jeudi 31 mars 2016

Il ne faut plus dire "nègre"

Il ne faut plus dire "nègre".
Mon billet aurait pu s'arrêter là.

Je comprends ce qu'a voulu dire Laurence Rossignol en parlant des  nègres consentant à l'esclavage, mais elle a eu tort d'employer le mot "nègre", qui est perçu comme un terme raciste. Il ne faut pas discuter de cela: si les noirs ne veulent plus, ne veulent pas, qu'on utilise ce mot "nègre", pourquoi insister ? si même "art nègre" fait tiquer une partie des noirs, pourquoi leur  refuserions-nous la politesse de ne pas l'employer, ou alors de l'employer avec précaution, avec des guillemets, avec une note en bas de page en expliquant le pourquoi de l'emploi ?
Si elle avait dit tout de suite qu'elle faisait allusion à l'Oncle Tom et aux théories sur le syndrome du  nègre domestique  et du nègre des champs ( Malcom X), ou à Montesquieu, ce serait passé. Mais invoquer Montesquieu après les réactions offusquées, bof bof.

Quand on est ministre, il faut faire attention à ce qu'on dit. Il n'y a pas de franc parler qui tienne quand on lance des petites phrases ambiguës.  Ceux qui ont des références culturelles*, qui apprécient  les  degrés  d'un discours, ne les trouveront pas ambiguës, mais elles le seront pour ceux à qui l'on devra des explications qui ajouteront encore quelque chose à la vexation initiale, parce qu'il y aura d'un côté ceux qui savent, qui jouent toute la partition du langage, et les ignorants qui réagissent au quart de tour en étalant leur manque de compréhension. Macron avait été bien méchant, aussi, en parlant d'ouvrières illettrées. Avait-il raison sur le fond ? On s'en fiche, ça n'apportait rien de le dire ainsi, et ça a vexé et chagriné des gens qui ne méritaient pas une telle humiliation. Le politiquement correct n'a rien à voir là dedans, c'est de la politesse. Et la politesse, c'est l'attention qu'on doit à autrui.


* les "références culturelles" ne sont pas forcément en lien avec une culture bourgeoise, mais peuvent être en relation avec l'âge, les lectures enfantines communes... La génération de Laurence Rossignol avait à disposition, dans les livres de bibliothèque au fond de la classe, La case de l'oncle Tom,  et a vécu en direct   la fin de l’apartheid et de la ségrégation, etc.

De l'eau a coulé sous les ponts. Billet de 2011: Cachez ce nègre que je ne saurais voir

*** 

...et, sinon, elle a évidemment raison pour les fringues islamistes.

40 commentaires:

  1. Chère Madame, très poliment cela va de soi, je vous informe que je vais y aller à fond et sans vaseline... mais poliment hein ! Pas confondre avec les rustres, les ministres, les français ordinaires ou normaux.

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    1. Notez bien (au sens du Littré 1876 - pas vous froisser hein !)que j'ai employé le terme Madame (Majuscule) pour accentuer la politesse de mon commentaire. N'allez pas chercher une quelconque ironie ou une supposition déplacée quant à votre statut matrimonial. Vaseline est employé ici dans son acception courante.

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  2. J'ai pensé très exactement à ce propos de Malcolm X quand j'ai entendu parler de cette polémique débile. J'espérais à part moi qu'elle y pensait en disant cela. J'ai été déçu de constater qu'il n'en était apparemment rien puisqu'elle n'en a pas fait mention (sauf erreur de ma part) et qu'elle rétropédalait sévère. Les gens n'ont plus de culture historique et politique. Ils n'ont plus de culture du tout. Ils entendent un mot, ils rebondissent pendant des heures comme ces petites balles marrantes avec lesquelles jouent les gosses… Twitter et toutes ces merdes… Sans fin, sans cesse, avec l'air d'y comprendre quelque chose. etc. etc.

