jeudi 25 octobre 2012

Ses aïeux

C'est une brasserie près des halles, un samedi. On y sert le vin au verre, la cuisine est familiale. Il n'y a pas de décoration typique, tout y est plus ou moins ancien. À onze heures la serveuse  en surchauffe dispose des couverts sur les tables qui se libèrent et quand je cherche un coin pour boire un café, elle me pousse vers un reste de banquette près du bar.
Il y a là quatre messieurs et une dame d' âge bien mûr, et un garçon de trois ou quatre ans. Sur la table quatre ballons de vin, deux de blanc, un rouge, un rosé, une tasse de chocolat et des tranches fines de fromage posées dans leur papier, brisées avec les doigts. La conversation va bon train. Le moins vieux des vieux explique son opération de la hanche et la rééducation difficile. On parle des prothèses en plastique et en métal, on charrie gentiment le bonhomme en le traitant de robocop, on lui prédit la rouille le temps qu'il lui reste à vivre et le recyclage spécial métaux et plastique ensuite. C'est pas vrai, interrompt le gamin, moi je l'ai vu dans la douche, pépé Gilbert, et c'est de la peau en peau qu'il a, comme de l'autre côté, pas du plastique. Hurlements joyeux des vieux. On lui explique, sans le convaincre. L'enfant joue avec un minuscule camion de pompiers qu'il fait rouler entre les verres et les papiers de fromage. Ses cheveux sont noirs, coupés en brosse très courte. Il a le visage carré, d'épais sourcils. Ce n'est pas un bel enfant comme on en voit dans les pubs mais un petit gars trapu, large de face et mince de profil, qui se tient droit, jambes écartées comme un marin sur le pont.
Mémé Colette ! Crie-t-il soudain. Colette ! Reprennent les autres... On se pousse pour faire de la place à Colette qui traverse la salle, flanquée d'un caddie de marché d'où dépassent des poireaux et des lys. Colette pose les lys sur la table, l'enfant y colle le nez et le relève tout orange. On cherche un mouchoir. Il y en a trois en tissu à carreaux, grands comme des serviettes, qui sortent des poches de manteaux. L'enfant les prend et va s'asseoir sous les chaises. Il fait une tente dans le désert pour son camion de pompiers. Colette sort les poireaux, le pain, et extirpe du fond du caddie un paquet enveloppé de papier vert pâle... T'en as trouvé, t'en as trouvé ! Comment t'as fait, t'as du venir tôt, nous quand on est passés yen avait déjà plus ! Colette commande un rosé à la serveuse qui court partout. Dix doigts déballent le trésor : des tranches d'andouille qu'on dispose côte à côte. À en juger par les exclamations, c'est de la bonne et de la rare. L'enfant refait surface. Il pince une tranche délicatement, par le bord, et commence à l'éplucher. Il enlève d'abord la peau noire, et après le plus grand des cercles concentriques. Je vais manger la roue du vélo, annonce-t-il, et il suçote sa lanière d'andouille avec gourmandise. Il détache une à une les couches fines, les enfile sur ses doigts, les déguste. Il a les lèvres et les joues grasses, et quand on les lui essuie, c'est comme un pomme rouge qu'on frotte, ses joues deviennent toute brillantes. L'aïeule ouvre une boite de boudoirs et en offre un au garçon, qui le trempe dans le verre de blanc. Quand il veut recommencer, avec le rosé cette fois, les vieux ensemble protestent que non, c'est de l'alcool quand même, une fois c'est assez. Puis, en riant, pépé Gilbert et mémé Colette ajoutent : et oh la la, que nous dirait sa mère si elle le voyait, hein ? Et son grand père alors ?
Je comprends que l'enfant est leur arrière-petit-fils. Les clients et la serveuse le regardent, et je lis la même chose dans leur regard à tous. Il a de la chance.

