vendredi 30 octobre 2009

Et mille !




Comme pour faire écho à la discussion qui s'engage chez le Privilégié*, mon amie Sophie m'a téléphoné tout à l'heure.
- Tu sais qu' Émile est mort ?
- Émile ? Émile P. ?
- Bien sûr, qui d'autre !
- Il s'est suicidé ?
- Ah, c'est marrant que tu me dises ça, c'est le premier truc auquel j'ai pensé aussi quand on m'a dit qu'il avait passé l'arme à gauche... Non, mort ordinaire, un type bourré n'a pas respecté un STOP et...

Émile était professeur d'anglais au collège public du bourg. Il a enseigné vingt-cinq ans et pris sa retraite voilà quatre ou cinq ans. Tous ceux qui sont restés de la 6ème à la 3ème dans ce collège l'ont eu au moins une année. Des profs fainéants, on en a connu. Des sadiques, des violents, des alcooliques pratiquants, des dépressifs, des emmerdants, des incompétents aussi, mais peu. Pas plus d'un par an dans le panier de rentrée des élèves, le monde n'est pas parfait, on fait avec.
Mais un prof comme Émile... alors là, de mémoire d'élève, de parent d'élève, de grand-parent d'élève, jamais on en a vu.
Émile était chahuté, et pas qu'un peu. Dès la première minute de cours, le bruit enflait jusqu'à devenir tintamarre. Les élèves se déplaçaient, mangeaient, buvaient, rotaient, téléphonaient, regardaient des dvd, jouaient aux cartes .
Émile copiait un cours au tableau avec une belle écriture d'instituteur, puis il s'asseyait, se tassait sur sa chaise, et attendait la sonnerie. Un petit groupe d' élèves recopiait le cours, et puis c'est tout. Émile disait en anglais "calmez-vous... taisez-vous... asseyez-vous", mais personne ne l'entendait.
Tout le monde savait qu'avec Émile, c'est simple, on perdait une année.
Les parents demandaient à rencontrer le Principal, qui les voyait arriver de loin. Le Principal changeait, mais le discours était toujours le même: monsieur P est irréprochable, il est très bien noté, il ne faut pas croire les élèves, il y a des éléments perturbateurs difficiles à gérer, peut-être monsieur P est il un peu trop gentil mais le rôle des parents d'élèves n'est pas de s'occuper de pédagogie et de juger l'action de l'enseignant, l'inspecteur est là pour ça, et monsieur P est irréprochable, il est très bien noté, etc, etc.
Il était gentil, c'est vrai. Peut-être avait-il sévi, collé, en début de carrière, mais sur la fin, il ne disait plus rien. Dans les réunions parent-prof, il jouait le rôle du prof qui s'intéresse à l'élève, l'élève jouait le rôle de l'élève qui écoute le prof, les parents jouaient le rôle de parents qui sont là parce qu'il le faut, et tout allait pour le mieux.
Les notes d'oral étaient attribuées automatiquement, chaque mois. Elle s'étageaient de 8 à 20. Ceux qui recopiaient le cours et faisaient le moins de bruit avaient les meilleures. Les notes d'écrit s'étageaient de 12 à 20. Les élèves qui recopiaient le cours qu'ils avaient sous les yeux, sur la table, en faisant le moins de fautes de copie avaient les meilleures.
Parfois, quelqu'un lançait le compte. Dans le brouhaha égrenait une voix: et un... et deux... et trois... Une autre reprenait: et quatre... et cinq... et six... Et le compte tournait de table en table. quatre-vingt-un, quatre-vingt-deux... neuf cent quatre-vingt-seize, neuf cent quatre-vingt-dix-sept, neuf cent quatre-vingt-dix-huit, neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, et MILLE, vive Émile, vive Émile; mille fois vive Émile !

Il y avait beaucoup de monde à son enterrement. Est-ce que ses anciens élèves chuchotaient le compte en regardant son cercueil ?

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*Le Privilégié et la guerre scolaire (qu'il ne rallumera pas)

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères


Devanture d'une pharmacie à Rennes

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jeudi 29 octobre 2009

Charte des bogues


à l'intérieur, tout doux, si doux qu'on pourrait en faire des culottes
à l'extérieur, piquante châtaigne, chatte-teigne...

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vendredi 23 octobre 2009

Vacance de blog






















Je ferme les commentaires pendant quelques jours. Bonnes lectures et bonnes cyberbalades à tous.

jeudi 22 octobre 2009

Espèce de sous-littéraire!




"Les genres ne produisent pas forcément de la sous-littérature. C'est une idée bien française que celle-là.

Faulkner, McCarthy sont d'immenses écrivains et ils ont écrit des romans de genre (distordus certes mais de genre toutefois).

James Lee Burke, James Ellroy, Hammett, Chandler, Chester Himes sont des écrivains de genre et ils ne sont pas - loin s'en faut - des écrivains mineurs.

Si la littérature française est de nos jours aussi médiocre, voire moribonde, c'est aussi parce qu'elle se montre incapable de transcender les thèmes qu'elle choisit. Madame Bovary est un roman de genre pourtant. La Chartreuse de Parme aussi.

L'intellectualisme détruit tout." (Dorham)

mardi 20 octobre 2009

Ma bloguerolle bien-aimée





M
a bloguerolle.... "Mais regardez-la ! Elle est remplie de gens qui s'entrecitent en s'attribuant des pseudo-rôles dans une joyeuse bande de copains qui célèbrent leur classement Wikio et leurs citations dans Vendredi, à laquelle vous êtes contente d'appartenir. Vous déclarez être contre la connivence et en fait vous mettez les deux pieds dedans." (Dominique, comte de Champignac, le 17 -10-2009)



Et allons-y, c'est parti. Je regarde ma bloguerolle avec de gros yeux sévères. En rang, s'il vous plait. En file indienne, même. Oui oui, je vais vous mesurer, vous peser, et vous dire deux trois trucs, et dans dans l'ordre alphabétique, en plus.

