mardi 30 mars 2010

Conversation avec une poubelle

 Il y avait du vent qui soufflait par rafales; les tôles vibraient, le container chuintait et soupirait. Les deux petits l'apostrophaient, lui disaient tire la langue, sors tes pattes si t'es vivant, t'as mangé des chevals et des maisons et ça fait ploc dans ton ventre, sans détacher leur regard des gros yeux noirs tout vides du monstre de plastique innocent.

lundi 29 mars 2010

Tu seras la fleur d'un joli bistro

Deux versions à mes yeux également aimables, comme dit l'autre, dont je regrette les chroniques matutinales:




jeudi 25 mars 2010

Je suis ton ennemi politique




Retourne voir tes copains d'extrême-droite zislamophobes, me suggère-t-on parfois, ou va donc écrire des billets sur ton blog de même. On me déclare aussi sans animosité "je sais que nous ne partageons pas les mêmes opinions politiques, mais..."
C'est bizarre. J'ai tout le temps voté à gauche (et pour la dernière élection au moins je l'ai fait de bon coeur, le choix n'était pas difficile), mais il faut croire que je ne parle pas à gauche.
Les contradictions mensongères des politiciens de gauche me frappent davantage que celles des politiciens de droite, comme j'en veux davantage à un catholique de manifester de la méchanceté, de l'égoïsme et de la sécheresse de cœur. Je me fais sans doute encore une certaine idée de la gauche, ou plutôt je n'ai pas tué toutes mes illusions de jeunesse. C'est bien naïf et je me moque de moi.
Je ne parle pas à gauche, pas avec le langage de la gauche des blogs de gauche, quand je dis ce que je vois. Le dernier exemple polémique est l'affaire Zemmour. Zemmour lâche dans un débat que les dealers sont en majorité noirs et arabes. Beaucoup comprennent, ou font semblant de comprendre "les Noirs et Arabes sont des dealers". Scandale. Tout le monde sait qu'il n'a pas tort, mais il ne faut pas le dire. Comme il ne fallait pas dire il y a vingt ans qu'il y avait des écoles peuplées en majorité d'enfants qui ne parlaient pas français en y entrant, puisqu'il n'y avait pas plus de 10% d'enfants d'immigrés officiellement. Ce n'est pas tant que tu dises cela, mais c'est ce que tu sous-entends, m'objectera-t-on. Or, je ne sous-entend rien. Si j'avoue que je regarde la télévision, et souvent Envoyé Spécial depuis des années, et qu'à chaque reportage sur la vie en prison, les jeunes en prison, le travail des policiers en banlieue, je vois sur l'écran que les hommes qui se promènent dans la cour ou qui ont les poignets menottés et répondent aux policiers dans les commissariats sont en majorité noirs et arabes, est-ce que j'ai de la merde dans les yeux ? Est-ce que j'ai le regard sélectif ? Mais on devine bien où je veux en venir, n'est-ce pas ?
Eh bien non. Je ne veux pas en venir à la conclusion "de toute façon, c'est racaille et compagnie et on dépense en vain du fric pour ces irrécupérables qu'il vaudrait mieux renvoyer dans leur pays".
Il me semble que la différence entre idées de droite et idées de gauche devrait commencer ailleurs, un peu plus loin, un peu plus profond que "tu n'as pas le droit de dire ce que tu vois, si tu insistes c'est pour gratter la plaie de l'humanité, pour alourdir le fardeau de l'humanité, le racisme". Est-ce qu'on ne pourrait pas revoir la prison, le système de sanctions, réfléchir à ce qui pourrait être efficace, regarder ce que font les autres pays, s'inspirer de ce qui marche, tout en admettant que si Caïn a tué Abel, c'est que le problème de la criminalité est ancien et qu'on ne le résoudra pas ? Je ne suis jamais allée à Fleury ou à la Santé. Est-ce que les reportages nous mentent ? Est-ce qu'ils sont objectivement racistes dans la façon de présenter leur sujet ? Pourquoi ne s'en prend-on pas aux images des reportages, si on s'en prend aux propos de Zemmour ? Quand Jack London enquêtait sur les bas-fonds et parlait de la violence et de la délinquance des pauvres, est-ce que des voix s'élevaient "Vous n'avez pas le droit de stigmatiser toute une population qui, que..."?
C'est bien pratique, le "on ne vous laissera pas dire une chose pareille, vous n'avez pas le droit". On fait l'économie des efforts pour traiter le problème, puisque le problème n'existe qu'au regard des méchants, des ennemis politiques.