lundi 22 octobre 2012

La mémoire de Renart

  Chers internautes pas encore internés, si  vous êtes en galère d'idées pour animer vos fêtes, mariages, anniversaires d'enfants, pots de départ à a la retraite  et barbecue du comité d'entreprise, je vais vous filer une idée qu'elle est bonne et originale: le lancer de renard.
 Wikipedia consacre à cet amusement inexplicablement tombé en désuétude une page intitulée Lancer de Renard. L'article  commence ainsi:
Le lancer de renard (en allemand : Fuchsprellen) était un sport populaire dans certaines parties de l'Europe durant les XVIIe et XVIIIe siècles, où les participants lançaient en l'air des renards et d'autres animaux vivants.
Et là, je dois me pincer pour ne pas le recopier intégralement, ce qui serait mal.
Auguste II de Pologne, dit« le Fort », alors qu'il n'était encore qu'électeur de Saxe, a tenu un concours de lancer célèbre à Dresde, durant lequel 647 renards, 533 lièvres, 34 blaireaux, 21 chats sauvages, 34 marcassins et trois loups ont été lancés et tués. D'autres monarques ont également participé à ce sport. L'envoyé suédois Esaias Pufendorf a assisté à un concours de lancer de renards qui s'est tenu à Vienne en mars 1672, et a noté dans son journal sa surprise de voir l'empereur Léopold Ier se joindre avec enthousiasme aux nains de cour et aux garçons qui frappaient à mort les animaux blessés ; il a noté qu'il était remarquable de voir l'empereur ayant « des petits garçons et des bouffons comme compagnons, [ce qui] était à mes yeux quelque peu étranger à la solennité impériale. »
A l'heure où l'on vient  de donner le prix Nobel de la paix à l'Union Européenne, en ce moment même, dans les taillis et les sous-bois  de très vieux renards et  blaireaux, au calme  dans l'accul de leur terrier,  comme font les griots sous le manguier, transmettent aux  jeunes de l'année la geste de leurs ancêtres griffus, pelus et  velus. 
L'homme d'Europe, historiquement, culturellement parlant,  n'y apparaît pas sous un jour très favorable.

Wikipedia, Lancer de renard.

mercredi 17 octobre 2012

Bloguer ou faire des crêpes ?

J'ai failli écrire à Didier Goux pour m'auto-dénoncer afin qu'il me flagelle dans ses moderneuneus.

On ne devrait pas relire ses commentaires.
Enfin, moi je ne devrais pas, mais il y en a surtout certains que je n'aurais pas du écrire, ou pas comme ça... Comme celui-là, chez miss Elodie: "On fait encore le grand écart avec une jambe du côté du féminisme pur et dur, et une autre du côté de "ne stigmatisons pas le garçon arabe au nom d'un féminisme instrumentalisé qui fait le jeu des racistes d'extrême-droite."***
Le plus étonnant est que les jambes ne se soient pas encore désarticulées, depuis le temps
."
Ce n'est pas que je veuille me vanter en réclamant la palme de l'auto-dérision, mais quand j'ai relu cette belle envolée  une heure après, je me suis fais éclater de rire toute seule, à cause de l'image évoquée par ce grand écart.
Je vais mettre moins de café dans mon calva, le café, ça énerve.

 *** Voir le commentaire de Chieuvrou, plus bas

lundi 15 octobre 2012

Racisme ordinaire



comme Racisme













Racisme ordinaire... Après avoir lu des milliards de fois cette expression, et après l'avoir utilisée moi-même moutonnièrement, j'en ai bien peur, je finis par me demander ce qu'est le racisme extraordinaire.

Cet intense effort de réflexion  ne me portera pas jusqu'à essayer de répondre toute seule à cette question qui m'est venue en lisant le billet de Nicolas, qui reprend le billet de Sarkofrance, en passant par d'autres billets, twitts, et autres vagues qui roulent les galets, ah le blogage la mer toujours recommencée, ou l'air chantonné  dans la rue que reprend un autre chantonneur qui l'amène dans la rue d'à côté et ainsi de suite jusqu'à minuit quand la lune est haute dans le ciel et que le premier chantonneur se réveille en entendant  quelqu'un qui siffle sous sa fenêtre l'air qui, l'air que...  et, oui, moi aussi j'y participe.
Kesjevoulais dire, en fait ?  Racisme ordinaire lit-on, à propos de twitts mode grosse blague sur les juifs.  Certains commentanautes  rappellent les camps nazis, l'horreur, et tout et tout. D'autres assurent que la France n'est pas majoritairement raciste (ou antisémite) puisque le Front National reste minoritaire dans les votes. Je dis hum aux deux. Les incessants rappels aux camps, à la Shoah, c'est comme si on donnait un petit coup de paume à un moulin à prière. Personne n'écoute le moulin, il suffit qu'il tourne. Refiler l'antisémitisme au Front National et à lui seul, c'est simpliste, même s'il en charrie dans sa grosse besace, et du lourd, du capiteux, du bonifié avec l'âge.
Non, moi ce qui m'interpelle, me turlupine, me pose question, c'est la réponse automatique dès les premières notes "oui mais l'islamophobie aussi etc".  Vous avez joué, enfant, à mettre votre main sur celle d'un copain, qui mettait la sienne par-dessus la vôtre, et puis vous mettiez votre deuxième main par-dessus la sienne, lui faisait de même, vous ôtiez celle du dessous pour la remettre par dessus, et ainsi de suite ? C'est l'effet que je garde de ce genre de discussion, d'argumentation qui n'en est pas.  Et, alors que le sujet premier échappe (on ne parle plus des antisémites mais des islamophobes), quelqu'un, inévitablement, avance que les juifs sont coupables. Leurs organisations sont coupables, leurs mouvements de défense sont coupables, si personne ne s'élevait contre l'antisémitisme eh ben d'antisémitisme yen aurait pas, voilà.

