jeudi 31 décembre 2009

Mélancolie des fins d'année



Une de mes vieilles voisines est venue frapper à ma porte ce matin, l'œil vif et l'air gourmand. Je venais de refaire du café. Après les trois refus d'usage, elle s'est assise et m'a raconté les potins du hameau, avec le talent d'une grande conteuse qui respecte la règle du suspens, des redites et de de l'instillation progressive des effets théâtraux. On a volé le lapin de Jeanjean, celui qui avait eu un prix au concours agricole. Anna de la Butte aux Corneilles a été prise à reboutonner son corsage alors que Maurice sortait comme par hasard de sa chaufferie, c'est la petite commise de la boulangerie qui a surpris la scène en livrant le pain vendredi. Le fils de la secrétaire de mairie a eu un accident dans le virage près du moulin, il parait qu'il avait bu, en tout cas la voiture est fichue, et lui est à l'hopital avec la tête cassée. Et puis, Marie-Victoire est morte. Elle se traînait depuis deux mois, la pauvre, et même qu'elle n'avait pas ramassé ses pommes. Elle aurait pu durer jusqu'à plus tard, oui, si on l'avait forcée à se faire soigner, à aller dans un endroit plus chaud, mais rien à faire pour la déloger de sa maison, agrippée qu'elle était à sa cuisinière à bois, a ses petites habitudes, à sa solitude. Elle est morte dans son jardin, près du fil à linge où ses larges culottes blanches de coton côtelé claquaient au vent en grand pavois.
Les anciens avaient autrefois une belle coutume de nouvel an. Ils parcouraient le verger d'arbre en arbre avec une lampe tempête à la main, et souhaitaient la bonne année aux arbres. Bonne année les pruniers, donnez nous de jolies prunes rouges. Bonne année les cerisiers, que vos cerises ne soient pas percées par les vers, et que les merles nous en laissent. Bonne année les pommiers, emplissez nos clayettes de rondes pommes de garde, bonne année les poiriers et merci pour vos fruits si sucrés, si savoureux...

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mardi 29 décembre 2009

Sale temps pour nos frères les animaux





Quand les fossés débordent, quand il fait presque nuit avant l'heure du thé...

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mardi 22 décembre 2009

Si Thalassa s'y met aussi...


J'irais bien voir la grande bibliothèque d'Alexandrie.
Cinq millions de livres, sept niveaux de salles de lecture dont quatre au-dessous du niveau de la mer, ce que j'en ai vu dans le Thalassa de vendredi dernier m'a donné des envies de voyage. Elle parait très belle. Les salles de lecture sont peuplées de filles, de jeunes filles voilées, disait-on et montrait-on dans le reportage. "On croit que le voile et la culture sont incompatibles, disait l'une d'entre elles, mais ce n'est pas vrai."
Le bibliothécaire principal est une femme. Ou alors, c'est juste une des bibliothécaires qui était interviewée dans l'émission, je ne me rappelle plus son nom. Non voilée, elle, et plus toute jeune fille, elle se tient debout, sort d'un rayonnage un livre de Durrell, un des tomes du quatuor d'Alexandrie. Il y a quelques temps, on pouvait écrire des livres sur tous les sujets, dit-elle, l'homosexualité... mais maintenant... et elle range le livre.

vendredi 18 décembre 2009

Parier sur l'intelligence du lecteur


Je ne suis pas toujours très drôle.
On me le fait remarquer parfois d'une façon un peu brutale, mais ça ne me vexe pas pour autant. "Vous allez peut-être trouver ça injuste, mais voici la vérité toute nue : vous n'avez aucun humour. N'essayez donc pas d'en faire, ça tombe à plat." (Deef, chez Oh!91) J'avais dit que Dieu-Allah essayait de réparer le préjudice qu'il avait fait subir aux femmes avec le péché originel en refilant davantage le SIDA aux amateurs de fellation que de cunnilingus. Ouais. Bon.