vendredi 19 mars 2010

Donnez-nous aujourd'hui notre tristesse quotidienne


C'est le genre d'information qui m'attriste :
(Le Post, le 8 février)

Elections régionales: une tête de liste UMP veut des wagons réservés aux femmes


Sa candidature comme tête de liste UMP pour les élections régionales en Seine-Saint-Denis, avait déjà provoqué des remous...
Car Bruno Beschizza est le secrétaire général du syndicat de police Synergie, le deuxième syndicat d'officiers de police.
Ce policier de 39 ans s'est mis en congé de son syndicat, pour la période des élections régionales, rappelle Le Figaro.
Sur France Bleu, Bruno Beschizza s'est dit favorable à la mise en place de wagons réservés aux femmes, le soir, dans les transports franciliens.
Pour le candidat UMP, « il faut faire en sorte que les femmes seules aient un accès privilégié dans le premier wagon, pour que les gens se sentent en sécurité ».
Un premier wagon qui selon lui doit être « sur-vidéoprotégé ».
Et si ce premier wagon connaissait une grande affluence de passagers?

Réponse de l'intéressé:

« Il faudra s'adapter et alors? ».

Et aujourd'hui: (toujours dans Le Post)

Comme par hasard, Xavier Bertrand ressort l'idée des wagons réservés aux femmes!
Pour Xavier Bertrand le thème de la sécurité « n’est pas une priorité seulement pour l’UMP, c’est une priorité pour tous les Français ».
Et si l’UMP reprend ce thème, « c’est parce que la région a un pouvoir de décision important en la matière ».
Et le secrétaire général de l’UMP de reprendre la proposition de Bruno Beschizza, afin « de réserver un espace dans les trains de banlieue où les femmes seraient mieux protégées ».
Une proposition qui selon Xavier Bertrand « a fait sourire les observateurs, mais pas les femmes concernées ».
Un Xavier Bertrand, très optimiste, qui affirme que « dans toutes les régions que l’on gérera, nous allons renforcer la vidéosurveillance dans les gares, dans les transports et aux abords des lycées ».

Note de la rédaction du Post: "Je suis réservé sur cette proposition, estime Eric Ciotti, le Mr Sécurité de l'UMP, sur RMC. C'est une solution envisageable, si couplée avec d'autres dispositifs comme la vidéo protection. Ca doit rester exceptionnel dans certaines lignes à risques, à certaines heures de la nuit."

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Dorham a écrit dans la foulée un petit texte Tuez-les tous que je vous recommande

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jeudi 18 mars 2010

Et si tu pouvais voyager dans le temps ?


... et si tu avais une machine à voyager dans le temps, tu irais où, tu irais quand ? J'essayais d'écraser un moustique en m'agitant dans mon duvet sous une toile de tente canadienne; j'avais dix ans et je m'ennuyais en colonie de vacances. Le soir, mes deux voisines et moi papotions jusqu'à ce que nos yeux se ferment. Et si tu gagnais mille millions à la Loterie, et si tu pouvais te marier avec un acteur ou un chanteur, et si tu pouvais devenir invisible, et si tu pouvais tuer quelqu'un, et si... Une de mes compagnes d'alors est devenue violoniste, l'autre est devenue morte du sida le jour de ses vingt-cinq ans.

J'irais dans le futur. Dans trois où quatre siècles au moins. Je ne chercherais pas à savoir ce que sont devenus les enfants de mes enfants et leurs descendants. J'irais dans un musée ou dans une bibliothèque, ou dans quelque autre lieu où l'on aurait conservé ce que l'Homme a fait de beau, peu importe dans quelle partie du monde. De là, en regardant par la fenêtre, je verrais un paysage préservé: un fleuve qui méandre, une vallée, une montagne, des champs et des arbres. Je feuilletterais les derniers livres, on me dirait avec ménagement ce qu'est devenu le monde.