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    1. Malcolm X n'est peut-être pas une référence facilement citable, je ne sais pas... J'avoue que je ne connais pas les suites et retombées de sa déclaration.

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    2. Et pourquoi pas ? Malcolm X, c'est un homme qui a un peu tout connu et est revenu de tout. C'est un personnage fascinant et complexe. Cette déclaration a fait énormément de bruit, en particulier au sein de la communauté noire aux Etats-Unis. Ici, ce propos est schématisé mais on peut la découvrir tout à fait développée dans un splendide livre de Chester Himes, "La Troisième Génération".

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    3. "C'est un personnage fascinant et complexe."
      Oui, mais ses disciples, non.
      Et ses héritiers encore moins... (je pense aux indigènes de la République, qui n'arrêtent pas de le citer et de le singer à tout bout de champ.)

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    4. Je n'ai pas lu non plus ce roman de Chester Himes... mais je viens de finir "Effacement" de Percival Everett.
      Thelonious Ellison dit « Monk » est un écrivain noir américain, professeur émérite, avec des problèmes de bourgeois de la classe moyenne. Il a besoin d'argent parce que la santé de sa mère décline. Il va écrire un roman style "vie de noir cassos violent et débile" pour passer à la télé dans le rôle qu'on attend d'un noir cassos et débile qui dicterait à l'arrache sa vie minable avec des tonnes de clichés... et ça fonctionne très bien.
      C'est un peu intéressant, un peu drôle... et finalement très convenu.

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    5. J'ai lu ce livre d'Everett, il y a un bout de temps. C'est exactement ce que vous en dites. J'aime bien Everett mais on devine toujours ses intentions à des kilomètres. Aimes a écrit son roman en 54. Son roman a bien sûr beaucoup plus de force que celui d'Everett ce qui est logique en ce sens que le contexte dans lequel ont évolué les deux écrivains n'est pas du tout le même. Himes savait de quoi il parlait, intimement. C'est un livre d'une grande intelligence.

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    6. "Oui, mais ses disciples, non."

      Ce ne sera pas le seul maître à avoir des disciples consternants. Suivez mon regard :)

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  3. "et, sinon, elle a évidemment raison pour les fringues islamistes."
    Mmmmmm ! Sans me faire l'avocat de Sheitan, islamiste me paraît explosivement connoté. Essayez musulmans pieux, simple question de politesse.

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    1. Coach Berny, ne crois que je me suis laissé emporter côté chiffons.
      (Ben quoi, ce n'est pas impoli, islamiste !)

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  4. Aimé ne disait-il (revendiquait-il) pas: "«Tu vois Léopold, le monde est ce qu'il est, tu t'habilles, tu mets ton costume, tu vas au salon, etc. «Mes hommages, Madame.» Mais où est le nègre dans tout ça? Le nègre n'y est pas. Tu l'as en toi, pourtant. Creuse encore plus profond, et tu te trouveras au fond de toi, par-delà toutes les couches de la civilisation, le nègre fondamental. Tu m'entends, fondamental.»

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    1. Franchement, Aimé par ci, Césaire par là... ça finit par devenir étriqué, ces références obligatoires à Césaire et Senghor.

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  5. Il ne faut plus dire : le vinaigre, mais : le sexe d'un homme de couleur !

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    1. J'ai du relire trois fois, voyons voyons...
      Andouille !

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    2. Oui mais j'ai le coeur et l'esprit purs, moi. (et en fin de journée, je tourne au ralenti...)

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  6. En dehors de "la négritude" chère à Aimé Césaire et à Léopold Sendor, l'origine du mot "nègre" vient du portugais ( les Portugais ont été les premiers à faire du commerce d'esclaves d' Afrique, dès le XIV ème siècle), langue dans laquelle "negro" signifie "noir", il n'y a pas d'autre mot pour "noir".