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Anodine Audine
...C'est le blog d'Audine, voilà. (Je sais, c'est bref, mais c'est tout.)


Bah !? by CC
Il y avait naguère (ou jadis, je ne sais pas mesurer le cybertemps) un blog collectif, Femmes engagées, dont je trouvais la plupart des billets d'une indigence nunuche à la limite de la caricature. Comme je m'étais empressée d'aller leur claironner tout le bien que j'en pensais, je m'y suis fait censurer fissa, et les commentaires qui ont suivi m'accusaient de contribuer à creuser le trou de la Sécu en provoquant des dépressions sévères ou d'alimenter le fleuve boueux du sexisme mondial rien qu'avec mon incommensurable méchanceté. La jeune CC n'a pas participé au concert d'indignation, de pleurnicheries et d'insultes d'alors, et a pris les choses avec humour. Donc, elle aura toujours un bol de soupe dans ma bloguerolle.

Balmeyer's blog et Extra-ball : Je mets ensemble Dorham et Balmeyer, non que j'en pense la même chose, mais parce que je leur trouve un ensemble de qualités communes. Chez eux on aime écrire, on prend son temps, on a le sens de la nuance. Longs billets, longs commentaires, intelligence, bienveillance et humour à tous les étages.

C'est juste histoire de dire
Olivier P. Quelqu'un, un jour, (Catherine) a rêvé de lui et moi en train de faire des choses... Eh bien, ça crée des liens.

Le coucou de Claviers
On discute très bien chez lui. C'est une personne sensible à ses interlocuteurs, un modèle d'hôte de blog.

Crêpe Georgette
Je ne suis quasiment jamais d'accord avec l'aubergiste, mais c'est une personne aimable qui supporte la contradiction et argumente, et répond toujours sans une once de méchanceté ou d'acrimonie. Ce blog est habité par un personnage extraordinaire dont j'adore lire les commentaires, Gouine Mum. Les affirmations de Gouine Mum me mettent toujours de bonne humeur, je ne sais pas pourquoi. Elle a quelque chose d’une fanfare militaire un peu ivre, d’un imprécateur de coin de rue. J’ai la trouille de lui répondre, en fait. Je sais qu’elle va me dire d’arrêter de troller.

Criticus: Un jeune journaliste très intéressant. Il y a sur son blog des débats longs, avec des centaines de commentaires, sur des sujets variés. Criticus n'est pas prof de gauche, et comme il est conservateur et défavorable à l'islamisation de la France, il est le punching ball idéal pour des tas de gens qui lui en veulent d'être à la fois jeune, intelligent, cultivé, et pas socialiste.

Didier Goux prend ses aises
Je suis arrivée sur son blog en cherchant les paroles d'une chanson, et je n'en ai pas décollé. Un des meilleurs blogs de tout le ouèbe du monde entier, à mon avis. Toujours fraîchement alimenté, imprévisible, avec des côtés sale gosse sensible, coléreux, le tout écrit, toujours écrit. Un des rares blogueurs capable d'un méga coup de gueule le matin, d'excuses trois heures après, et d'un an de conversation animée ensuite. Un blog sans censure, ouvert à tout le monde, un blog de grand lecteur sans aucune vanité, un blog extraordinaire.

dream-shake
Le blog de Nefisa. Une jeune femme qui écrit, qui écrit, qui écrit... Ce n'est pas trop mon style, et puis, c'est souvent un peu brouillon, pas ou mal relu, mais il y a parfois dedans des passages superbes, des traînées de poésie, des trouées de lumière, je ne sais pas... Affaire à suivre.

Fidel Castor
Ses calembours sont affreusement mauvais, on a tué des gens pour moins que ça.

Hermes
Je lis ses longs billets, mais j'ai rarement envie de commenter, je ne sais pas pourquoi. (textes finis, peu sujets à contestation, fermés ?) Et pourtant, je le lis.

Chez Homer
J'aime bien Homer.

Irène Delse un blog d'écrivain
Personne curieuse et enjouée, sujets de conversation intéressants, et conversations animées. J'aime bien la longue et rebondissante histoire d'amour entre elle et Didier Goux.

Manutara
Une bouffée d'air du large. Je lis les récits de ses voyages et ses textes s'animent, je vois ses personnages vivants. Son blog sous le vent est anti exotique au possible.

Olympe et le plafond de verre - blog féministe
Respect pour Olympe. Une personne consciencieuse, tâtillonne, honnête. Un pélerin du féminisme. (Je dis "pélerin" exprès pour l'embêter, à cause du masculin. Comme elle veut tout féminiser, là, elle n'osera pas me proposer "pélerine".) On discute poliment sur son blog très ouvert aux opinions diverses.

Papotis noisettes et chocolat
Papotine a copié de jolis extraits, des poésies, sur son blog, et elle écrit aussi. Comme elle engueule tout le monde, dans les commentaires qu'elle fait ci et là, forcément, elle ne pousse pas au dialogue, mais je crois que Papotine se fiche de la politesse, elle se la joue Calamity Papoty et tire à vue. Elle n'a pas envie d'expliquer à des gens plus bêtes qu'elle ce qu'ils ne peuvent pas comprendre tout seuls.