Je suis athée, donc à chaque fois que je parle de Dieu il y a du blasphème dans l'air, enfin, pas vraiment du blasphème, mais rien à prendre au sérieux. Je ne crois pas, il va sans dire, à ces histoires de punitions divines (logique, non, puisque pour moi il n'y a pas de dieu....) Donc, quand j'écris sur un blog une phrase genre dame catéchiste débordante de bondieuserie, c'est par anticléricalisme primaire (j'avoue, j'avoue) ou par envie de faire de l'humour qu'on pourra trouver nul et débile, surtout si on est catholique pas débile et que le comique répétitif n'est pas sa tasse de thé. J'aimais bien jouer le personnage de la vieille offusquée par les gauloiserie (ou pire) des abominables mâles fêteurs, on s'amuse comme on peut.
Plus on devient abstrait dans l'humour, ou plus on ironise, plus on réserve ses traits à un lectorat limité, voire à une seule personne complice, plus on risque de ne pas se faire comprendre. Ce n'est pas très grave, sauf si on a vexé quelqu'un qu'on n'avait pas l'intention de vexer du tout, et qui le prend mal. On s'explique: l'autre comprend, ouf. On repart, on recommence, jusqu'au prochain malentendu, ou la prochaine vanne qui tombe à plat. Tout va très bien dans le meilleur des mondes entre gens de bonne volonté: je n'ai pas envie de te faire pleurer derrière ton écran, ou de te plonger dans une énorme colère, voilà, je t'explique, ok, j'avais mal compris, ta blague était tordue ou opaque, et on ne rompt pas le dialogue, bien au contraire.
Là où je décroche, où j'ai une impression d'incompréhension douloureuse, c'est quand l'autre n'entend pas, n'admet pas que vous n'étiez pas sérieux, que vous n'aviez pas de mauvaises intentions. Pas sérieux quand vous rigoliez d'une blague pédophile ou d'une histoire de Juifs, ou autre ? Mais si, vous l'étiez, hélas, et vous dévoiliez là le fond de votre pensée abjecte. Mais non, voyons, puisque je dis que je plaisantais. Plaisanter avec la pédophilie, avec le Sida ? Vous piétinez la souffrance, ma soeur a été violée à quatre ans, mon frère est séropositif. Excusez-moi, je ne le savais pas, je compatis. Aux chiottes, votre fausse compassion, je n'en veux pas, je sais ce vous pensez vraiment. Sur le blog, les copains accourent, leur pierre à la main. Oui, comment elle se rattrape aux branches, l'autre... Et puis une fois elle a dit ça... Des internautes dont le pseudo ne vous dit rien, avec qui vous n'avez jamais discuté, qui n'ont jamais rien lu de vous, même pas, le plus souvent, le commentaire incriminé, vous bombardent, vous insultent l'un après l'autre. La discussion s'arrête, inutile d'argumenter, ça ne pourra que vous enfoncer la tête sous l'eau. Bien sages sont ceux qui évitent de se mettre dans de pareils pétrins.
Cette susceptibilité, ce déni d'humour, sont d'autant plus étonnants que les humoristes les plus méchants, les plus immondes, sont souvent très appréciés. On regarde Groland, on écoute Guillon, mais on se met dans des états pas possibles pour une histoire de blonde, ou d'aveugle, ou de je ne sais quoi, alors que votre cyberinterlocuteur est dans le mode "humour on". Oui, mais ce n'est pas pareil. Cet humoriste, il est vraiment drôle, lui. Et puis, il le fait dans un cadre bien précis, il tient une chronique. Il fait semblant de se moquer des trisomiques, il n'est pas comme ça en réalité. Ceux là, ce sont des provocateurs payés pour l'être. On rit sans arrière pensée.

