promènent dans ma blogosphère habituelle, en tout cas). Personne ne défend franchement les intégristes, mais il y a un clivage dans la perception du danger de l'islam, ou pas. Certains disent danger supposé, danger fantasmé, faux danger qui masque un discours raciste. Certains, qui se disent féministes, ne voient pas ce qui cloche dans l'attitude du boucher de Nantes, par exemple, et dénoncent l'instrumentalisation de cette anecdote à des fins diverses. Ce sont souvent les mêmes qui ne voyaient pas d'antisémitisme dans l'affaire du gang des barbares, juste la mise en spectacle par les médias d'une tragédie de la pauvreté et de l'exclusion. Les caillassages de bus ou luttes de territoire en banlieue relancent les discussions avec les mêmes arguments, les mêmes discours de part et d'autre.
Le clivage est exactement dans cette phrase là: si tu combats l'islamisme, si tu veux empêcher les familles islamistes de vivre en paix, c'est que tu es contre les immigrés, c'est que tu es pour Sarko et la droite, c'est que tu es de droite. Le clivage est dans cette opposition loi antiburqa-oui ou loi antiburqa-non. Tous les blogueurs, ou peu s'en faut, ont pris parti, même ceux qui disent "ah, que ce sujet me gonfle".
Je ne vois plus d'idées de droite ni de gauche là dedans, mais un changement de ralliement, de bannière. La droite, les réacs, les conservateurs, chez les blogueurs, est représentée par ceux qui ne veulent pas de l'islamisation de la France. Ceux qui refusent de donner un cadre légal à des éléments de lutte contre l'islamisme sont de gauche. Choisis ton camp, camarade, dit-on à Nicolas.
Il est rassurant que la majorité des députés, de droite comme de gauche, se prononcent en faveur d'une loi antiburqa, quand on lit la majorité des blogs.

Je n'arrive pas à m'y habituer.