Je voudrais tant avoir l'innocence de cet enfant que je tenais par la main en longeant une manifestation pro-palestinienne, il y a deux ou trois ans, quand nous entendions dans la rue "mort aux juifs ! "
Il m'a montré d'où venait le cri et m'a demandé "Qui c'est, Moreau ?"


***

mardi 9 octobre 2012

Que puis-je faire pour mon pays ?



 Automne, saison des grands labours, des pommes, des poires, des dépressions saisonnières  et de la taxe nouvelle. 
Avant qu'il vienne à notre gouvernement l'idée farfelue de lever un impôt sur le cidre, la crêpe bretonne, les bottes en caoutchouc  et le ramassage des champignons dans les sous-bois, je voudrais proposer quelques idées pour piquer du pognon là où qu'il y  en  a encore et que personne n' y a pensé si ça se trouve.

 En premier, taxe sur l'espérance de vie. On fait passer un examen médical à ceux qui atteignent l'âge de dix-huit ans. Les ceusses qui sont riches d'une bonne santé, sans même une petite myopie, sans grains de beauté suspects, avec un coeur impeccable et un cerveau de même, bling, paf, on les pointe au tarif fort. Ce sont des  privilégiés qui s'ignorent. Après, on instaure le tarif dégressif. Barème pour troubles de la vision, souffle au coeur, boiterie, bref,  pas la peine de faire un dessin, et ce sera une occasion charmante pour les nouveaux manuels de mathématiques   de réformer leurs énoncés parfois vieillots afin d'appliquer  la soustraction et les pourcentages. Contrôle technique tous les deux ans, non remboursé sauf pour les indigents manifestes, les  femmes enceintes et les amputés. Au début, on se targuera de solidarité compensatoire pour les vieux et les z'andicapés à qui on accordera chichement quelques cents. Comme pour le coup de la vignette des vieux. La vignette, tiens ! Rétablir d'urgence la vignette. Taxe pour les voitures de plus de deux ans, surtaxe pour celles de plus de cinq ans. Impôt sur les pneus.  Un coup de jeune  pour l'industrie voiturière récompensera l'effort consenti.

 Quid de la taxe sur les sodas ? Cette brillante idée du gouvernement précédent a-t-elle été abandonnée ? Pas de nouveau jeu en projet pour la Française des jeux ? En voilà un prélèvement qui n'est pas impopulaire, au moins ! Revenons à la malbouffe. Taxe sur les chips, les glaces, tous les surgelés sauf les légumes non cuisinés. Taxes sur les fastefouds. Taxes sur les chocolats,  les bonbons, les céréales sucrées du matin, les barres chocolatées et autres saletés de l'après-midi.

Une merveilleuse blogueuse, connue pour son ardeur irrépressible,  irréfragable et irré tout ce qu'on veut (haro sur le irré !) à chasser le racisme, fût-il anti-anglais,  demandait il y a petite lurette dans un billet judicieusement intitulé  citoyen, des idées d'impôt la taxation des oiseaux, des chats et  des chiens. Nous ne la suivrons pas sur ce chemin, ni sur aucun autre, d'ailleurs, nous n'avons pas les chaussures pour.  Taxer les chiens aurait peut-être pour effet de réduire leur nombre. Oui mais pense-t-on intelligent de mettre en péril l'industrie de la ferblanterie qui tourne surtout grâce à Médor et Minouche ? N'avons-nous pas assez de chômeurs comme ça ?   Quoique...  Si l'on taxait chiens et  bouffe pour chiens,   on pourrait accepter d'exonérer les propriétaires  de petits  ratiers pour peu qu'ils s'engagent à ne les promener que dans les caves, afin d'y manger les rats qui pullulent dans notre capitale et dans nos grandes villes. D'une pierre deux coups. Les propriétaires de chiens qui n'auraient pas le temps (il y a des gens qui travaillent, et d'autres qui sont aussi propriétaires d'enfants - pour ceux qui cumulent, passer au Centre des Impôts pour obtenir un certificat d'exonération proportionnelle -) feraient appel à des promeneurs de chiens de caves, ce qui créerait des emplois et soulagerait les trottoirs de nos villes des chômeurs au regard morne et des crottes de chiens qui envoient les vieux à l’hôpital se faire recoller le fémur.  De plus, avec le temps, nous créerions une race de chien capables de voir dans le noir, ce qui serait plein d'enseignements  pour la science.