Partageons mon avis
Nicolas le number one, le multiblogs, l'homme aux mille cravates, le saute-partout. ♫ Debout devant le zinc sur le coup de dix heures / Un grand blogueur-zingueur habillé en dimanche et pourtant c'est lundi ♫ Comme tout le monde, je suis friande de ses histoires de bistro. C'est une espèce de socialo mal embouché. Nous nous sommes engueulés quelques milliards de fois, normal, il est trop bête... Il est tellement bon et gentil qu'il ne faut pas le complimenter, jamais. On lui gâterait le caractère.

Le Petit Champignacien illustré
Son blog -très intéressant- est un nid de professionnels de la langue, et donc zone dangereuse pour qui ne connait pas leur argot (eh, va donc te faire paranomaser la métonymie, tronche de litote !) et qui n'a pas lu les bons livres. Le tenancier rouspète, fulmine, corrige, accuse, édicte, et a toujours raison.

Pétronille dans la tourmente québécoise: Pétronille écrit bien ! Son blog est une complainte, une balade, ses billets des couplets. Pétronille est une pauvre fille souffreteuse au nez rouge et aux pieds froids à qui n'arrivent que d'horribles aventures que d'autres n'auraient même pas conscience de vivre, mais qu'elle détaille atrocement.

Polluxe
Comme ça, l'air de rien, sans aucune prétention ni tape à l'œil, Polluxe écrit (bien) des billets simples et intelligents.

Les privilégiés parlent aux Français et au Monde.
Ah la la, celui-là... Un prof qui sait que ses collègues ou ses élèves le lisent, et qui restera dans une prudence de bois extrême. Ses articles sur le petit monde du lycée sont intéressants (il a écrit une excellente critique sur "Le cas Bégaudeau"). Ouvert à la discussion et à la confrontation d'opinions, j'aime bien aller m'y faire traiter de réactionnaire ou d'ennemi politique.


Stroobia : présenté par lui-même: "L’auteur de ces considérations est un Arabe du Machrek, laïque, occidentalisé mais ne se percevant pas comme aliéné à une culture étrangère et, en tous cas, peu désireux d’éradiquer ceux qui ne pensent pas comme lui"


Unique et commun à la fois et [Unhuman]
Je ne me rappelle plus pourquoi (article, débat ?) je les ai bloguerollés, mais il y sont, ils y restent, rangés dans ma catégorie "Honnête homme".

Un jour, une photo
Le blog de Catherine Goux. Un peu de photos dans un monde de mots, et de douceur dans un monde de brutes...


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samedi 17 octobre 2009

Honorable ensemblé...







[...] Ainsi, ces bacheliers se prénomment officiellement Miterand ou Mitterrand ; Bush ; Giscard ou Jiscar ; Chirac ou Chirack ; Michel Platini (ou Platiny); Giresse avec ses variantes (Jiress, Jires…) ; Givenchy (Juvency, Jivincy); Hugo Boss ; Benz ; Américain ; British ; Léopold II;[...]

J'ai beaucoup aimé ce billet d'un blog de Jeune Afrique, écrit par Tshitenge Lubabu M. K, en direct du Congo, et le commentaire de Mokemo:

"Cher Tshitenge,
Pourquoi se faire du souci avec des prénoms dont les Français par le biais de la réforme de l'orthographe cherchent à simplifier les graphies?
Le jeunes congolais sont simplement en avance..."

m'a fait penser à cette discussion sur la réforme de l'orthographe, chez le Petit Champignacien.

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jeudi 15 octobre 2009

Le balayeur qui n'aimait pas les enfants


...Les enfants marchent sur le trottoir, le cartable sur le dos.
Les balayeurs entassent les feuilles mortes. Ils ont des balais en plastique vert, dont les brins imitent le genêt. Des balais en genêt synthétique.
Les enfants prennent leur élan, sautent dans les tas de feuilles, s'agenouillent ou s'allongent dedans, les brassent, les jettent, les éparpillent.
Les balayeurs font des moulinets avec leur balai, crient, injurient, menacent, recomposent le tas d'à côté. Le bus décharge une cargaison d'enfants, l'école est au bout de la rue. Le vent s'en mêle et les feuilles tourbillonnent. Les enfants bondissent, agitent les bras comme s'ils voulaient s'envoler.
Un énorme chien noir surgit, flaire les roues du camion 'Propreté de la ville" où le vent soulève les feuilles, pisse abondamment, s'accroupit et lâche une bouse abondante. Le balayeur la ramasse dans sa pelle, la pose au sommet d'un tas de feuilles et la recouvre légèrement. Puis, souriant, il traverse la rue, s'appuie sur son balai, et attend.

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mercredi 14 octobre 2009

Première fois (3)