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Didier Goux veut aller voir Flaubert et les frères Goncourt, et le Coucou s'amitier avec Andersen. Nicolas se contente de Platon et des bistros grecs, Homer écrit ses premières piges dans un journal d'Arras, avant la Grande Exposition Universelle. Mtislav
rend visite à Montaigne et Le Privilégié embarque pour le Montréal d'il y trois cents ans.
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mardi 16 mars 2010

Pour une école citoyenne juste et meilleure



Tout le monde fait des pétitions, c'est trop tendance, alors moi aussi.


Moi, je vais demander un arrêt immédiat de harcèlement de la part des professeurs qui stigmatisent mon fiston et lui mettent des notes qui ne lui donnent pas envie de s'investir dans une scolarité épanouissante. Ils ne prennent pas en compte le fait qu'il vient de subir un déménagement avec perte de tous ses repères, et qu'il a eu depuis trois ans des enseignants trop souvent absents, inexpérimentés, jeunes, vieux, fachos, sadiques. De plus, le décès de son arrière-grand-oncle, suivant de peu celui de son hamster Bouboule l'a affecté au point qu'on a du appeler le médecin pour qu'on lui donne quelque chose pour calmer son angoisse. C'est sans doute sous l'effet de ces calmants qu'il s'est laissé influencer la semaine dernière par des camarades qui l'ont moralement forcé à monter sur sa table, en cours de physique, pour appeler le reste de la classe au chahut général. La professeure s'était absentée pour aller chercher dans la cour son agenda qu'un élève en situation de grande détresse psychoculturelle avait jeté par la fenêtre. Un enseignant, alerté par le bruit anormal qui traversait les murs, a fait irruption et saisi brutalement mon jeune par le col de sa veste (si brutalement qu'il l'a déchirée, une Adidas presque neuve, c'est pourtant solide !) et l'a pratiquement jeté au sol. Bien que la classe dans son ensemble se soit déclarée choquée par la violence de l'enseignant, accompagnée de paroles injurieuses et déplacées, et se soit excusée auprès de la professeure qui a conclu: "ce sont des gosses, rien que des gosses, et c'est pas leur faute s'il y a pas assez de surveillants et si on ne nous apprend pas à gérer ce genre de situation générée par l'angoisse d'avoir des parents en précarité et Sarkomoizy pour tout avenir", j'ai décidé de porter plainte car l'école doit être un rempart, un sanctuaire et un pilier, où les instits et les profs doivent donner l'exemple par le dialogue et l'ouverture à l'autre, et pour qu'on me rembourse la veste aussi.

J'apprends qu'il y a une pétition qui circule pour défendre le professeur qui a jeté mon enfant par terre, et qu'on exige que je retire ma plainte. Je vais porter plainte contre la plainte qu'ils portent contre moi, c'est inadmissible de telles méthodes, on se croirait dans un régime policier.

En attendant, mon enfant est gravement traumatisé, il collectionne tous les articles et commentaires qui paraissent sur le Net sur son affaire pour les mettre sur son Facebook. On peut mesurer l'anxiété et le malaise des jeunes de son collège à la maladresse et la crudité de leurs interventions, qui pourraient passer pour des insultes aux yeux des pédophobes mais dont la cause profonde est à chercher dans cette machine à fabriquer des inégalités et du mal-être qu'est l'école d'aujourd'hui.

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Je remercie Nicolas qui m'a fourni l'inspiration de ce billet.

