vendredi 30 avril 2010

Ô Ciel, que de vertus vous me faites haïr !


Heureusement que je n'ai pas répondu tout de suite à la chaîne lancée par l'aimable Coucou, avec des questions style voteriez-vous pour Dieu et quelles chaussures aurait Jésus s'il revenait sur terre.
Heureusement, parce que cet après-midi, j'ai rencontré Jésus sur une petite route de campagne surplombant un ruisseau à truites. Il discutait avec un pêcheur à la ligne qui pleurait comme un homme pleure, en reniflant et se frottant les yeux, genre j'ai un rhume des foins pas possible. Jésus est un type ordinaire, un maigrichon rouquin avec des joues caves et trois poils sur le menton. Il est mal habillé, nippé d'un pantashort de marin, d'un sweat Nike élimé et de sandales de randonnée. Le pêcheur pleureur expliquait que sa femme était partie, il fallait s'y attendre, elle en avait eu marre de lui qui n'en ramait pas une et allait voir Véronique un soir sur deux. Bah, disait Jésus, prie notre Père, elle reviendra. Oh, elle, je m'en fiche, mais elle a emporté le chien, et là, elle n'avait pas le droit de me faire aussi mal...
Bien, dit Jésus à l'homme assis par terre, je vais en parler la-haut, je vais voir ce que je peux faire pour toi, en attendant, sèche tes pleurs, prie Saint François d'Assise, ne perds pas espoir, à bientôt.

Ensuite, Jésus s'approcha d'une vieillarde qui sanglotait. Je viens à toi, brave femme, dit Jésus, ouvre ton coeur à Dieu, nous allons essayer de te soulager de ton tourment. J'ai tout perdu en bourse, dit la vieille dame, mes fonds de pension se sont évaporés avec la crise, et je n'ai qu'une demi-retraite minable, mon mari était cafetier, le minimum vieillesse, quoi. Allons, soupira Jésus, Dieu nourrit les petits oiseaux, n'as-tu pas des enfants attentifs, sensibles à ta détresse ? Va donc voir l'un d'entre eux, et priez ensemble, tu verras, ça ira mieux. Tiens, je te donne mon divin mouchoir, essuie tes jolis yeux.

Jésus continua son chemin et se dirigea vers moi. Je te vois venir, lui dis-je, mais ne perds pas ton temps, je ne crois pas en toi, et un fils de Dieu en sandales Quechua et en sweat Nike, excuse moi, mais ça me déprime à moitié. Oh, toi, répliqua Jésus, tu es de mauvaise humeur. Je n'ai même pas envie de te demander pourquoi, les bonnes femmes ont toujours mille prétextes pour l'être et nous casser les pieds. D'un autre côté, si je reviens sur terre c'est bien pour aider mon prochain, même si c'est une prochaine. Alors, raconte-moi tes malheurs, je te mettrai en communication avec ma mère si c'est un problème style Rachel et Léa, ou une embrouille entre filles. Ok, je lui dis. J'ai discuté ce matin sur un blog, tu vois, et à chaque fois que j'écrivais quelques mots, la femme qui me répondait, pas méchante mais un peu bornée quand même, me disait que j'avais des idées pas bonnes, des fréquentations pas bonnes, une conception de l'amour pas bonne, et elle inventait carrément des trucs avec des phrases qui commençaient par "je suppose". T'aurais vu ce qu'elle supposait, toujours le pire, et elle me disait qu'elle au moins elle faisait le bien, qu'elle s'occupait des mal logés des malheureux des enfants en détresse des étrangers pourchassés et des polygames stigmatisés. Hein, sursauta Jésus que j'endormais à moitié, des polygames ? Vaut mieux pas que j'en parle à ma mère, elle lui filerait des baffes, et quinze statues se mettraient à saigner en Sicile et au Brésil. C 'est une nouvelle Vierge des sept douleurs, ta Sainte Sociétale des Miséreux, ou quoi ? Elle s'appelle comment ?
Céleste, lui répondis-je.
Il se gratta la tête. Céleste, Céleste ? Ahhh, Céleste... Je vois.
Alors, Jésus s'assit et se mit à pleurer.