Il ne nous restera plus qu'à taxer les impôts ou  imposer les taxes, et c'est ainsi que notre gouvernement sera grand. 


lundi 8 octobre 2012

Les heures les plus sombres de notre histoire






Qui a dit pour la première fois "Les heures les plus sombres de notre histoire" ?

vendredi 5 octobre 2012

Un peu de changement pour les Gens du Voyage, c'est maintenant

Ah, tiens, une injustice en partie réparée.
Alors qu'on parlait de l'opportunité d'offrir le droit de vote  aux étrangers, il y avait une sous-catégorie de Français qui n'en bénéficiaient qu'avec un régime spécial et restrictif : les Gens du Voyage.
Si vous déménagez, vous pouvez voter au bout de  six mois dans votre nouvelle commune.
Les Manouches, Gitans et autres Tziganes nomades devaient  attendre trois ans dans leur commune de rattachement,  eux. Ces communes dites "de rattachement"  avaient un quota, aussi. Pas plus de 3% de nomades inscrits sur les listes électorales. Ce délai d'attente a été aligné sur celui des autres Français.
Les nomades avaient un carnet et un livret de circulation. Le carnet devait être visé et tamponné tous les trois mois par la gendarmerie. Un an de prison en cas de manquement. Il  vient d'être supprimé.  Le livret est gardé, lui. Les SDF n'ont pas besoin de livret, mais  les Tziganes, si. Certaines familles tziganes ont des ancêtres au père Lachaise et ailleurs en province  depuis plusieurs siècles.

Beaucoup de Gens du Voyage ont réussi à ne plus avoir de carnet ni livret, en achetant des maisons ou des terrains pour y vivre en famille.  Le problème de la commune de rattachement ne se pose plus, s'ils y séjournent un certain temps. C'est sans doute la meilleure solution, même si elle ne convient pas aux nomades purs et durs.




Journée mondiale des enseignants

Hier, c'était celle des animaux, demain c'est relaxe et après-demain c'est celle de l'action pour le travail décent. On progresse.

Jacques Etienne n'est pas d'accord au sujet de l'orientation par les parents.
On reconnait bien là les façons nostalgiques et réactionnaires d'un ancien professeur qui ne veut pas tourner la page de la modernité.  On s'interrogera également sur le bon sens de ces enseignants ordinaires qui papotent sur le forum  Néoprofs.  Pour un peu, on dirait qu'ils ont envie de faire bosser de gré ou de force les enfants qui leurs sont confiés  au lieu de les laisser acteurs de leurs apprentissages et  maîtres de leurs choix orientationnels, sans contraintes, sans sanctions, sans parasitages de notes ou d'évaluations-couperets superfétatoires et dangereuses. Va falloir changer de comportement, hein.

Quand je pense que j'ai été parent délégué FCPE...

***


Le président de la FCPE, Jean- Claude Hazan,  a demandé  lors d'une conférence de presse  l'arrêt des notes jusqu'à la fin du collège, des devoirs à la maison et du redoublement, estimant que l'école a besoin d'une "rénovation pédagogique".
"Les enseignants délèguent de plus en plus le travail à la maison, il faut que le travail personnel soit fait en classe de manière encadrée"
M. Hazan a regretté qu'actuellement les élèves français soient peu autonomes et ne sachent pas travailler avec les autres, prônant une "pédagogie de projet" plutôt qu'un cours magistral.
De même, la FCPE juge le redoublement "inefficace".
Côté évaluation, la fédération estime qu'il faut "en finir avec les notes couperets" et "valoriser ce que l'élève a compris et les domaines dans lesquels il a progressé".
M. Hazan a prôné une "orientation choisie" avec des choix des parents et des enfants respectés.
Il a souhaité des lycées polyvalents, accueillant les voies générale, professionnelle, technologique, plutôt que des lycées qui "gèrent la séparation sociale".
Alors que des arbitrages sont attendus en matière de rythmes scolaires, "il est temps de prendre des décisions, sur l'étalement de l'année, sur le raccourcissement du nombre d'heures par jour", a-t-il estimé.
La FCPE demande pas plus de cinq heures par jour au collège et pas plus de six au lycée, ainsi qu'un temps de travail scolaire maximum de 35 heures par semaine au lycée y compris le travail personnel. (journal La République )