Ce fut en avril à cinq heures


..Toutes mes copines l'avaient fait, et moi non. Béatrice avait quitté le lycée quand elle était devenue trop visiblement enceinte et vivait avec le batteur d'un groupe qui jouait dans les festivals du coin. Marie-Laure était avec Sébastien, Sabine couchait avec le pion qui animait le club de poésie, et moi j'avais le même petit ami depuis six mois, mais rien. Niet, que dalle. Mais qu'est-ce que vous faites ensemble, alors ? Vous parlez politique ? Elles se marraient, sadiques, mes copines aux seins en pommes et aux cuisses de biche. Je ne pouvais pas leur répondre que oui, Antoine et moi, on parlait. En plus, j'aimais bien parler avec lui. J'aimais bien me promener avec lui, j'aimais bien manger avec lui, j'aimais bien boire des diabolo-orgeat avec lui aux terrasses des cafés, j'aimais bien son bras autour de ma taille, j'aimais bien ses regards amoureux, j'aimais bien son intelligence extraordinaire. J'aimais bien quand les professeurs lui parlaient comme à un égal alors qu'il n'avait que seize ans comme moi, j'aimais bien lire son nom dans le courrier des lecteurs de Science et Vie, je l'admirais éperdument. C'était un futur physicien brillant, une grosse tête, un chercheur plein d'avenir, un touche-à tout, une bête scolaire, un intellectuel, un type hors normes.
À le voir comme ça, il n'était pas hors normes du tout. Long, courbé comme une fleur dont la tête est trop lourde, les mains épaisses et battant l'air comme des pales au bout de bras maigres, l'air hébété d'un lapin surpris en pleine sieste, il ne payait pas de mine. Un enfant, un gosse, un bébé blond. Je ne connais personne qui ait lu autant de livres que toi, me disait-il tendrement Je ne connais personne qui soit aussi intelligent que toi, lui disais-je tendrement. Nous faisions profiter les Jeunesses Communistes locales de notre intelligence et de notre culture réunies et ne loupions aucune réunion de cellule. Je crois que les camarades se fichaient de nous par derrière, enfin, je ne sais pas. Nous écrivions, imprimions et distribuions le journal de notre comité. Le moindre éditorial de la publication mensuelle de notre canard se devait d'être digne de Lénine, Trotsky et Dimitrov. Ah, je le connais par cœur, le Capital. Et aussi le Petit Livre Rouge. Il ne faut compter que sur ses propres forces, disait Mao.
Ses propres forces, à mon Antoine, elles étaient bien faiblardes. Toujours patraque. Mal au ventre, mal à la tête, allergique à tout. Crevard, enrhumé, un jour l'eczéma, un jour l'asthme, un jour les verrues plantaires, un jour les étourdissements, il avait en permanence sur lui tout une batterie de médicaments, dont un pour le cœur, un contre les brulures d'estomac, et du valium pour l'anxiété. Moi, je le maternais. Je m'imaginais un grand avenir de servante d'homme de génie, des voyages dans le monde entier, une vie consacrée à la science avec rêves de futur radieux inside. Cette vie, nous la passerions ensemble. Pourquoi se presser ? Cent ans pour nous connaître, que nous avions devant nous. Le sort du monde d'abord, les occupations personnelles ensuite. Je lisais Simone de Beauvoir et Aragon.
Mes copines se fichaient de moi, mais elles n'avaient pas idée de ce qu'était un génie, elles, ni d'un destin de sauveur de l'humanité.
Antoine habitait avec son père et sa tante un ancien presbytère couvert de lierre. Son père était représentant de commerce, souvent sur les routes, sa mère avait abandonné sa famille quelques mois après sa naissance . Du frère aîné, Eric, je ne savais rien, sinon qu'il avait plus ou moins mal tourné, puis qu'il était devenu boxeur et visitait rarement sa famille. J'allais parfois dîner chez eux. La tante Christine mitonnait des pâtés végétaux et des tartes aux odeurs étranges dans une antique cuisinière à bois, c'était une hippie réformée qui avait vécu dans un ashram et se méfiait de l'électricité. On m'aimait bien, jétais la brave petite idéale pour prendre soin de ce grand dadais d'Antoine. On me prépara une chambre pour les soirs où j'aurais envie de rester, au cas où... Au cas où rien du tout ! Mes copines riaient de plus en plus fort.
Je passai à l'offensive. Baisers de plus en plus longs, caresses de plus en plus osées, tentatives de déshabillage. Rien. Mon promis avait des vapeurs. Il ne se sentait pas bien, me demandait d'attendre, prenait un valium, reboutonnait sa chemise et griffonait à la hâte des équations sur son petit carnet bleu. La condition de femme de génie s'avérait décevante. Je lisais Anaïs Nin, je lisais des contes libertins du dix-huitième siècle. Mes copines s'esclaffaient.
Un dimanche après midi, je suis allée chez lui. Il ne va pas tarder, assura la tante Christine, monte l'attendre dans sa chambre si tu veux, il a préparé des disques pour toi, sur son bureau. Par la fenêtre ouverte entraient des bouffées de parfum des lilas et de jacinthes, les oiseaux pépiaient dans la verdure naissante des grands tilleuls et les travaux de l'autoroute, au loin, semblaient figés dans une poussière dorée. La lumière coulait, toute fraîche. Sur la pelouse, en bas, un homme torse nu s'étirait, touchait ses pieds. Le frère aîné. Il grimpa au tilleul et accrocha une corde lisse à l'une des grosses branches puis se laissa glisser à terre et enchaina divers exercices que je regardai comme au cirque on regarde les trapézistes. Il me semblait minuscule et l'était. Vice-champion de France poids coqs, ai-je appris plus tard. La lumière et l'ombre jouaient sur son corps où les muscles saillaient tour à tour, chacun de ses mouvements était empreint d'une force gracieuse, j'étais sous le charme. Je n'avais pas entendu Antoine se rapprocher de moi. Il m'observait observer son frère, m'a-t-il dit quelques heures plus tard. Il ne se souvenait pas que je l'aie jamais scruté ainsi, avec une gourmandise primaire et animale, c'étaient ses mots. Il avait alors ressenti, et s'en voulait pour cela, une montée de jalousie bourgeoise, un impérieux mouvement de possession impérialiste qu'il n'avait pu contenir, à son grand désarroi. Antoine ferma la fenêtre et tira les rideaux. Il mit sur la chaîne un disque de chants révolutionnaires basques et entreprit de me déshabiller comme il s'imaginait sans doute qu'un vrai mâle devait le faire, mais en se griffant la main avec les agrafes de mon soutien-gorge.
La suite fut piteuse et peu plaisante, et notre amour, ou ce que nous imaginions être notre amour, capota derechef et pour toujours avant la fin d'El ejercito del Ebro (rumba la rumba ba), sixième chant du disque. Nous n'avions que seize ans, Radio-Pékin ne nous avait pas enseigné que les voies du désir sont bien moins impénétrables que celles de Dieu à qui sait murir un peu sans se bourrer autant le crâne. Je ne veux plus que tu regardes un autre que moi, m'a-t-il dit, en remettant ses chaussettes. Je lui ai répondu, morose et pressée d'en finir que «le bonheur de l'homme en amour se proportionne à la liberté dont jouissent les femmes» (Charles Fourier 1772 -1837), et j'ai planté là mon génie adolescent, les Jeunesses Communistes et l'avenir du monde.