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mercredi 28 avril 2010

Revue de blogs, total dégoût


La photo de l'intégriste nantais et de sa maîtresse en niqab me sort par les yeux.

Un intégriste islamiste ayant pignon sur rue dans son quartier, dont une des compagnes (je ne vais pas dire "épouses", je n'ai pas envie de me taper un procès en diffamation) se plaint sur divers sites et forums de maltraitance, se fout cyniquement de la gueule du monde.
On pourrait penser que les défenseurs des Droits de l'Homme vont défendre la femme. Ah, ben non. Tout ce que font Besson ou Hortefeux ou Sarkozy, c'est mal, donc si ces ministroncules nauséabonds s'en prennent (connement, mais ce n'est pas la question) à un intégriste polygame, eh bien qu'est-ce qu'il fait, le Défenseur des Droits de l'homme ? Il prouve par A plus B plus toutes les lettres jusqu'à Z que l'intégriste polygame ne peut pas être si mauvais que ça, puisqu'il est attaqué par la lie de la politique mondiale. Et que je t'objecte un coup les déclarations de Carla Bruni qui brâme son désir de polygamie, et que je t'argumente à grands troupeaux de mots (stigmatiser, nauséabond, racisme, phobie, délires, fantasmes) pour illustrer les doubles vies des chefs d'état, pour toujours, toujours, toujours aboutir à : mais qui sommes nous donc pour donner des leçons aux autres, nous, polygames blancs et riches, allons nous stigmatiser le musulman, bouc émissaire de toutes nos frustrations (rances, les frustrations) ?

Et que je t'en rajoute une couche sur les vrais problèmes.... Sur les vraies préoccupations du peuple... Mais qui prend le peuple pour un ramassis de cons ? Cause pas de ça, le peuple, c'est pas pour toi, tu comprendras pas, ça te dépasse, c'est trop complexe, ou c'est un sujet mineur marginal sans intérêt anodin atypique dont la médiatisation fait le jeu de l'extrême-droite. Elle va marcher longtemps, cette rengaine ?

Alors sur la burqa, burqua,burka, niquab, niqab,hijab, tchador, et j'en passe, bref voile intégral, on a eu droit à tout:

1°) il n'y en a pas, je n'en ai jamais vu. C'est un fantasme alimenté pour faire causer les islamophobes. (sur 356 789 blogs de gauche, surtout l'année dernière)
2°) il y en a très peu, et c'est de la provocation de filles qui veulent choquer leur mère, ou sa variante, c'est un comportement d'adolescente mal à l'aise avec ses bourrelets et ses gros seins (on ne rigole pas, je ne cite pas les blogueurs qui ont écrit cela, par charité)
3°) la burqa est afghane, le niqab est ceci, le hijab est cela, vous ne connaissez même pas le vocabulaire, normal vous ne voulez pas voir l'être humain sous la vêture, saloperies d'intolérants et de racistes que vous êtes.
4°)Hélas, on va faire une loi contre la burqa alors qu'on ne fait pas de loi contre la pauvreté.

Il y a des blogdegauches qui défendent le droit des intégristes islamistes à être intégristes islamistes en France. Ils ne sont même plus dans le débat d'opinions, d'idées, mais dans l'affirmation pure et simple que l'islamisme, la polygamie et tout et tout, ce n'est pas pire que ce qu'on vit déjà, et en tout cas que c'est bien mieux que tous les styles de vie qui ne dérangent pas Hortefeux et consorts.

Sympa.

mardi 27 avril 2010

Branloire pérenne et femmes-cataclysmes


"Jennifer McCreight, une étudiante de l'université de Purdue aux États-Unis, demande aux femmes du monde entier de dévoiler un peu leur décolleté ou leurs jambes ce lundi pour démontrer, avec humour, le non-fondé de la théorie d'un religieux iranien selon laquelle s'habiller de façon impudique provoquerait des tremblements de terre.

L'histoire a débuté quand l'Hojatoleslam Kazem Sedighi, responsable des prières du vendredi à Téhéran, a déclaré : ” Beaucoup de femmes qui s'habillent de manière impudique… égarent les jeunes hommes… corrompent leur chasteté et répandent l'adultère dans la société, ce qui (par conséquence) multiplie les tremblements de terre.”