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vendredi 12 mars 2010

Les antennes de téléphonie mobile sont dangereuses pour ma voisine


Une habitante d'un village voisin du mien est allée chez le magnétiseur se faire démagnétiser. Elle a posé la main sur une boule en cuivre fixée sur une tige flexible fichée dans un socle comme celui d'un punching-ball ou d'un lampadaire.
Le magnétiseur qui lui serrait la main se tenait pieds nus dans l'eau froide d'une bassine en métal; il se concentrait très fort pour émettre des ondes nettoyeuses et les réceptionner ensuite dans son corps à lui, toutes moches et polluées, afin de les renvoyer pures et fortes dans le corps de sa patiente.
C'est un métier à risques, et il ne prend que cinquante euros pour une consultation de ce type. En principe on donne ce qu'on veut ou ce qu'on peut, mais tout le monde prépare le billet de cinquante euros parce que les chèques, n'est-ce pas...
Cette dame a souvent quelque chose qui cloche. Petits, ses enfants avaient toujours des vers, les vers vont droit au foie et font qu'on ne peut pas apprendre correctement ses tables de multiplication, c'est bien connu, et elle a dépensé une fortune chez le passeur de vers. Sa fille aînée ne vient presque plus la voir alors qu'elle habite tout près et son beau-fils est antipathique comme pas deux, son dernier fils travaille mal au lycée agricole et s'acoquine avec des voyous, elle en conçoit des insomnies pour lesquelles le docteur est obligé de lui changer souvent les remèdes, car les cachets l'empêchent presque tous de bien digérer, ce qui la "fait aller" la nuit et lui donne des aigreurs d'estomac. Les vaches ne prospèrent pas comme elles devraient, il est né un veau aveugle la semaine dernière, quel malheur d'être fâchée à mort avec Arsène, lui qui sait si bien lever les sorts jetés par des voisins jaloux.
Je l'écoute d'une oreille poliment attentive sur le parking du Super U et décline son invitation à passer prendre un café. Je lui souhaite une meilleure santé, mais elle me répond "ça ne va pas s'arranger". Je ne lui demande pas pourquoi, mais elle me le dit tout de même: on a installé une, puis deux, puis trois antennes de téléphonie mobile pas très loin de chez elle, voilà pourquoi elle sort de chez ce magnétiseur qui a trouvé un regain de clientèle en stimulant les forces régénératrices du cerveau de ses clients affaibli par les bombardements d'ondes négatives de ces engins malfaisants. Elle est tranquille pour un mois, il lui a donné un bidon d'eau de son puits béni, chargée en énergie par ses soins. Elle doit en boire un peu et s'en mouiller la tête chaque jour, et respecte fidèlement cette prescription.
D'ailleurs, elle en offre aussi à son chien, si brave, si bon gardien, et à son mari aussi puisqu'elle fait le café avec.

jeudi 11 mars 2010

Bonne fête à toutes les Anastasie, et condoléances à Chieuvrou


C'était la Sainte Anastasie hier ! Décidément, j'en loupe toujours une! Bonne fête à tous les blogs qui ont censuré mes commentaires, à Mlle S, à Dalyna, aux Femmes Engagées Dégagées Tout simplement, et à d'autres encore que j'oublie sans regret, dont les ciseaux étaient moins clic-claquetants.

Je profite de ce billet pour adresser mes condoléances sincérissimes à monsieur Chieuvrou pour la mort (d'un arrêt cardiaque, semble-t-il, la vie nous joue parfois de ces tours inattendus) de Patrick Topaloff. Séchez vos larmes, petit Chieuvrou, ce chanteur qui aimait tant le bonheur ne voudrait pas vous voir aussi désespéré. Il vous aime de là-haut et veille sur vous. Son ombre tutélaire vous enveloppe déjà d'un amour éternel, et lorsque vous le rejoindrez au paradis, les anges qui connaissent toutes ses chansons vous les fredonneront et vous berceront pour l'éternité.

lundi 8 mars 2010

La journée de la femme, olé !