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Ont rendu leur copie : Didier Goux Nefisa, Olivier P, Poison Social, Dorham, Pierre Robes-Roules, Zoridae, Manutara , αяf, Mtislav.

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mardi 13 octobre 2009

Première fois (2)



Elle travaillait avec vaillance


..Pendant les vacances scolaires de ma dernière année de lycée, avant d'entrer en terminale, j'ai travaillé à l'hôpital de ma ville. C'était mon premier job.
Ma vie d'adolescente de milieu modeste se déroulait tranquillement sans heurts ni grandes aventures, entre mes parents âgés, mon chat, mes amis d'enfance. Je lisais beaucoup, j'étudiais assez bien, je jouais de la guitare assez mal, et sortais assez peu.
En ce premier jour d'un mois de juillet qui s'annonçait caniculaire, j'ai enfilé une blouse blanche. On m'a donné un seau et une serpillère et j'ai lavé des couloirs, des couloirs et des couloirs. Toute la journée. Le soir, j'avais les mains fripées. Le deuxième jour, j'ai lavé le sol des chambres. Je devais passer tout le mois dans le service des chroniques, peuplé surtout de vieux grabataires dont on soignait les escarres. Le soir, en plus d'avoir les mains fripées, j'avais les poumons pleins d'odeur de merde, d'éther et de soupe aux poireaux. Je pleurais. J'avais de la peine à y retourner mais je ne connaissais rien au monde du travail, et je voulais prouver à mes parents qui rechignaient à me voir choisir un milieu aussi dur que je devenais une adulte solide.
Le troisième jour, finies l'épreuve probatoire et la rigolade, j'ai été mise aux toilettes de femmes. Pauvres vieilles incontinentes aux yeux vides fixant le plafond, petits tas d'os, chairs plissées répugnantes, qui gémissaient quand on les retournait. Ma grand-mère était morte dans son lit, entourée des siens, coiffée, propre et digne. Ceux-là n'étaient que rarement visités et s'éteignaient dans la solitude. Le soir, j'avais mal au dos. Je regardais mes bras bronzés, mes mollets ronds et dorés, mes mains roses et fines, la peau douce de mon ventre, et je me disais que le temps viendrait où je serais comme ces vieilles. Je pleurais. Le quatrième jour, j'ai du m'occuper de Laurent, 20 ans , tétraplégique depuis un accident de moto. Il fallait le changer de position sans cesse, le nourrir à la cuiller, s'en occuper comme d'un bébé. Parlez-lui, disait sa mère qui s'asseyait, ouvrait un panier et sortait un tricot au jacquard compliqué. Parlez-lui avec votre voix de jeune, ça lui rappellera sa vie au lycée, ses copains ne viennent plus jamais. Pour le sortir, l'aérer, le promener dehors dans son lit roulant, quand la mère était absente, je devais aller chercher Xavier.

Xavier avait commencé à travailler dans cet hôpital le même jour que moi, mais pas aux mêmes horaires. Il comptait entamer à la rentrée des études de médecine et, troisième fils d'un ouvrier portugais qui en avait six, aidait ses parents à l'aider. Nous étions les deux seules personnes jeunes dans ce service d'hôpital de province. Les filles de salle, les infirmières, les médecins nous appelaient « les mousses ». C'était bien vu: nous étions arrachés de la terre ferme, de notre univers facile de bien-portants chéris par leur mère pour embarquer dans un vaisseau-hôpital plein de mourants à déposer sur d'autres rivages. Nul grand pavois, nul dauphin dansant au large, nous écopions dans les soutes en attendant l'escale du soir qui nous ramenerait au port de nos maisons. La surveillante du service décida de nous mettre ensemble, par gentillesse; je l'en remercie encore. L'ambiance était presque toujours sinistre (ô, les toilettes mortuaires en arrivant le matin, à six heures...) et pourtant, comme nous nous sommes amusés ! Discrètement d'abord, de plus en plus ouvertement par la suite. Nous chahutions les vieux dans des courses de fauteuils roulants, nous chantions, nous nous poursuivions dans les couloirs. Nous tentions d'arracher à des vieillards gâteux des parcelles de vie, des rires, à des adolescents sanglés et baveux nous racontions des blagues idiotes, ou collions sur leur oreille une petite radio où braillaient les derniers tubes de l'été. Et puis, Xavier et moi, nous parlions. De futur, de livres, de cinéma. De tigres en papiers, de lendemains radieux, de justice, de Marx, de Dieu, de Dostoïevski, de Léonard Cohen, de psychiatrie et d'antipsychiatrie, de voyages, de tout, mais jamais d'amour.
Xavier était un beau garçon viril, au visage sérieux et au sourire rare mais resplendissant. Il avait de grands yeux noirs et les cheveux drus, avec des épis qui partaient dans tous les sens. Il me raccompagnait chez moi et nous marchions ensemble sans nous toucher. Qui oserait le premier, qui serrerait la main qui viendrait effleurer la sienne? Chacun de nos regards, de nos geste, se gonflait d'amour tendre et de désir timide. Attendre était un délice. Une fin d'après-midi, dans la salle de pause, nous étions seuls, après la douche, buvant de l'eau fraîche. Il a posé ses mains sur mes hanches et m'a embrassée. D'autres m'avaient embrassée avant, des petits flirts exploratoires sans conséquence, des adolescents pressés aux mains malhabiles, mais là, j'ai cru que j'allais fondre et brûler en même temps. Alors, nous sommes allés dans la chambre de garde et nous avons poussé l'armoire contre la porte pour occulter la vitre de surveillance.
Nous avons fait l'amour en silence, doucement, plusieurs fois, avec beaucoup de délicatesse et d'attention, comme si nous n'attendions que cela depuis le début de notre vie. Nous étions vifs, légers, souples et jeunes, et c'était bon.