Jen McCreight, qui se décrit comme une libérale, “plutôt geek et nerd, scientifique, féministe infectée d'athéisme, prisonnière en Indiana”, a écrit alors sur son blog :

J'ai une petite suggestion. Sedighi dit que ne pas s'habiller de façon pudique provoque des tremblements de terre. Si cela est vrai, nous devrions pouvoir le prouver scientifiquement. Le temps est venu maintenant pour un tremblement de chair.
Lundi 26 avril, je porterai le top le plus décolleté que j'ai dans ma garde-robe. Oui, celui que je garde d'habitude pour les soirées où je veux être remarquée. J'encourage les autres filles sceptiques à faire comme moi et à accepter avec plaisir les supposés pouvoirs super naturels de leurs seins. Ou mini-shorts, si c'est votre façon préférée d'être impudique. Le pouvoir combiné de nos corps scandaleux devrait certainement provoquer un tremblement de terre. Si ce n'est pas le cas, je suis sûre que Sedighi pourra trouver trouver une explication rationnelle à l'absence de séisme. Et si nous arrivons vraiment à nous faire entendre, peut-être que cela aura à voir avec les plaques tectoniques.
Billet publié hier (lundi 25 avril 2010) par Hamid Tehrani, traduit par Fabienne Der Hagopian, sur Global Voices.

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Comme je ne suis jamais en retard d'une expérience scientifique réalisable à la maison, j'ai respecté le protocole et laissé ces quelques lignes sous le billet, malheureusement peu commenté.

"Je jure sur l'honneur que me suis habillée de façon impudique, bras et jambes nues, visage découvert, et que j'ai fait pipi plein de fois en plein air en exhibant sans aucune retenue mes fesses et pire encore. J''habite à la campagne, dans un endroit isolé, et je voudrais savoir si ça compte quand même et si oui, quel tremblement de terre j'ai provoqué, de quelle magnitude et dans quelle partie du monde. Comme je n'ai plus mes vingt ans et le corps qui va avec, je ne table pas sur un gros tremblement, mais j'ai ma fierté et je suis toujours bien aise de réussir à branler des petites choses ça et là.
J'espère néanmoins que je n'ai tué personne, et je veux bien recommencer le jour que vous me direz. "

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vendredi 23 avril 2010

Commentateurs et commentatrices


Ce matin, sur le blog du frisé kremlinois dont c'est aujourd'hui l'anniversaire, j'ai écrit qu'un certain blogueur (Rimbus) ne discutait pas avec les femmes et qu'il n'y en avait pas, ou peu, sur son blog. Après, je suis allée y faire un tour et j'ai noté ses derniers intervenants dans ses derniers billets. Bon, il y a quelques commentatrices et contradictrices quand même, j'ai exagéré, mais une énorme majorité d'intervenants mâles. (Hermès, Nicolas, Le Prétorien, Jean Claude, David, Didier Goux, Alexis, BabelOuest, Corto, Homer, Falcon Hill, Philippe, Isabelle, Salvadorali,Océane, Marguerite, AmiedesBêtes, Karine, Dagrouik, Gaël, BA, Jean, CaptainH,). 18 hommes, 4 femmes.
Tiens, que je me suis dit, je vais compter chez moi pour comparer: Olympe, Didier Goux, Audine, Geargies, Nicolas, Dorham, Fredi Maque, CC, le Coucou, Gildan, Epamin, Chieuvrou, Homer, Corto , Chr Bohren, la mère Castor, DizzyP, Patrick, Malavita, Carine. 7 femmes, 13 hommes.
J'ai continué avec Nicolas (PMA): Rimbus, le Coucou, Hermes, Monsieur Poireau, Chr Bohren, falcon Hill, Yann, Mip, Dorham, Suzanne, Didier Goux, Isabelle B, Romain Blachier, Paul, Balmeyer, Captain H, Philippe M, monsieur Poireau, Handballeuse, Chr Bohren. 3 femmes, 17 hommes.
Bon, allons chez Olympe pour voir la vie en roses : là, je n'arrive pas à compter car il y a beaucoup d'interventions courtes sans accord M/F et avec pseudos non sexués.