Il y a des fois où les blogs me lassent. Les rires préenregistrés, les commentaires préenregistrés, les réactions préenregistrées, les amitiés préenregistrées, les casse-toi d'là t'es pas d'ma bande, les je ne discute jamais avec les gens comme toi. Je n'en apprécie que davantage les blogueurs et lecteurs libres, les accueillants, les discutailleurs, les sourieurs, les hésitants, les flâneurs, ceux qui changent d'avis, se reprennent, précisent, s'évadent, digressent, les auvergnats qui tendent un bout de pain, les grincheux qui râlent sans fermer la porte, et les ratons-laveurs.

mardi 15 décembre 2009

Dix euros sur ostracisme


Si l'on entre stigmatiser dans Google, on obtient 214 000 entrées. Stigmatisation, 470 000. Stigmatitaser, une seule, ouf. La définition de stigmatisation sur Wikipedia est un peu curieuse, on en parle comme d'une maladie ou d'une réaction à la morsure d'un mot enragé: Les personnes stigmatisées peuvent ressentir des sentiments de vulnérabilité, de honte, ou devenir agressives.

En mars 2009, je trouvais que stigmatisé clichetonnait à donf. (clichés frais du jour)
En août de la même année, je radotais déjà (Faut-il stigmatiser les blogs qui vous censurent ?)

J'ai lu depuis, ça et là, quelques billets ou des remarques dans les commentaires qui allaient dans le même sens. Récemment, chez Polluxe : Et ce n’est pas en “stigmatisant”[...] , voilà que l'on guillemette le stigmatisant. Je me suis dit que là, c'était fichu pour la famille stigmatchose. Mais le mot se débat, se tortille, et geint encore, le bougre...

Alors, je vous offre un numéro de haute voyance linguistique sans filet, et je lance les paris. Dix euros que le mot et ses cousins passeront l'hiver, s'étioleront au printemps, s'assècheront cet été et s'éteindront avant la fin de 2010. Et dix euros de plus sur ostraciser et sa petite famille, qui pour l'instant font figure d'outsider : ostraciser dans Google nous offre 46 800 entrées seulement.

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Dans Libération, ce matin, il y a un article qui contient cinq fois stigmatiser ou stigmatisation. Qui dit mieux ?

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lundi 14 décembre 2009

Totale déprime

Avec mes brillants sujets de billets, voilà ce que j'obtiens comme pub g.mail...
(totale déprime)


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dimanche 13 décembre 2009

Ne pas se froisser pour si peu


J'ai failli écrire une ode à la gloire du repassage en commentaire chez Olympe qui parle de la juste répartition des tâches ménagères, mais j'ai eu peur que trente de ses commentatrices ne découvrent mon adresse et m'envoient un camion plein de linge froissé à repasser dans les plus brefs délais.
Je mesure tout ce qu'il y a de provocant à écrire que j'aime repasser les chemises d'homme, les linges d'enfant. Prendre dans le panier (ou sur le tas, calé entre deux chaises) un ticheurt, puis une robe, puis une chemise blanche, mettre à plat le tissu, lisser ce qui est chiffonné, c'est habiller l'absent qui reviendra tout à l'heure, c'est relier sa famille à petits coups d'images affectueuses.
J'y pensais, et flânais sur le web. Je me demandais si c'était bien malin de prêter le flanc aux critiques qui m'accuseraient de flirter avec des stéréotypes d'un autre temps, mille fois combattus, et si on n'allait pas de suite m'imaginer en mère ostentatoire vêtant de bleu ses neuf enfants (consacrés à la Vierge, comme il se doit) avant de les emmener à la messe en latin. Je signale aux islamophobes bornés que Le Prophète lui-même se livrait volontiers aux travaux d'aiguille*, ce qui tend à prouver que l'islam n'était pas si mal parti à l'époque, et que bien fautives sont ses servantes actuelles de se vautrer dans une allergie paresseuse à tout effort de couture, qui les pousse à se vêtir de bâches sombres sans boutonnière, ni broderie, ni smocks, ni même patchwork de récup pour les plus pauvres. En plus c'est le bazar chez moi et je ne repasse pas à la perfection, il faut bien l'avouer. On pourrait aller loin dans ces discussions, et se demander ce qui est le plus répétitif, ennuyeux, dégradant, pour la Femme et pour l'Homme et même pour la Bretonne: repasser son linge en écoutant de la bonne musique, la radio ou un livre audio, ou bien tenir une caisse de supermarché, enseigner la mécanique à des ignorants qui ne savent pas compter jusqu'à dix même en bougeant leurs doigts, ou techniciser contre salaire la surface nettoyable d'autrui. D'autant que le repassage a aussi ses côtés sombres, ses faces cachés, ses drames, ses tragédies, et ses petites négligences.