    Dans le patois des Poitou-Charentes, "nègre" signifie "noir, sombre"; on entend dire souvent : "Il fait nègre très tôt, ce soir".

    Mais vous avez raison, même si nègre et noir sont le même mot, ce qui compte, c'est la façon dont il est perçu par ceux qu'il désigne ainsi.

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    1. Léopold (Sédar) Senghor, pas Sendor !

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    2. Oui, on sait tout ça (enfin, je ne savais pas pour le nègre du Poitou Charentes, merci), mais... enfin, on est d'accord.

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  7. Rien de tout cela ne serait arrivé si Madame le ministre avait parlé des Lyonnais américains.

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    1. Détrompez-vous ! On lui aurait reproché de ne pas utiliser : americano-lyonnais. Ou lyonno-américain. Avec toutes ces conneries, je ne sais plus.

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    2. Suzanne, z'avez raison. C'est une question de politesse. Mais à la fin, on ne sait plus ce qui en relève. Il y a peu voir pas de termes péjoratifs qui pourraient m'affecter. Mais c'est aussi pour cela que je ne peux pas comprendre comment on peut être affecté. Et que nos amis américanorhonalpins ne se trompent pas dans mes mes propos.

      On peut me traiter de gros alcoolique sans que je trouve cela péjoratif même si cela l'est même si ca vient d'un grosalcooliquophobe.

      Et je vais arrêter de neologiser avec mon iPhone. Trop chiant.

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    3. Didier, lyonnais américains ? Which one ?

      Nicolas, j'ai deux voisins, l'un se dit paysan et l'autre exploitant agricole. Vous vexeriez les deux si vous intervertissiez le terme qu'ils emploient pour leur métier, et chacun y verrait une intention péjorative. C'est pénible et idiot mais c'est comme ça.

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    4. Que fait-on avec Nègrepelisse? Et le quartier de la Négresse à Biarritz?

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    5. On a déjà supprimé la poule nègre-soie, et le gâteau tête de nègre. Entre flatter l'hyper susceptibilité de personnes qui ne seront jamais satisfaites et se soucier de ne pas heurter l'ensemble des noirs, il y a quelques nuances, non ?

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    6. Reste le problème du Monténégro.

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    7. il faut dire "Montez monsieur l'ambassadeur"

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    8. pfffff.... j'veux des commentaires philosophiques !

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    9. Et les négriers, il faudra les appeler des noiriers ?

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  8. Il y aura peut-être dérogation pour ça...

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  9. "Les noirs sont des cons comme les autres". (cf: Sartre, croit se rappeler ma mémoire.)

    Majeur

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    1. Non, les noirs aiment les cons, comme les autres.

      Did

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  10. "et, sinon, elle a évidemment raison pour les fringues islamistes."

    Oui, sauf qu'elle se trompe de cible. Et c'est bien là qu'il faut trouver la vraie polémique de son propos.
    Qui plus que les inconscients de sa famille politique sont responsables de cette islamisation incontrôlée qui nous a progressivement amené à ce genre de situation ? Madame Rossignol vient nous faire son numéro d'indignation médiatique à l'encontre de ces fripiers du prêt-à-porter, alors qu'elle et ses co-idéologues n'ont cessé de leur préparer un marché porteur aux petits oignons depuis l'ère Mitterrand.
    H&M, D&G et les autres ne font que prendre leur part d'un gâteau que les idolâtres bien-pensant du multiculturalisme leur ont patiemment confectionné.
    Alors oui, l'utilisation du mot "nègre" n'est pas vraiment l'idée du siècle. Mais c'est l'arbre qui cache la foret.
    Bien plus navrante est cette manipulation intellectuelle qui voudrait faire endosser aux mauvais responsables, les déviances sociétales qu'on a méticuleusement favorisées, et qui font aujourd'hui de notre pays un foutoir communautarisé jusqu'à l'os...
    (http://zone-critique.blogspot.fr/2016/04/fashion-burkini.html)