Et puis je me suis dit que je n'allais pas y passer la journée, je vais désherber mes pivoines et pêcher des gardons.

La conclusion de cette passionnante enquête, c'est que sauf sur les blogs de filles pour filles, il y a une majorité d'hommes plus ou moins forte, même quand on parle de tout, de rien, et d'autre chose. Regardez donc sur sur le vôtre, par exemple.

lundi 19 avril 2010

Je crois le vent les a ôtés (suite et fin)


J'ai fouillé ta maison. D'abord un peu, presque pas. Ouvert les tiroirs, regardé les albums photo, la boite à courrier.

Un jour, alors que je revenais à pied du village, le ciel s'est brusquement obscurci et la pluie menaçait. Une voiture s'est arrêtée près de moi. La portière passager s'est ouverte et j'ai vu Isabelle, que je ne connaissais pas. Longue chevelure épaisse aux reflets de châtaigne rousse, yeux gris vif. On ne devrait pas dire gris vif, gris lumineux à la rigueur, mais ces yeux-là étaient vraiment d'un gris pur, sans bleu ni vert, clairs, allumés de l'intérieur. Les mains sur le volant étaient couvertes de pansements, l'index pris dans une poupée de gaze blanche couronnée de sparadrap, les poignets et les avant-bras griffés profondément.

J'ai pensé à toi, Isabelle, quand j'ai parlé sur ce blog des deux Maliens qui étaient venus travailler à l'abattoir, à tes côtés. J'ai pensé à ce que tu m'as raconté ce jour-là et les jours suivants, ce que tu m'as raconté de ton travail. Ce jour-là, tu fêtais en famille ton trentième anniversaire. Tu revenais du bourg où tu étais allée acheter du pain pendant que ton père et ton frère ouvraient les huîtres. Tu m'as proposé d'aller boire un verre chez toi, j'ai accepté. Moment de fête dans la petite maison que ta mère t'a laissée en héritage, avec, autour de la table, trois collègues vêtues de robes pimpantes, un frère taciturne et un père éméché. J'essayais de ne pas trop regarder tes mains abimées; je me demandais quel eczéma, quelle maladie de peau pouvaient occasionner tant de blessures. Puis J'ai vu avec stupeur que les mains et les avant-bras des trois autres femmes étaient quasiment dans le même état. Une allergie à un désinfectant, à un produit phytosanitaire ? J'ai posé la question en m'excusant de la poser, mais j'avais envie de savoir. Eczéma, allergie, maladie, haha, vous n'y êtes pas, mais je tombais du ciel ou quoi ? Rien de tout cela, juste le ramassage des volailles la nuit et le travail à l'abattoir. La peau lacérée, les écorchures et les plaies étaient dues aux bêtes soulevées par les pattes, maintenues pendant qu'elles se débattent, aux bouquets de poulets qui criaillent, griffent, déchirent les mains qui les tiennent, quand ce n'est pas le visage. Et les femmes me racontaient leur labeur, détaillaient des anecdotes sur un ton sobre, empreint d'humour triste et fatigué.

Mille volailles à l'heure, à l'abattoir. Vivre dans les plumes qui volent et les duvets qu'on inhale en étouffant, accrocher les poulets sur le rail auquel on les pend pour les vider, après qu'ils ont été saignés et plumés automatiquement. Couper le cou et les ailes à la cisaille pneumatique, et vider les bêtes en crochetant de l'index leurs tripes chaudes et gluantes à six heures du matin. Le bréchet des poulets perce les gants, on se décolle les ongles, on se blesse. Puis l'atelier de découpe, dans le froid. Les mains dans le froid, on ne sait plus quoi faire pour ses mains, ses pauvres mains. Gants de soie sous gants de laine sous gants en plastique, rien n'est efficace à la longue. Les bêtes meurent sans avoir jamais vu le ciel et les ouvriers qui répètent à longueur de temps les mêmes gestes en respirant un air vicié s'imprègnent de l'odeur de poulailler, de fiente, de plumes mouillées et d'entrailles des animaux qu'ils découpent.