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* Les tâches ménagères doivent faire l’objet d’un accord entre les membres du couple. Le Prophète (SWS) accomplissait des travaux de couture par exemple.( Oumma.com )

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mardi 8 décembre 2009

Fantômas, viens nous sauver de la grippe du porc mexicain A!

À force de me demander s'il est judicieux ou pas de me faire vacciner, je ne me vaccine pas et je vais peut-être finir par l'attraper, cette grippe. Si j'en meurs, ben c'est que j'avais tort.

Dans mon secteur, on se vaccine peu (cinq ou six enfants par classe de 25-30, et moins encore pour les adultes), alors que la presse souligne qu'il y a des queues et que la population proteste contre la mauvaise organisation des mesures préventives. Ça ne prouve pas que ceux qui ne se vaccinent pas ont tort, ou raison, mais que la presse a un comportement bizarre. Bizarre, ou docile ?
On saura sans doute plus tard, trop tard, la vérité des choses. Le virus a été fabriqué en laboratoire exprès par des méchants à face de lune, au sourire froid, au coeur cruel, aux sourcils menaçants, qui veulent gagner du pognon en vendant des milliards de doses de leur poison. C'est un virus qui détruit petit à petit la mémoire et l'intelligence, mais on ne s'en rend compte qu'au bout de dix ans, et il est alors trop tard pour agir, chaque cellule est infectée. L'épisode grippal n'est que la partie visible de l'iceberg, un peu comme le chancre syphilitique.IIs ont mis dans le vaccin exactement les mêmes saloperies que dans le virus, ce qui fait que d'une façon ou d'une autre, tu ne peux pas en réchapper, à moins de te faire vacciner avec un autre vaccin (non commercialisé, bien évidemment), réservé aux puissants de ce monde réunis en société secrète. Ceux-là se retrouvent de temps à autre dans un gigantesque complexe souterrain où des savants à l'âme servile fabriquent leurs drogues et leurs élixirs, à base de plantes modifiées, de thymus d'enfants noirs et de poudre d'astéroïdes.
Les arguments des anti vaccin sont la plupart du temps ésotériques, hystériques, antiscientifiques et complètement débiles. Quand ils préfèrent se soigner par l'ostéopathie magnétique à distance, le Reiki occitan , le gui breton, les sourates mahométanes, les incantations boudhiques cancérifuges ou la tisane ZnXB3 vendue par les laboratoires Boitout, garantie sans substance allopathique tac toc, je ne les écoute pas. Quand ils essaient de me persuader que tel ou tel composant du vaccin, ayant un nom féroce, me détruira la moëlle, me filera des allergies, des oxyures piranhas et la schizophrénie, moi je regarde dans le dictionnaire et je constate que le truc en question est un composant naturel du lait maternel ou du blé ou de l'oeuf et qu'on en trouve par kilos dans notre nourriture quotidienne.
Alors, que faire ?
(ne pas oublier le rappel contre le tétanos, tiens, pendant que j'y pense)

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Ce billet est une modeste participation à l'effort de réflexion engagé par le très belgeophobe Disparitus. (tout le monde a ses petits défauts.) J'en profite pour lui affirmer avec l'avant - dernière énergie (toujours garder une énergie ou un espoir pour la soif) qu'il ne faut pas stigmatiser tout un peuple sous prétexte que certains font montre d'intolérance et de moyennagisme une fois.

