vendredi 5 mars 2010

Voilà comment on perd son temps (billet décousu)


Ce matin, je me connecte et je vais ramasser les billets frais pondus. Je lis Les notices botuliques sur Ruminances, et je me dis que je vais laisser un petit commentaire: les écrivains créés de toute pièce, par nécessité (censure) , goût de la dissimulation ou du canular, il y en a tant... Tiens, Sally Mara, le Journal de Sally Mara, écrit par Queneau. Il y a vieille lurette que je l'ai lu. Etait-ce une supercherie, est-ce que ça a fait du buzz à l'époque ? Zut, mes souvenirs chancellent, vite un petit coup de Google qui ne m'apprend pas grand chose, mais me rappelle que Vian et Queneau avaient fondé l'Académie de la Moule Poilue. Il me semble qu'on rigolait davantage en ce temps-là. Ma voix intérieure contradictoire m'admoneste " haha, en ce temps là, raconte encore, mémé, et cause nous des splendeurs déchues de l'époque merveilleuse où l'on apprenait du Péguy et du Toulet par cœur à l'école publique de ta petite ville de province". Bon, je ne vais pas ramener ma science sur Ruminance "Et Sally Mara, vous la connaissez, Sally Mara ? ben moi oui, mais je ne voudrais pas avoir l'air de me la péter, et comme j'ai des trous dans la mémoire...." Il doit être quelque part dans la maison, ce livre, mais j'ai la flemme de le chercher, et si je commence à le chercher, je vais en retrouver dix que j'aurai envie de relire d'urgence. Je voudrais que tous mes livres soient sur un disque dur. Une phrase remonte du puits de mes lectures, du bazar foutoir de mes lectures dilettantes, d'où vient-elle ? clic clac, c'était là, et voilà le contexte et le roman entier. Et puis, tant qu'on y est, ma vie entière sur disque dur. D'où me vient le souvenir de ces deux vieux qui vivaient dans un immeuble neuf, au treizième étage, dans quelle banlieue ? L'un disait à l'autre "tu vois, moi je voterai toujours pour les communistes, parce que dès qu'on a eu une mairie communiste, les vieux ont eu le charbon gratuit. Même si maintenant on se chauffe avec le mazout ou le courant, moi je voterai toujours communiste." Et, longtemps, pour moi, les communistes furent ceux qui donnaient le charbon aux vieux. Je suis nostalgique de mes illusions d'enfance et de jeunesse, c'est banal, et lire Didier Goux attise cette nostalgie. Je comprends très bien ce qu'il veut dire quand il parle des ouvriers avec une vraie gueule d'ouvrier, qui avaient une fierté de travailleur, une morale de classe. Je pense aux grèves des sardinières bretonnes, à ces garces de rouges. Les curés les menaçaient de l'enfer, refusaient leurs enfants à l'école. Les meneuses furent-elles excommuniées ?Ah, elles ne se mettaient pas des plumes dans le cul, un nez de clown et du maquillage vert et bleu pour défiler dans une atmosphère festive et créative. C'était le bon temps ? Ah, non alors, pourtant. Saloperie d'exploiteurs, saloperie de religion. Qu'en dit Lediazec? .Je pense à une amie disparue qui travaillait il y a peu dans un abattoir de volailles, à ses compagnes de travail, à la honte qu'elles avaient de ce qu'elle n'appelaient jamais leur métier, mais "ce boulot", ç'qu'on fait. Je deviens carrément triste. Deux maliens sont venus travailler dans cet abattoir. Horaires de merde, salaire minimum. Il y a toujours de l'embauche là dedans, personne ne veut y rester. Eux, ils courbaient le dos, ils faisaient tout ce qui dégoûtait le plus les autres. Un jour, à six heures, les gendarmes sont venus les chercher à leur domicile, mais ils étaient déjà au taf, et quelqu'un s'est dépêché d'aller les prévenir. Ils étaient bons pour le charter, sinon. La solidarité villageoise a joué: pourquoi aurait-on viré ces deux là qui triment comme des bêtes de joug, qui ne pleurent pas après les heures supplémentaires payées "comme ça", ou pas payées du tout, on verra après ? Occupez-vous des racailles de banlieue, disaient les habitants à la maréchaussée, eux bossent, bossent dur et ne font de mal à personne. Du coup, on les a légalisés, contrat de travail, permis de séjour, la grande mobilisation citoyenne et les articles de presse ont été évités de justesse. Je ne peux pas écrire ça dans un billet, Didier Goux va me traiter de Céleste. Oui, mais le son de cloche se fêle si l'on parle de leurs enfants. Une fois régularisés, ils ont fait venir leur femme et leurs enfants, et d'autres enfants sont nés en France. Ils sont allés à l'école du village, au collège du bourg, il y en a aujourd'hui cinq qui traînent en survêtement Adidas et baskets de luxe, taguent le mur de l'épicerie, posent des problèmes de comportement , d'incivilité, de petite délinquance (et de tentative de rackett sur handicapé, dernièrement) et se la jouent "caïd de Chicago". Tout le salaire des pères a été dépensé pendant des années pour que leurs enfants soient "comme les autres". C'est gagné.