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Qui a envie de s'y coller ? Audine ? CC ? Disparitus ? Hermès ? Corto? L'affreux p'tit Nicolas ?
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lundi 12 octobre 2009

Première fois

Didier Goux lance un jeu d'écriture, une chasse aux souvenirs. Racontez votre première fois. J'hésite ! Tout le monde va donc entrer dans ma mémoire ? Je vais, pour jouer, raconter trois première fois, en trois fois, trois jours de suite. Une seule est la vraie.

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Ses cheveux tombaient sur ses hanches

..Ma mère avait un bordel à Nantes.
Pas un bordel bordel, pas une maison close à la Maupassant, mais un bar hôtel restaurant ouvert le week-end seulement. Ce n'était pas un bar à putes de luxe, ce genre de boite fréquentée par des clients du show biz ou de gros pontes de la came, mais un petit établissement assez tranquille où les filles étaient libres et vendaient leurs services à des hommes ordinaires qui venaient des villes voisines car ils n'avaient pas envie d'être reconnus par leurs collègues de travail ou par leurs voisins dans la rue. Quand le client angevin ou rennais croisait une de ses relations, la discrétion était de mise. On était là pour pour la même chose, on savait vivre et se taire.
En semaine, j'étais pensionnaire dans un collège catholique d'Angers. Le week-end je rentrais chez ma mère, au bordel. Ma mère m'aimait peu, je ne l'aimais pas davantage, mais nous nous entendions assez bien. Elle payait l'école, m'envoyait l'été dans des colonies de vacances luxueuses, ne s'occupait en aucune façon de mon éducation et m'achetait tout ce que je lui demandais. Je n'ai jamais eu de père et j'évitais la compagnie des hommes. Je n'étais pas malheureuse.
L'année de mes douze ans, ma mère s'est dégotté un copain effrayant: un type de cinquante ans en cavale, activement recherché par la police et par d'anciens potes truands qui voulaient lui faire la peau. Il avait refusé de fournir un faux témoignage au sujet de l'assassinat d'un juge et balancé quelques noms, puis s'était laissé coffrer en attendant que l'affaire se tasse. De ses séjours en taule il conservait des tatouages grossiers qui lui couvraient les bras, le dos et le torse et débordaient jusqu'au menton, ainsi qu'une cicatrice qui lui gommait le sourcil gauche. Identifiable comme il l'était, il évitait donc les sorties et se distrayait avec les moyens du bord.
Au début, c'était juste un fugitif, puis il a pris du poil de la bête et s'est trouvé des envies de beaux costumes, de montres en or et pourquoi pas de casino dans le midi quand il aurait purgé certaines dettes pressantes. Il commençait à se poser en patron et à me mater d'une façon qui m'inquiétait; je savais que je ne pouvais compter sur aucune protection maternelle et je n'avais pas envie d'abattre l'atout final en cas de grand péril, c'est à dire me confier à la Mère Directrice du collège, ou cogner à la porte des flics qui m'auraient gentiment envoyée dans un foyer pour mineures en danger, version internat du collège en pire, et adieu la liberté. J'avais encore moins envie d'avoir ses sales pattes sur mes petits seins naissants, et je crevais de trouille à l'idée de ce que je sentais arriver à grands pas.

La suite n'est pas le plus long à écrire: ce salaud-là s'est dit qu'il se ferait un beau paquet de fric en vendant ma virginité à des clients que ce genre de truc affole; on ne manquait pas de demandes. J'avais douze ans à peine, et encore un corps de gamine. Je regardais avec étonnement les petits poils fins qui frisottaient en bas de mon ventre, je n'avais pas eu mes premières règles. Lors d'une soirée très décontractée, presque amicale, j'ai accepté de me faire couper les cheveux par Sylviana qui avait été coiffeuse dans une autre vie. Elle m'a fait des mèches oranges et blanches, une coupe comme celle de la dernière chanteuse à la mode, fixé le tout avec force gel et laque. Je n'avais plus la même tête, je ne me reconnaissais pas. Pour fêter ma première coupe de cheveux (une heure avant, quand je dénouais ma longue tresse, mes cheveux qui n'avaient jamais connu les ciseaux d'un coiffeur tombaient sur mes hanches), nous avons fini les bouteilles de champagne qu'avaient laissé les clients de la veille. Je ne sais pas ce qu'on a mis dans mon verre, je n'ai plus de souvenirs, ne me restent que des éclats de mémoire, de courts instants. Je me revois nue dans la pénombre, avec deux types près de moi, et je connaissais l'un d'eux sans pouvoir mettre un nom sur son visage qui bougeait au dessus du mien comme dans un rêve gluant, poisseux. Il me faisait mal et je l'ai mordu, puis j'ai replongé dans le brouillard. Le lendemain, je me suis réveillée dans mon lit, courbaturée, groggy mais propre, couverte d'écorchures.
En m'emmenant à la gare, ma mère m'a dit qu'elle allait virer ce connard. Je n'avais pas trop le cœur à l'étude cette semaine là, mais j'étais contente de retrouver mes copines et le cours de français. On devait nous rendre les rédactions et j'aimais beaucoup recevoir la mienne corrigée; mon professeur était sévère, pointilleux, il écrivait abondamment sur les copies.
Quand il a prononcé mon nom, debout, le tas de feuilles dans les mains, les images floues que j'essayais de chasser dès qu'elles venaient trembloter devant mes yeux se sont superposées jusqu'à devenir lumineuses. Il a pâli, sa bouche s'est tordue, il a porté sa main gauche à l'épaule. J'ai su tout de suite que sous sa chemise il y avait ma morsure avec la trace de mes incisives. Ma note était bonne. Les suivantes ont toujours été excellentes et l'année d'après, il n'était plus là. Le copain de ma mère est parti dans la semaine.
On a retrouvé trois ans plus tard ce qui restait de son corps dans le coffre de sa voiture, au fond d'un étang de Brière. Il y avait 172 impacts de balles dans les portières.