samedi 5 décembre 2009

Les Merle de novembre



Ya plus d'Wikio, pleurent les wikiophiles. Fini, le grand jeu de je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui me lie aura une risette. Tant pis, disent les poids lourds du Wikio, on linkera les potes pareil, nous on linke par amour et pas pour le fric ou la gloriole. Bien bien. Finies les discussions âpres ou rigolardes autour des célèbres classements, les insultes astérixiennes (quoi, il est pas frais mon wikio, ils sont pas honnêtes mes liens ? Va bloguer tout seul dans ton coin, eh, espèce d'élite de la blogosphère moisie...) Dekoikonvacauser du 28 du mois d'avant au 5 du mois suivant maintenant ? Qui va décerner les prix, les bons points, les oscars, les césars?

Olympe décerne tous les mois son épididyme d'or. Grâce à elle, tout le monde sait ce qu'est l'épididyme, c'est déjà ça.

Moi, je vais décerner des Merle. Oui, toute seule. Comme ça, au pif et dans le pif, et à mon bon jugé.
Alors, pour novembre...

- Le Merle d'or du débat le plus surréaliste est décerné aux commentateurs de Crêpe Georgette, suivant le billet Montre ta chatte

- Le Merle d'or de la langue de bois est pour Irène Delse, pour le billet Quand Riposte laïque joue avec la peur de l’islam et les commentaires qui s'ensuivent.

- Le Merle d'or du billet le plus étrange est offert à Je ne suis pas méchant, pour Fake

- Le Merle d'or du commentaire le plus con est, hélas, chez moi , à 17h14.

- Le Merle d'or du dessin d'humour est pour le coucou suisse du forum Algérie.

- Le Merle d'or du billet politique est pour La fin de la démocratie, chez Hermès.

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C'est tout pour ce mois-ci, mais tremblez, je prends des notes pour fin décembre.

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mercredi 2 décembre 2009

Articles sponsorisés, poil au nez


Je n'ai pas trouvé de meilleur titre.
Je me suis fait avoir ce matin: en cliquant sur un pseudo, je suis tombée sur un article sponsorisé dans un blog sponsorisant. Ah ben non, je ne donnerai pas le lien, manquerait plus que ça. Je déteste les articles sponsorisés mille fois plus que la pub style "réclame" sur laquelle il m'arrive de cliquer si le produit m'intéresse pour une raison ou une autre, mais dont je me passerais bien les neuf dixièmes du temps. (Mais quand on va sur un site marchand, c'est logique d'y trouver de la pub.)

J'ai des stratégies d'évitement de pub. Le regard qui passe sans rien imprimer, ou si peu, sur le bandeau du haut (comment avoir un ventre plat, comment faire des rencontres musulmanes, comment garantir le bac à votre lardon fainéant). Le regard qui dévie de tout ce qui clignote. Ce qui clignote fait mal aux yeux, perturbe la lecture d'une page, les pubs les plus connement agressives clignotent, hop, je ferme la page ou je sors le clignotage de l'écran. Gyrophares et pubs avec le son, niet.

Les articles sponsorisés, ce sont surtout des textes navrants sur des blogs de filles, qui se copient, se reproduisent, se nivellent indéfiniment. Même orthographe, mêmes blagues, mêmes lols, mêmes clins d'oeils onomatopestes, même ton typiquement truc de filles, bouillie faussement tendracide avec quelque chose d'hypersensible, de survolté, de blonde rigolote. On commence un paragraphe qui cause d'un prince charmant qui viendra pour vous délivrer de la solitude, et si on clique sur le lien sur "prince charmant", on tombe... sur une pub de 4/4....
Combien on gagne avec ces machins-là ? rien qu'avec la pub pure pub, déjà ? Combien on gagne, quand on est prof dans le public et fier de l'être, à mettre de la pub pour les écoles privées et les cours particuliers ? Ou quand on se dit journaliste ou écrivain, à faire de la réclame pour Manuscrit.com ou des cabinets d'édition plus véreux encore ? (même si on ne choisit pas chaque pub, on sait qu'elles seront ciblées en conséquence). C'est intéressant financièrement ? ça vaut le coup ? Combien gagne-t-on à mettre en ligne un article sur tel ou tel machin, un vague copié collé, le plus souvent ? Est-ce qu'on dépasse vite le stade du cadeau ? Les moules à gâteaux, le repas à l'auberge, le week-end dégustation de pinard, la réduction au club Med ? J'ai surfouillé pour essayer de savoir, j'ai vu qu'on parlait de sommes dans le style 350 euros par billet, c'est vrai ?