Isabelle et ses amies en ont acheté des billets de Loto, ah si un jour... Et faute de fortune de rêve, elles espéraient rencontrer un homme qui aurait un vrai travail, de l'argent. Elles ne croyaient pas aux syndicats, au vote, à la politique. Père Noël et compagnie que tout cela... Quel syndicat, quel politicien se souciait des videurs de poules enfermés ça et là dans des bâtiments presqu'identiques à ceux des élevages ? Poule encagée, juste bonne à attendre le couteau dans la gorge, homme enfermé, c'est du pareil au même, des vies qui n'ont pas de sens.

Nous nous sommes revues. Isabelle m'a donné des plants de framboisier Logan, je lui ai donné un chaton de ma chatte, et nous avons bu des litres de thé ensemble. Je n'ai jamais aimé l'école, disait-elle, j'étais trop lente et pourtant j'aimais lire. Maintenant je lis encore mais, c'est idiot... Je ne lis que des livres pour la jeunesse, ils sont faciles et mieux écrits, ils se lisent vite. J'étais trop lente et j'avais l'esprit ailleurs, et puis la maladie de ma mère qui n'en finissait pas... Alors je n'ai jamais fait d'études, et pour le boulot, je n'en ai jamais eu de bien, même pas caissière. On prend ce qu'on a, heureux qu'on est de ne pas se trouver au chômage, par les temps qui courent...

C'est en lisant un roman pour enfants de dix ans, Le chat blanc de Syrios, illustré tout en bleu, qu'elle a eu envie d'aller en Grèce. Le bleu de la mer et du ciel, le blanc des maisons d'un village, lui ont tapé dans l'œil. Une publicité pour des vacances tout compris dans un hôtel avec piscine, le tour était joué, et pourquoi pas... Je trouvais que c'était une bonne idée.

Après, je ne sais pas. Je ne me suis pas inquiétée pour elle pendant le temps des vacances, j'ai cru ensuite qu'elle les avait prolongées, qu'elle avait fait une rencontre, qu'elle allait revenir un jour ou l'autre, mais rien. Les lilas ont fleuri dix fois, une des copines d'Isabelle s'est mariée avec un gendarme, une autre a eu trois enfants de trois pères différents sans jamais en trouver un qui reste et vit d'allocations et de ménages au noir, et la troisième, Mélanie, a trouvé une place à Citroën, à la sellerie.

Dans un carton à chaussures couvert de papier rose, il y avait le courrier d'Isabelle. Les cartes de sa grand-mère, ma chère petite fille nous te souhaitons un joyeux anniversaire pour tes huit ans tes neuf ans tes quinze ans, des lettres d'un Adrien rencontré en colonie de vacances à Royan, avec des cœurs sur l'enveloppe et des paroles de chansons pour dire qu'on est amoureux sans le dire vraiment, quelques lettres d'une copine de classe partie vivre au Maroc, et un brouillon non daté, de la main d'Isabelle, adressé à sa marraine: « Chère marraine, je pense à toi tous les jours et je regrette que ta santé s'empire. J'espère que Laurence et Priscilla s'occupent bien de toi, je ne viendrai pas en août mais plus tard, je pars en vacances dix jours en Grèce et j'en ai besoin tant j'ai mal aux mains que je n'en dors plus, et au dos, et partout, mais surtout aux mains »


C'est tout.

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lundi 12 avril 2010

Un petit job d'été



J'ai trouvé pour toi, cher lecteur-chômeur, un petit boulot d'été pas fatigant et bien payé. On peut gagner 5000 euros en six semaines, aux Sables d'Olonne, pour étaler de la crème solaire sur le dos des bronzeurs et baigneurs.
Intéressé ? Tous les renseignements sont dans Ouest France


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dimanche 11 avril 2010

Je crois le vent les a ôtés

J'ai un peu envie d'arrêter ce blog. De le laisser en suspens, tel qu'il est, pour ne pas tuer les commentaires des uns et des autres. Lassitude, bavardage, à quoi bon ?Avant, je vais y publier un texte qui me sera peut-être égoïstement utile. Incongru, déplacé, tant pis.