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vendredi 9 octobre 2009

Allah vôtre!


Coucou, qui c'est ?
C'est Diam's.
Diam's ?

Oui, Diaminique nique nique, s'en allait tout simplement...

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Notre sœur Diam's a pris voile et mari en même temps. C'est ce qu'on appelle un message fort.

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En vrac

J'ai l'impression d'avoir participé à une marée boueuse avec mon billet d'hier. Le titre suggérait la pédophilie, et le contexte celle qui concerne les marmots de huit ans aux yeux bridés qui croupissent dans les bordels pour occidentaux . J'ai versé une louche de plus dans la grande soupe "c'est un pédé, fais gaffe à tes gosses", avant d'avoir lu les pages en question, dans lesquelles l'auteur parle de garçons. De garçons qu'il décrit comme de grands adolescents ou de jeunes adultes. Il parle de garçons aussi pour des hommes plus âgés que lui et pour ce qui est d'apprécier ce qui lui est érotique ou pas, je suis très mal placée. Alors, pour le reste... Je ne suis pas Grand Inquisiteur. Malheureusement, quand on a un blog et qu'on donne son avis, qu'on appelle au lynchage ou qu'on s'y associe, on est toujours procureur du peuple, et chaque voix du peuple est procureur de celles des autres. J'ai repensé à M. le maudit, et à la foule qui poursuit Monsieur Hire, à la foule qui a tort d'avoir raison.
En tout cas, on aura assisté à une jolie flambée anti-homosexuelle dans les blogs d'extrème droite, et de catéchisme sexuel vertueux dans ceux de gauche. (oui, je sais, pas tous, pas tous, non, pas moi, pas toi...)

jeudi 8 octobre 2009

Laissez venir à moi les petits enfants

J'ai lu ce matin, je ne sais plus où, sur quel blog, un commentaire qui dit "en montant au créneau pour défendre Polanski et Frédéric Mitterrand, ce sont les pédophiles qui défendent l'un des leurs". Insinuation qui parait dégueulasse, mais qui est peut-être juste un peu amalgameuse, exagérée.

La pédophilie n'est pas une affaire d'exception. C'est un penchant répandu, c'est un pan de la sexualité qu'on essaie de réprouver comme on peut, mais qui persiste, à large échelle, plus ou moins immergé.

On parle de pédophilie souvent à tort, à mon avis.
Pédophilie= attirance pour les enfants impubères (les bébés, parfois)
Adolescentophilie (je ne sais pas s'il y a un meilleur terme, juvénophilie ? Moi je dis amateurs de chair fraîche pour ceux qui ne s'intéressent qu'aux petits adolescents, les moins de quatorze-quinze ans.

Et la loi, dans sa grande sagesse, a fixé la majorité sexuelle à quinze ans, tout en considérant qu'un adulte mûr ou plus que mûr puisse, dans certains cas, se rendre coupable de détournement de mineur sur des jeunes gens consentants de plus de quinze ans.

Chez nous, maintenant, la pédophilie et l'adolescentophilie sont de plus en plus diabolisées, horrorifiées à l'extrême, protection de l'enfance oblige. Détenir des dessins pédophiles sur son ordinateur est condamnable. On traque les pensées, on montre le monstre. Des instituteurs accusés (à tort, parfois) de pédophilie se suicident.

Le vent tourne. Mais de grands écrivains dont on étudie les livres à l'école ont exprimé leurs désirs, ou raconté sans complexes leurs amours *(enfin, "amours"... ). Frédéric M. a raconté sa vie sans mentir, dit-il, "parce que c'est ma vie". C'est un peu dommage de lui reprocher maintenant ce qu'il n'a jamais caché. Mais qui lit les livres ? Les blogueurs qui écrivent des articles à charge ( Mitterrand rattrapé par sa mauvaise vie) ou à décharge (c'est faux parce que ça ne peut pas être vrai, puisque c'est le FN qui en fait un coup de pub à des fins électorales) ont-ils lu le livre incriminé ?


La moitié des affaires de viols, d' agressions sexuelles en France, concerne des mineurs de moins de quinze ans. S'il n'y avait qu'un argument, un seul, à retenir pour ne pas se laisser séduire par les sirènes pédophiles, ce serait que les enfants et adolescents qui en ont été victimes auraient préféré, presque toujours, ne jamais l'être. Aucun accommodement possible.