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  11. "patiemment confectionné"

    "les déviances sociétales qu'on a méticuleusement favorisées"

    Je ne crois pas que j'irai jusque là. Je dirais plutôt "déviances sociétales formidablement ignorées".

    deux choses effrayantes, pour moi:
    - qu'on appelle ça "la mode pudique". Les femmes musulmanes qui portent l'habit islamique, en général, disent que c'est "par pudeur". Ah, cette pudeur...
    - l'évolution sournoise de la mode vestimentaire des banlieues, qui a influencé toute la société française, en s'en prenant aux petites filles.
    Regardez sur les images d'archives, ou dans les films, ou dans les albums photo familiaux, l'évolution du vêtement des fillettes en été.
    Il y a vingt ans encore, le passage du printemps à l'été amenait, avec les fleurs et les papillons, les jolies robes et les culottes courtes. Les petits mollets sortaient de l'hiver tout blancs, les enfants prenaient le soleil...
    Je ne sais pas quand les premiers "leggings" ont habillé les petites filles, mais la mode a explosé d'abord en banlieue. Dans les cités, presque toutes les fillettes ont eu les jambes couvertes, avec une robe par dessus même en aout, quand il fait très chaud. Et c'est une mode contaminante...

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    1. "méticuleusement favorisées", ou "formidablement ignorées", la différence est dans l'épaisseur du trait. Ne dit-on pas "qui ne dit mot consent" ?...
      Taire les réalités, c'est se rendre coupable de négligence. Et quand ces réalités sont un danger, c'est se rendre coupable tout court...
      Ce sont nos multiples concessions aux pudibonderies religieuses qui ont "rhabillé" tout le monde, et rien d'autre. Il fallait y penser avant. Aujourd'hui, le mal est fait. S'en prendre maintenant à ceux qui surfent sur ce marché est d'une hypocrisie achevée.

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  12. Oui, le mal est fait, il est d'autant mieux fait qu'il y a une conjonction des traditionalistes religieux pour remettre les femmes dans le rang, ou ne pas les laisser en dévier. Si l'islam est le plus nocif en la matière, l'extrême-droite catholique et le judaïsme orthodoxe ne sont pas en reste. Les collèges catholiques déroulent le tapis vert aux enfants d'islamistes voilées, par solidarité imbécile.
    Je ne vais pas entonner le refrain "tous les extrémismes bla-bla bla" parce que les catholiques à jupe plissée, les juifs à papillotes et les fondamentalistes protestants sont minoritaires et relativement inoffensifs chez nous, si on les compare aux musulmans et au poids de l'islam sur l'éducation des filles.
    L'hypocrisie... C'est vraiment de l'hypocrisie ?
    Au moment de l'affaire de ce boucher de Nantes salafiste polygame, de son harem de femmes en burqa et de ses enfants bastonnés pour mieux apprendre le Saint Coran, il y avait sur les blogs de Céleste ou d'Irène Delse de délicieuses discussions sur les vilains racistes qui stigmatisaient le polyamour. Après les attentats de Daesh, , j'avais encore des échanges surréalistes avec de gentil crétins youpi l'islam, qui m'accusaient de "fantasme de péril islamiste". (ASL -Oh Océane) Le politologue Thomas Guénolé ne nous assure-t-il pas que la pratique religieuse baisse en banlieue, qu'il y a de moins en moins de femmes voilées ?
    Bref... On a vécu pendant des siècles avec l'hypocrisie catholique, si on appelle hypocrisie l'ignorance des valeurs évangéliques par la grosse masse des catholiques pratiquants. L'hypocrisie est aussi l'adaptation au monde, si on lui donne un autre nom moins moche. Celui qui a dit "aime-toi toi-même" n'avait pas de vision purificatrice.
    Tous les sursauts de ceux qui se sont contentés d'une douce langueur idéologique sont à prendre dans le sens... du bon sens, justement.

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.