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Chaque année, 6500 personnes disparaissent en France. Elles reviennent presque toutes ou se manifestent dans un délai qui s'étale de quelques jours à une année. Une centaine d'entre elles reste cependant introuvable. Ce sont les chiffres de la préfecture de police.
Il y a les chez les adultes les disparitions explicables: le compte bancaire est vidé, la personne a pris ses vêtements, sa valise, son ordinateur portable et ses papiers d'identité. On ne saura peut-être jamais pourquoi elle est partie, ni où, mais au moins ses proches ne se morfondent pas en l'imaginant victime d'un enlèvement ou d'un crime.

S'ils désirent effectuer des recherches, le conjoint, les parents, les enfants, tous ceux qui voudraient bien comprendre et se rassurer, se heurtent à un refus poli de la maréchaussée. Changer de vie n'est pas un délit, leur objecte-t-on; avez-vous quelque élément qui nous pousserait à déclencher des recherches pour disparition inquiétante ? Non, n'est-ce pas, alors, rentrez chez vous, n'y pensez plus. Ceux qui partent volontairement et ne reviennent pas dans les trois mois, il y a peu de chance de les revoir un jour. Organisez-vous, faites vous une raison, mettez une croix dessus, vivez. Ou attendez. .
Attendre...
Je connais quelqu'un qui a disparu, à qui je pense très souvent. Écrire ce texte en parlant de toi, Isabelle, ou te parlant, à toi ? Se connaît-on encore ?

Ce blog va me servir à quelque chose. Si tu es en vie, si tu entres dans un moteur de recherche quelques mots clés pour avoir des nouvelles de ton village, de tes amis, de ton père, de ton chat, tu tomberas dessus. Comme dans ces jeux d'écriture où l'on doit fourrer dans un texte des mots tirés d'un dictionnaire, au hasard, je vais truffer ce que j'écris ici de repères invisibles pour tout autre que toi.

Je suis entrée dans ta maison après l'enterrement de Victoire. Trente personnes m'ont demandé si j'avais de tes nouvelles, j'ai dit non. Cinq ans au moins, peut-être six, qu'elle s'est évaporée, Isabelle, et rien ? Non Catherine, non madame Ernaut, non monsieur De La Salle, pas six ans, dix ans et quatre mois exactement, puisqu'on est en décembre. Où était-elle partie, déjà ? C'est vous qui l'avez vue en dernier, non ?

Je ne leur réponds plus. Les arrière-petits-fils de Victoire ont rampé sous les broussailles du jardin pour chercher des noix oubliées. Un dôme de ronces qui gonfle d'année en année a recouvert le potager et des frênes ont poussé dedans, étouffant les arbres fruitiers. Vieille Victoire et ses guirlandes d'immenses culottes en coton blanc à grosses côtes qui se balançaient sur le fil à linge devant la maison. On ne voyait que ça de la route, ces touches de blancheur éclatante; les promeneurs qui poussaient le chemin du Haut-Val jusqu'à la Noë de Gressanges sortaient leur appareil photo. Vieille Victoire ridée, plissée, au menton hérissé de poils jaunâtres, noueuse et courbée comme ses poiriers, morte dans son jardin, un bouquet de thym à la main. Née en 1918, elle n'aura connu d'autre horizon que celui de son canton, une fois le train pour Lourdes et jamais Paris ni la mer, ni l'hôpital non plus, grâce à Dieu, a dit le curé pendant les obsèques.

J'ai entendu ses enfants et ses petits-enfants parler de vente. Des Anglais sont sur le coup, qui restaureront la longère, arracheront les lilas, transformeront le verger et le potager en espace paysagé et la soue aux cochons en garage à quads et VTT. Tu auras la surprise quand tu reviendras.