Je n'ai pas envie de faire un billet "spécial journée de la femme". Celui de Polluxe est très bien, et les liens qu'elle propose sont bien aussi. Je suis régulièrement accusée d'être une vilaine raciste islamophobe pourrie de colonialisme par le sémillant Petit Champignacien et ses vaillants compagnons de la Gauche Eternelle qui n'ont pas de mots assez durs pour souligner la vilenie de mon blog où je dis qu'avec cette connerie d'islam qu'on flatte et qu'on engraisse on se rebalance cinquante ans en arrière, au moins en ce qui concerne l'évolution de la condition féminine dans notre pays. Et c'est d'autant plus affligeant que l'islam de ceux qui défendent le voile, la burqa et le halal pour tous est une religion minoritaire, passéiste, misogyne, mais minoritaire chez nous, et qu'il suffirait de dire non gentiment, en souriant, aux revendications débiles style: je veux que dans son école publique ma fille soit voilée et n'aille pas à la piscine avec les garçons et que mes enfants mangent de la viande d'animaux égorgés en direction de la Mecque pendant que le sacrificateur dit la prière ad hoc et que l'on verse l'impôt obligatoire sur cette viande à la mosquée qui a formé ce sacrificateur, dans laquelle où l'on dit aussi que le Coran demande de frapper sa femme, de se voiler et de tuer ou rejeter les homosexuels. Bref. Le voile à l'école on a déjà dit non, mais les gentils zumanistes pleurent de toutes leurs larmes: c'est si méchant et tellement antidémocratique d'empêcher les filles voilées de s'instruire ou d'aller à la piscine, et les immans d'immaner en paix. Les femmes sont tellement impures qu'elles ne participent même pas à la prière publique dans les rues de Paris, dis donc. Elles ne peuvent pas non plus aller à la mosquée si elles ont leur règles, berk. Par ailleurs, je ne vais pas me battre pour ce type d'égalité, rien à cirer de ces coutumes rétrogrades, et je sais qu'il y a moins d'un siècle nous n'étions guère mieux dans notre doux pays, mais justement, on commençait à avoir un peu la paix.

Pour conclure, vivent les féministes maghrébines, les femmes et hommes de bonne volonté, et honte à la gauche-carpette des nouveaux misogynes et sympathisants islamistes.

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vendredi 5 mars 2010

Hou, la vilaine ! (J'ai encore démasqué une vilaine islamophobe, merci qui ?)






"En montrant ma tête découverte, je montre aux électeurs que notre liste n’est pas seulement composé d’islamistes"




Elle prend des risques, et tout le monde applaudit ce courage.


Tout le monde ?

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Voilà comment on perd son temps (billet décousu)