mardi 1 décembre 2009

L'usine à travail


J'ai pris un auto-stoppeur ce matin, en pleine campagne. Les feuilles tourbillonnaient sur la route, un renard trottinait le long du fossé, j'allais en ville. J'ai vu dans la lueur des phares un bonhomme gris coiffé d' un béret, qui balançait son bras en levant le pouce. Je me suis garée devant lui. Il a ôté son béret et s'est penché, il ressemblait comme deux gouttes d'eau à l'acteur Jacques Villeret. Quand il s'est assis ça sentait le vieux tabac, le renfermé, le chien mouillé. Je vais à l'usine à travail, m'a-t-il dit, et il a remis son béret. Où ? à l'usine à travail. Laquelle ? l'usine à travail. Quel travail ? au travail de l'usine à travail. Justement, nous arrivions dans la zone industrielle. Là ? non. Celle-là ? non. Elle s'appelle comment, l'usine à travail ? pas de réponse. Vous travaillez avec qui, ce matin ? C'est qui le chef d'équipe ? Mon chef, c'est Tony, à l'usine à travail.
Je vois vaguement qui est Tony: Anthony, un éducateur technique du CAT local. Bifurquons vers le CAT, donc. C'est bien là ? pas de réponse. Nous traversons le hangar où l'on rempote par milliers de minuscules plantules. Tout le monde nous regarde, deux petites trisomiques aux cheveux gris se lèvent, viennent nous serrer la main et nous demandent si nous mangeons à la cantine à midi. Une jolie rousse en combinaison bleue nous interpelle, c'est une éducatrice, elle est aimable, volubile, et elle n'a jamais vu mon autostoppeur, désolée, elle va demander à Sylvain, c'est le plus ancien des encadrants, qui reconnaîtra peut-être notre homme. Sylvain fait la moue. Non, il n'est pas de chez nous, jamais venu. Oui, mais il connait Tony. Anthony ? Il n'est plus chez nous depuis un an au moins.
L'affaire se corse. Vous vous appelez comment ? c'est quoi, votre nom ? vous habitez où ? vous avez une carte d'identité ? L'homme se retourne et s'en va, courbé, traînant les pieds. Mais vous allez où, comme ça ? à l'usine à travail. C'est quoi, votre travail ? Il sourit. C'est fastoche, je mets le fil rouge dans le trou rouge, je mets le fil bleu dans le trou bleu. L'éducatrice rousse sort son téléphone, et décrit le bonhomme. Refait un autre numéro. L'homme n'a pas de papiers d'identité, ses poches sont vides. Les gendarmes arrivent. Tout s'arrange, on a signalé une disparition la veille. La veille ? oui, la veille, au petit matin. Un homme de cinquante ans, qui travaille à l'atelier de cablage d'un CAT. Il vit chez son père très âgé, presque impotent. Et le pauvre travailleur a été, à sa façon, victime d'une crise de l'emploi. Alors qu'il travaillait tous les jours dans la même équipe depuis vingt ans, on lui a demandé de ne venir qu'un jour sur deux, car il y a trop de demandes et pas assez de place, et le travail doit être partagé. Alors, un jour sur deux, quand le taxi ne vient pas le chercher, il part tout seul, en stop depuis qu'on a caché son vélo, pour aller travailler, dans l'espoir qu'on voudra bien de lui quand même. Et là, pas de bol, comme il est sur la route depuis hier, et qu'il a atterri à deux cent cinquante kilomètres de son domicile, il a loupé sa journée.

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