Ta maison à toi est triste et maussade. La vigne rampe sur le toit, envahit les fenêtres. Les deux années qui ont suivi ton départ, Freddy a coupé les ronces. Moi j'ai ramassé le courrier, nourri la chatte, j'ai taillé les rosiers, lié le grimpant et ouvert les volets de temps en temps. Puis les orties, l'oseille sauvage et le seneçon jaune ont gagné la partie. La chatte Panthère s'est lassée de t'attendre, elle a trouvé le fauteuil et le couvert chez Antoine et Maryvonne. Elle a perdu le bout de sa queue dans une bagarre avec le griffon du père Vallier. Je suis venue de moins en moins souvent, et maintenant je dois écarter les ronces pour entrer la clé dans la serrure.

Dix ans, c'est long. J'ai essayé de me rappeler le plus exactement possible ce que tu m'avais dit avant ton départ. Tu m'as confié les clés, expliqué la porte du cellier qu'on devait soulever en la poussant très fort, le compteur d'électricité, le compteur d'eau, la bassine verte à vider et replacer en cas d'orage dans la chambre du fond à cause de la fuite à l'angle du Velux, la chattière de l'appentis à ne pas obstruer. J'ai beau fouiller dans ma mémoire, je suis sûre que tu ne m'as jamais dit quand tu reviendrais, ni que tu reviendrais.
Comme tout le monde, je pensais à des vacances. J'étais la seule à en connaître la destination, mais je ne peux même pas être certaine que tu as vraiment pris un avion pour Athènes, et s'il y avait un billet de retour après ce séjour en Grèce. Les services de l'aéroport ont refusé de me renseigner quand j'ai voulu jouer les détective amateur. Les gendarmes m'ont gentiment éconduite, et comme je revenais avec ton frère deux ans plus tard, ils m'ont conseillé de partir en vacances moi aussi, sur tes traces, et de te rechercher dans les îles où tu devais te prélasser avec un galant, sacrée veinarde, à moins que tu ne te sois mariée quelque part entre Le Havre et Montpellier, et donc jamais partie en Grèce, va savoir.

Qu'est-ce qui me prend d'écrire tout ça sur un blog ? Si elle avait voulu me faire un petit signe, cette Isabelle, un petit signe à moi ou à d'autres, qui l'en aurait empêchée? De quoi se mêle-t-on ? Fichons-lui donc la paix une bonne fois pour toutes...
N'empêche. Quelques jours après la date où elle aurait dû reprendre le travail, quand elle aurait dû passer chez moi reprendre les clés, je suis allée soulever le couvercle du puits, et j'ai regardé le fond avec une torche puissante. J'ai inspecté les soues, la grange, le cellier, et les appentis du Freddy, le Freddy si laid et si sale qui se planque le soir en face des fenêtres des maisons sans chien pour essayer de voir les femmes se déshabiller. J'ai marché dans les allées du jardin, pas de terre fraîchement remuée, rien.

J'ai fouillé ta maison. D'abord un peu, presque pas. Ouvert les tiroirs, regardé les albums photo, la boite à courrier.
(à suivre)

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samedi 10 avril 2010

Aubépines




La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir; au-dessous d'elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s'il venait de traverser une verrière; leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l'église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s'épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient elles aussi en plein soleil le même chemin rustique, en la soie unie de leur corsage rougissant qu'un souffle défait.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann



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jeudi 8 avril 2010

Pensez comme lui, sinon...



"Ah le coup du rebelle qui dit des vérités que personne ne conteste surtout à l'abri derrière ce superbe "tout le monde" derrière lequel vous vous rangez !
"Tout le monde sait qu'il n'a pas tort, mais il ne faut pas le dire" écrivez-vous. Ben non, votre "tout le monde " n'est pas tout le monde, c'est juste votre petit monde. "

Qui a écrit ça ?

Pensez Bibi, qui fait sa tournée de combattant des forces du bien sur les dangereux blogs réactionnaires et sort de sa hotte son courageux commentaire qu'il plante comme une banderille à la fin d'une discussion éteinte.

J'ai lu ci et là des commentaires de Pensez Bibi. Lu distraitement, parce que je ne supporte pas les gens qui parlent d'eux à la troisième personne. Je trouve ça con, mais con, mais con... Avec, en plus, l'impératif dans le titre, "pensez".