Ce matin, je me connecte et je vais ramasser les billets frais pondus. Je lis Les notices botuliques sur Ruminances, et je me dis que je vais laisser un petit commentaire: les écrivains créés de toute pièce, par nécessité (censure) , goût de la dissimulation ou du canular, il y en a tant... Tiens, Sally Mara, le Journal de Sally Mara, écrit par Queneau. Il y a vieille lurette que je l'ai lu. Etait-ce une supercherie, est-ce que ça a fait du buzz à l'époque ? Zut, mes souvenirs chancellent, vite un petit coup de Google qui ne m'apprend pas grand chose, mais me rappelle que Vian et Queneau avaient fondé l'Académie de la Moule Poilue. Il me semble qu'on rigolait davantage en ce temps-là. Ma voix intérieure contradictoire m'admoneste " haha, en ce temps là, raconte encore, mémé, et cause nous des splendeurs déchues de l'époque merveilleuse où l'on apprenait du Péguy et du Toulet par cœur à l'école publique de ta petite ville de province". Bon, je ne vais pas ramener ma science sur Ruminance "Et Sally Mara, vous la connaissez, Sally Mara ? ben moi oui, mais je ne voudrais pas avoir l'air de me la péter, et comme j'ai des trous dans la mémoire...." Il doit être quelque part dans la maison, ce livre, mais j'ai la flemme de le chercher, et si je commence à le chercher, je vais en retrouver dix que j'aurai envie de relire d'urgence. Je voudrais que tous mes livres soient sur un disque dur. Une phrase remonte du puits de mes lectures, du bazar foutoir de mes lectures dilettantes, d'où vient-elle ? clic clac, c'était là, et voilà le contexte et le roman entier. Et puis, tant qu'on y est, ma vie entière sur disque dur. D'où me vient le souvenir de ces deux vieux qui vivaient dans un immeuble neuf, au treizième étage, dans quelle banlieue ? L'un disait à l'autre "tu vois, moi je voterai toujours pour les communistes, parce que dès qu'on a eu une mairie communiste, les vieux ont eu le charbon gratuit. Même si maintenant on se chauffe avec le mazout ou le courant, moi je voterai toujours communiste." Et, longtemps, pour moi, les communistes furent ceux qui donnaient le charbon aux vieux. Je suis nostalgique de mes illusions d'enfance et de jeunesse, c'est banal, et lire Didier Goux attise cette nostalgie. Je comprends très bien ce qu'il veut dire quand il parle des ouvriers avec une vraie gueule d'ouvrier, qui avaient une fierté de travailleur, une morale de classe. Je pense aux grèves des sardinières bretonnes, à ces garces de rouges. Les curés les menaçaient de l'enfer, refusaient leurs enfants à l'école. Les meneuses furent-elles excommuniées ?Ah, elles ne se mettaient pas des plumes dans le cul, un nez de clown et du maquillage vert et bleu pour défiler dans une atmosphère festive et créative. C'était le bon temps ? Ah, non alors, pourtant. Saloperie d'exploiteurs, saloperie de religion. Qu'en dit Lediazec? .Je pense à une amie disparue qui travaillait il y a peu dans un abattoir de volailles, à ses compagnes de travail, à la honte qu'elles avaient de ce qu'elle n'appelaient jamais leur métier, mais "ce boulot", ç'qu'on fait. Je deviens carrément triste. Deux maliens sont venus travailler dans cet abattoir. Horaires de merde, salaire minimum. Il y a toujours de l'embauche là dedans, personne ne veut y rester. Eux, ils courbaient le dos, ils faisaient tout ce qui dégoûtait le plus les autres. Un jour, à six heures, les gendarmes sont venus les chercher à leur domicile, mais ils étaient déjà au taf, et quelqu'un s'est dépêché d'aller les prévenir. Ils étaient bons pour le charter, sinon. La solidarité villageoise a joué: pourquoi aurait-on viré ces deux là qui triment comme des bêtes de joug, qui ne pleurent pas après les heures supplémentaires payées "comme ça", ou pas payées du tout, on verra après ? Occupez-vous des racailles de banlieue, disaient les habitants à la maréchaussée, eux bossent, bossent dur et ne font de mal à personne. Du coup, on les a légalisés, contrat de travail, permis de séjour, la grande mobilisation citoyenne et les articles de presse ont été évités de justesse. Je ne peux pas écrire ça dans un billet, Didier Goux va me traiter de Céleste. Oui, mais le son de cloche se fêle si l'on parle de leurs enfants. Une fois régularisés, ils ont fait venir leur femme et leurs enfants, et d'autres enfants sont nés en France. Ils sont allés à l'école du village, au collège du bourg, il y en a aujourd'hui cinq qui traînent en survêtement Adidas et baskets de luxe, taguent le mur de l'épicerie, posent des problèmes de comportement , d'incivilité, de petite délinquance (et de tentative de rackett sur handicapé, dernièrement) et se la jouent "caïd de Chicago". Tout le salaire des pères a été dépensé pendant des années pour que leurs enfants soient "comme les autres". C'est gagné.

Eh bien, je n'ai pas écrit mon billet, du coup, à propos de la Halde qui défend les diseuses de bonne aventure, et des passeurs de vers et soigneurs d'eczéma qui officient dans ma riante campagne. D'où la photo (porte de Montreuil, il y a deux ou trois ans), que je laisse.