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* J'avais l'habitude après le thé de remonter dans ma chambre, de me recoucher et de lire ou d'écrire une heure ou deux dans mon lit. Quelques minutes divines s'écoulèrent. [...]. On gratta à la porte. Puis on la poussa. C'était Hatem. Il hésitait. Je lui dis de fermer la porte. Il aurait pu comprendre que je le chassais. Au contraire, il entra, referma la porte derrière lui et vint se planter devant mon lit. Un faible sourire illuminait son visage mélancolique comme un rayon de soleil traverse parfois la pluie. J'écartai un peu la couverture du lit, et je lui dis "Entre!" Ses rares vêtements tombèrent sur le sol et il se glissa près de moi. Je serrai dans ma main les petites fesses, dures et contractées comme deux pommes, d'un de ces garçons à principes qui ont la sodomie en abomination.
- Tu ne crains pas que ton père monte ? lui demandai-je au bout d'un moment.
Il fit non de la tête.
- Il sait que tu es là ?
Mouvement affirmatif.
- C'est lui qui t'envoie ?
Il acquiesça encore. Je l'embrassai en remerciant Dieu qu'un aussi beau pays soit en outre habité par des hommes aussi bons et intelligents.

*

Hatem a douze ans, l'histoire se passe au Maroc. L'auteur raconte, dans une autre histoire (Blandine ou la visite du père) comme un père lui propose sa fille de onze ans contre l'hébergement de toute la famille au premier étage de la grande maison.

Michel TOURNIER Aventures africaines Gallimard, 1989.

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mardi 6 octobre 2009

Un sport d'amour et de partage


Je viens d'entendre à la radio qu'un club de foot musulman a refusé de jouer contre un club de foot gay. En gougueulant un peu, je m'aperçois qu'on ne parle que de ça un peu partout, et je m'étonne de l'étonnement général. Déjà, je ne vois pas pourquoi on forcerait des gens à jouer les uns contre les autres s'ils n'en ont pas envie, mais je n'y connais rien au foot. Ainsi, il y a des clubs de foot gays, des clubs de foot musulmans ? Des clubs de foot juifs aussi, et protestants, et végétariens, des clubs de foot où il n'y a que des joueurs roux, noirs, nains, des clubs de foot philatélistes ou témoins de Jéhovah, peut-être ? Comme le foot est une grande et belle chose!
En plus, je ne m'étonne pas qu'un club de foot musulman n'ait pas envie de jouer avec des homosexuels. Les homosexuels, des gens comme tout le monde, avec les mêmes droits ? Pour vous peut-être, pour moi certainement, en Europe, oui, mais dans les pays où l'Islam est religion d'état, certainement pas.
Islamophobie galopante, encore ? Bah non, l'homosexualité est illégale et réprimée dans la plupart des pays musulmans. Le Coran la condamne, et la charia s'applique dans les pays où l'Islam est religion d'état. Ce n'est pas de la médisance, hein, lisez donc Wikipedia et adressez vos griefs à ses contributeurs ou aux gouvernements des pays concernés, pas à moi si vous trouvez que j'ai tort, qu'on n'a pas le droit de dire ce que je dis là, .

Oui, mais on est en France, et chez nous on n'a pas le droit de discriminer les gens en fonction de leurs croyances, religion, préférences sexuelles ?

Ah, oui, c'est vrai.

samedi 3 octobre 2009

Cette auteur a-t-elle l'heur de vous plaire ?


Le meilleur dictionnaire du ouèbe, le TLF, ne propose pas de e à auteur, ni à écrivain, même quand les écrivains sont des femmes. Masculin, masculin. Colette et Marguerite Duras sont des auteurs et des écrivains.

Peu de femmes écrivains se qualifient, se substantivent, se vêtent du mot écrivaine. On entend vaine, c'est bof bof. Par contre, auteure est souvent utilisé. (Au moment où j'écris auteure, le correcteur orthographique me le souligne, alors qu'il n'a pas souligné écrivaine).

Je n'ai pas envie d'écrire une auteure. Il y a beaucoup de mots féminins qui se terminent par eur.
Pour moi, ce sera une auteur, une professeur, même si je dois chagriner les jardiniers et les maîtres-queux de la langue française.

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jeudi 1 octobre 2009

Pourquoi n'y a-t-il pas de caissières en fauteuil roulant ?


C'est ma question irrésolue du jour : pourquoi n'y a-t-il pas de caissière, de caissier, enfin d'hôtesse ou hôte de caisse comme on les appelle maintenant, en fauteuil roulant ?
Qu'est-ce qui empêcherait un paraplégique de faire ce travail ? dans la mesure ou le paraplégique en a le désir, évidemment. Loin de moi l'idée de saisir les poignées du fauteuil en grognant au gars: "écoute, Toto, les allocations, les pensions, c'est bien joli, mais avec les mains, tu peux encore faire quelque chose d'utile et de rentable pour la société" mais si ce travail est dans les cordes de quelqu'un qui, par exemple, a perdu l'usage de ses jambes dans un accident, et que la perspective de ne plus être dans le monde du travail embête énormément ?
J'ai posé la question sur le livre de doléances de deux grands supermarchés. J'ai laissé mon mail. Aucune réponse. On m'a dit: les cahiers de doléances, personne ne les lit. J'ai donc laissé deux trois messages sur l'impossibilité de trouver du chocolat trucmuche, ou sur la mauvaise disposition des barrils de lessive qui gênaient le passage des caddies, ou sur la musique d'ambiance insupportable, n'importe quoi, juste pour voir. J'ai obtenu alors des réponses immédiates et commercialo-circonstanciées.

Comme j'ai l'art de poser des questions idiotes et qu'en plus je suis obstinée, je répète : alors qu'il est si difficile pour les handicapés de trouver un emploi qui soit compatible avec leurs possibilités, alors que les entreprises préfèrent payer les amendes plutôt que d'employer des handicapés, alors qu'il y a dans les supermarchés des toilettes handicapé, des caisses femmes enceintes et handicapés, pourquoi n'y a-t-il pas de poste de caissier (e) en fauteuil roulant ?

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