Pensez ! PENSEZ !

Mais s'il y a un verbe qui ne devrait jamais se conjuguer à l'impératif, c'est bien le verbe penser ! Ah, mais il faut le prendre avec une distance dont vous êtes incapable, il faut le prendre au deuxième degré, troisième degré, dites-vous ? Eh bien je trouve Pensez Bibi con au deuxième degré et au troisième degré. Pour sa première visite sur mon blog, Pensez Bibi ne se donne pas la peine de faire des liens cliquables, ne se donne pas la peine de recopier correctement ce qu'il me reproche avoir écrit, bref, je trouve Pensez Bibi con jusqu'au huitième degré. Et puis, ce que dit Pensez-Bibi, je l'ai lu des milliards de fois. Je peux prévoir exactement ce qu'il va écrire. Le Pensez Bibi est du prêt à penser. Pensez Oui-Oui.

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mercredi 7 avril 2010

Dans c'pays



Qu'est-ce qu'il y a comme mot français pour exprimer "je suis overdosée" ? Écœurée, bof bof. Raslbollée ? Ça n'existe pas. Exaspérée ? Lassée ? Oui, aussi, mais ce n'est pas tout à fait pareil.

C'est à l'expression "dans c'pays" que j'en ai aujourd'hui, et à ses soeurs plus discrètes "dans ce pays-là, dans ce pays".

Est-ce qu'il y fut un temps où l'on disait "Dans notre pays," ou "chez nous", ou tout simplement "en France"? Est-ce qu'on a toujours dit "dans c'pays", et si non, quand a-t-on commencé ? Est-ce qu'on écrit "dans ce pays" dans les journaux autant qu'on le répète, le brame, le claironne et le braille dans ma radio et dans ma télé ?

Un musardage dans Google m'amène à un texte de Charles Pennequin, La ville est un trou:

"Y a un soucis dans c’pays chut. Taisez-vous. Laissez-moi parler. On envoie un message aux parents. Laissez-moi parler. Laissez-le parler chut. Y a un soucis dans c’pays. On envoie un message la république est là. Aux parents. Dans c’pays. Y a un soucis. Et je suis pas pour l’assistanat. Vivez votre vie. Dans c'pays. La vie la vraie chut. Chez certains jeunes. Pour l’assistanat je suis pas. Pas tous. Chez certains jeunes. Pour l'assistanat. Pas tous les jeunes. Taisez-vous. Tous ne sont pas tous les jeunes. Chut. Faut pas les prendre pour des idiots. Taisez vous. Chez certains idiots. Tous ne sont pas des taisez-vous. Hystérie collective. On va aller à la catastrophe. Enfants de l’immigration. De la catastrophe. De l’hystérie collective. Y a un soucis dans c’pays."

... et sur le blog JazzThierry :

"En effet, ils ont tous pour habitude d’achever leur propos par un lancinant « dans-c’pays ». Je pensais naïvement qu’au départ, il s’agissait d’un tic de langage, ou d’une simple mesure de précaution visant à prévenir l’auditeur un moment inattentif, que la démonstration valait surtout pour l’hexagone et non pas pour le Burkina Faso… Je me trompais, naturellement. J’ai pu constater en écoutant quotidiennement la radio ces jours-ci, qu’ils appartiennent tous à des formations de gauche avec une surreprésentation de l’extrême gauche. Pour preuve, Olivier Besancenot en fait un usage systématique et quasiment pathologique durant les campagnes électorales (sévèrement concurrencé au vrai, par un Noël Mamère jamais en reste).

Un autre constat guère original celui-là: “dans-c’parti”, les hommes semblent plus nombreux que les femmes, à l’exception notable de Clémentine Autain qui abreuve toutes ces interventions du même mot d’ordre, véritable signe de ralliement : «dans-c’pays» !"

Est-ce qu'en Espagne, en Italie, en Allemagne, plus loin, ailleurs, on dit aussi "dans ce pays", en parlant de son pays à soi, de celui dans lequel on vit ?

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dimanche 4 avril 2010

Catégorie Espoir


Le concours de la plus belle mamelle 2010, catégorie Espoir