mardi 2 mars 2010

Se promener avec Renaud Camus

Je suis une grande petite lectrice du Journal de Renaud Camus. Je devrais plutôt dire une grosse petite lectrice: grande et grosse dans le sens où j'ai lu tous les tomes de ce journal et pas grand-chose d'autre de cet auteur, et que j'y pense souvent. Petite dans le sens où je suis loin d'en tirer la substantifique moëlle, où je m'en nourris d'abondance sans en retenir grand-chose, sans engraisser beaucoup ma culture.
Je ne me plains pas des ressassements et radotages inévitables des journaux d'écrivains qui prennent de l'âge. J'aurais préféré aborder celui de Léautaud par la fin pour passer vite ce goût amer, racorni, desséché, des épuisantes dernières années, mais je ne voudrais pas précipiter la vieillesse du châtelain de Plieux pour relire sa vie à l'envers. Lectrice indulgente et affectueuse aussi, pour quelqu'un qui ne me ressemble guère, enfin à qui je ne ressemble guère, enfin avec qui je n'ai pas beaucoup de points communs sinon... tiens, le goût de la promenade, déjà, qui m'inspire le billet de ce matin.
J'ai ouvert mon blog, voilà presque un an, sur un extrait de Sommeil de personne. Il a beaucoup plu ces derniers jours et comme j'habite dans une région de terres acides, les mousses, les lichens et autres plantes rases prospèrent dans les landes sur les schistes et les grès qui affleurent un peu partout, et les ornent d'étranges floraisons minuscules. Je me promenais dans les landes, admirant les mousses, donc, quand je croisai un homme vêtu d'un autentique kabig bleu marine, d'un bonnet assorti et de chaussures de marche. Il est d'usage, quand on se croise sur un chemin, de se dire bonjour. Quand c'est une famille qui s'égrène dans un sentier encaissé bordé d'ajoncs, on dit autant de bonjour qu'on croise de personnes, et parfois on dit distraitement bonjour au chien folâtreur qui rattrape sa tribu. Il n'y a pas de bienséance particulière, c'est celui qui voit en premier l'autre qui dit bonjour, qu'il soit homme ou femme. Bonjour, juste bonjour. Pas "bonjour monsieur", ou "bonjour madame", comme le voudrait la politesse ancienne. Oui, mais voilà: quand je me promenais ce matin, Renaud Camus était avec moi, et me parlait du paysage, me désignait un hangar de tôle qui écorche l'horizon, d'une malencontreuse coupe de bois qui dévoile deux silos d'une ferme gâchant la vue du petit château, derrière... Et Renaud Camus souffre quand on il entend "bonjour" sans monsieur ou madame derrière. Il ne s'y fait pas, il ne s'y fera jamais, il le répète assez tout au long de ses pages. Aussi, quand l'homme a soulevé son bonnet et m'a dit d'une voix grâve:"bonjour madame", j'ai été tellement surprise par l'incarnation camusienne de ce promeneur du matin (que je n'avais jamais vu auparavant), que j'en suis restée muette et que je l'ai regardé en écarquillant les yeux.
Peut-être à cette heure est-il en train d'écrire sur son blog ou dans son journal à lui qu'il a rencontré une espèce de paysanne ahurie, une innocente sourd-muette qui caressait les mousses, toute seule, sur un rocher...

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lundi 1 mars 2010

La journée sans immigrés




Tiens, Nicolas a écrit un article sur la journée sans immigrés. Il ne la soutient pas à 100%. Il est donc abominablement raciste, ou xénophobe, ou immigrophobe, dans une incertaine proportion. Il faudra le surveiller du coin de l'œil.
Ce n'est pas pour me vanter (en fait, si, un peu) mais j'avais écrit un super billet à ce sujet, qui a été repris en italien par Global Voice (une publication dans des tas de langues, pas mal, hein ?) J'y suggérais de buter les immigrés pour les supprimer jusqu'au dernier. On voit par là que j'ai le sens de l'acte créatif et festif*, une nature franche et un caractère volontaire. J'avais juste oublié cette satanée journée, et aujourd'hui je me retrouve prise de court. Je n'ai aucune arme, comment faire ? Où est-ce que je vais trouver un immigré assez malingre pour se laisser occire ?

Je vais remettre la chose à l'année prochaine.

Merle moqueur se dit Ragazza burlona en italien, et je trouve ça très joli.


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Créatif et festif est © Rimbus

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Les militantes zumanistes qui n'ont pas de ruban jaune sous la main peuvent manifester devant la mairie vêtues d'une culotte jaune. Aucun immigré ne leur en tiendra rigueur, l'important étant de participer.