Eh bien, je n'ai pas écrit mon billet, du coup, à propos de la Halde qui défend les diseuses de bonne aventure, et des passeurs de vers et soigneurs d'eczéma qui officient dans ma riante campagne. D'où la photo (porte de Montreuil, il y a deux ou trois ans), que je laisse.

11 commentaires:

  1. Pas si décousu que ça.
    Et je n'ai pas du tout l'impression d'avoir perdu mon temps à vous lire, moi qui perds souvent le mien à écrire des âneries.

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  2. D'accord avec Mère Castor. Et il n'y a aucun risque que je vous traite de Céleste. D'abord parce que je n'insulte jamais les gens quand je suis à jeun, et ensuite parce qu'il n'y a pas lieu. Vous, vous parlez de gens concrets, réels, pas d'abstractions rédemptrices. Et je suppose que, moi aussi, j'aurais pris fait et cause pour vos deux Maliens, si je les avais connus.

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  3. Me voilà. Depuis un certain temps je suis perturbé par des tas de choses, plus ou moins importantes, plus ou moins urgentes, Suzanne. Le fait est que je ne suis pas venu vous voir depuis un moment. Didier Goux non plus. Et je m'en veux un peu. Je vous aime bien. En ce qui me concerne c'est le canular qui m'anime. La blague potache. Le gros truc bien gras et qui pourtant ne manque pas de finesse.
    Le reste : célébrité, frustration, trucs du genre, c'est pas pour moi. A vingt ans je rêvais de pouvoir un jour rédiger une lettre correctement. Je pense avoir réussi mon affaire.

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  4. Lediazec: et vous canulardez vous-même ?

    Mère castor: merci

    Didier: je n'en doute pas un seul instant. Et je parlais de Céleste pour une autre raison, j'ai lu hier matin votre BM, avec le joli château sur la couverture... J'ai trouvé un peu bizarre et emmêlant ce mélange de réalité, d'internautes en partie réels, en partie virtuels, en partie personnages de roman, vos chiens dans le décor et les lunettes rouges légèrement scintillantes de Catherine, votre enquêtrice de roman qui prend avec vous l'apéro dans un château que j'ai visité, appartenant à un écrivain dont je lis les livres... en fait, ça m'a réjoui la journée !

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  5. Il est très bien comme ça ce billet, faut surtout pas le recoudre.

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  6. Suzanne : ravi que mes journées d'ennui aient au moins été agréables à quelqu'un !

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  7. Décousu dites-vous....
    Alors, laissez traîner les fils, effrangez les bords des articles.... au moins les jours de "blues" je pourrai m'accrocher à eux....

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  8. Leurs gosses ont pas voulu travailler à l'abattoir, accepter des horaires de merde, un salaire minimum. courber le dos, faire tout ce qui dégoûtait le plus les autres?

    Ils ont préféré traîner en survêtement Adidas et baskets de luxe, taguer le mur de l'épicerie, poser des problèmes de comportement , d'incivilité, de petite délinquance, racketter les handicapés, et se la jouer "caïd de Chicago"?

    Yavait peut-être plus d'embauche à l'abattoir, des sans-pap tout frais avaient pris les places? Ou alors l'abattoir et l'élevage étaient partis à l'autre bout du monde?

    En effet, tout se perd.

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  9. Cultive ton jardin: il s'est passé une douzaine d'année entre l'arrivée des pères, et maintenant... et il y a toujours de l'embauche dans ces abattoirs et usines de conditionnement de volailles premier prix élevées industriellement. On y travaille que si l'on n'a rien trouvé d'autre de mieux. On y travaille juste assez pour toucher le chômage, et on s'en absente beaucoup pour cause mal de dos, crevasses dans les mains, et autres misères.
    Ce ne sont pas les enfants de ces travailleurs qui prendront la relève, ils ont vécu une enfance plus douce. D'où la nécessité d'accepter de la chair fraîche et docile pour faire tourner la boite, comme dans beaucoup d'emplois non-attractifs. Il y a du cynisme là dedans, non ?

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  10. Là dessus on est bien d'accord.

    J'ai fait refaire mon toit il y a quelques années. Le gouvernement espagnol venait de régulariser massivement. L'artisan couvreur ne comprenait pas: "Ils sont fous, comment les artisans espagnols vont pouvoir payer leur main d'oeuvre?"

    Du coup, je me suis interrogée sur le statut des deux ou trois gugusses qui faisaient les mariolles sur mon toit...

    Depuis, j'ai appris ("Chantier interdit au public", Nicolas Jounin, éditions La Découverte, 23 euros) que mon toit n'était qu'une goutte d'eau dans la mer.

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  11. "Tiens bon la rampe"
    Sally Mara.

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.