Dans Affinités électives, sur France Culture, Danièle Sallenave parlait ce matin de la défense d'une certaine idée de la vie avec les livres.
Son nouveau livre "Nous, on n'aime pas lire" (elle en parle 42 mn après le début de l'émission), raconte sa rencontre avec des collégiens de 3ème, à Toulon.
Extrait:
(le journaliste) - Quand vous dites à ces élèves qu'un texte ne sort pas tout fait de la tête ou de la main d'un écrivain, qu'on le travaille ou qu'on le retravaille, vous suscitez l'incrédulité, et même, chez certains, clairement le dégoût.
(Danièle Sallenave) - Oui. Il y a chez certains un gros problème qui est qu'ils n'aiment pas beaucoup retravailler. Mais on va retravailler quoi ? Corriger les fautes ? Mais on s'en fiche des fautes, il y a le logiciel qui fait la correction. J'ai expliqué qu'on pouvait reprendre, aprofondir, déplacer. Et ça il y a une grande résistance parce que c'est un effort [...]
Il y a aussi un entretien à propos de la sortie de cet ouvrage sur le site du Nouvel Obs aussi.
Extrait :
- Vous observez, dans votre livre, qu’on ne dit plus «prof de lettres» mais «prof de français». Et vous le regrettez. Pourquoi?
- Je le regrette parce que ça semble dire que le métier de professeur de français est seulement d’enseigner une langue. C’est vrai, c’est enseigner la langue mais aussi tout ce qu’il y a autour, la littérature, la culture.
[...]Une enquête est en train d’être menée par une jeune sociologue sur les pratiques culturelles des professeurs. La majorité avoue sans complexe qu’ils aiment mieux faire autre chose que lire, parce que lire est élitiste, disent-ils. Ils préfèrent donc le sport, la musique, Internet etc. Le plus beau, c’est que l’article qui le rapportait, dans un bulletin professionnel de l’enseignement, était intitulé: «Les professeurs aujourd’hui sont plus ouverts».[...]
- Lire, pour vous, c’est aussi important qu’aimer, que vivre presque?
- On peut vivre sans jamais rien lire, et être humainement quelqu’un de bien, évidemment! Mais la non-lecture a des effets très négatifs–ce qu’on n’ose pas dire en général. Je trouve que les adultes qui ne lisent jamais rien vieillissent mal. Quelles que soient leurs qualités par ailleurs. Même ceux qui voyagent, qui ont des pratiques culturelles, comme on dit. J’ai l’impression qu’ils sont plus ou moins mutilés.
Son nouveau livre "Nous, on n'aime pas lire" (elle en parle 42 mn après le début de l'émission), raconte sa rencontre avec des collégiens de 3ème, à Toulon.
Extrait:
(le journaliste) - Quand vous dites à ces élèves qu'un texte ne sort pas tout fait de la tête ou de la main d'un écrivain, qu'on le travaille ou qu'on le retravaille, vous suscitez l'incrédulité, et même, chez certains, clairement le dégoût.
(Danièle Sallenave) - Oui. Il y a chez certains un gros problème qui est qu'ils n'aiment pas beaucoup retravailler. Mais on va retravailler quoi ? Corriger les fautes ? Mais on s'en fiche des fautes, il y a le logiciel qui fait la correction. J'ai expliqué qu'on pouvait reprendre, aprofondir, déplacer. Et ça il y a une grande résistance parce que c'est un effort [...]
Il y a aussi un entretien à propos de la sortie de cet ouvrage sur le site du Nouvel Obs aussi.
Extrait :
- Vous observez, dans votre livre, qu’on ne dit plus «prof de lettres» mais «prof de français». Et vous le regrettez. Pourquoi?
- Je le regrette parce que ça semble dire que le métier de professeur de français est seulement d’enseigner une langue. C’est vrai, c’est enseigner la langue mais aussi tout ce qu’il y a autour, la littérature, la culture.
[...]Une enquête est en train d’être menée par une jeune sociologue sur les pratiques culturelles des professeurs. La majorité avoue sans complexe qu’ils aiment mieux faire autre chose que lire, parce que lire est élitiste, disent-ils. Ils préfèrent donc le sport, la musique, Internet etc. Le plus beau, c’est que l’article qui le rapportait, dans un bulletin professionnel de l’enseignement, était intitulé: «Les professeurs aujourd’hui sont plus ouverts».[...]
- Lire, pour vous, c’est aussi important qu’aimer, que vivre presque?
- On peut vivre sans jamais rien lire, et être humainement quelqu’un de bien, évidemment! Mais la non-lecture a des effets très négatifs–ce qu’on n’ose pas dire en général. Je trouve que les adultes qui ne lisent jamais rien vieillissent mal. Quelles que soient leurs qualités par ailleurs. Même ceux qui voyagent, qui ont des pratiques culturelles, comme on dit. J’ai l’impression qu’ils sont plus ou moins mutilés.
***
Prof de lettres, c'est utile en CP, après normalement, on sait les faire.
RépondreSupprimerSigné : le vieux Jacques.
Il y a encore des jeunes qui adorent lire, rassurons-nous...Il y en a qui lisent en permanence, partout, dans la cours, dans les couloirs, à la cantine...
RépondreSupprimerIl y en a qui arrivent en 4ème en ayant dévoré toutes les réserves du CDI...
Et puis quand on navigue sur Internet, que fait-on d'autre que lire, lire, lire...
:)
CC
CC oui, assurément, et ceux-là sont sauvés.
RépondreSupprimerAvez-vous écouté l'entretien ?
Très intéressant. Mais ne pas confondre "celui qui lit" avec lecteur et "celui qui écrit" avec écrivain. C'est un peu la différence entre une pratique et une fonction. C'est vrai qu'il faut dire "Lettres" en non "français" qui réduit le professeur à l'enseignement d'une langue!
RépondreSupprimerHermes : d'accord pour celui qui écrit/écrivain, mais celui qui lit n'est-il pas toujours lecteur, dès lors qu'il lit un livre, même s'il n'a que six ans ?
RépondreSupprimerElle dit que les professeurs de lettres devraient apprendre le latin pour être à l'aise avec la langue française, même s'ils ne l'enseignent pas, et il y a dans cet entretien quelque chose de paisible qui sent, hélas, le passé.
RépondreSupprimerIsabelle T
Isabelle : oui pour paisible, c'est un entretien lent avec de belles pièces de piano.
RépondreSupprimerMais les enseignants de lettres qui ne lisent pas de livres, cela ne date pas d'hier ! Je l'ai connu dès mes débuts, ils ont des tas d'excuses (les textes réglementaires à consulter avant, les copies à corriger, les obligations familiales ou syndicales ou sportives ou politiques ou paroissiales, liste ad lib.) Cela devenait "je n'ai plus le temps de lire", oui mais ils avaient le temps de se décerveler devant la télé et ils étaient incollables sur les programmes de Tihèfouane ou les résultats sportifs. J'ai vu cela il y a vingt-cinq ans chez des enseignants déjà âgés.
RépondreSupprimerMais cela m'a rappelé que mes collègues de fac n'aimaient pas non plus lire pour la plupart et qu'ils faisaient tout pour ne pas lire les livres au programme tout en donnant l'impression de les connaître grâce au cours. Ils ne m'aimaient pas beaucoup, car je n'assistais pas aux cours et j'avais lu les livres au programme, plus beaucoup trop d'autres...
Il y a deux logiques différentes : les gens qui croient en la littérature et les gens qui se servent de la littérature comme d'un marchepied social parce que pas assez doués en informatique, en maths, en économie ou en droit. Et surtout il y a à la base une organisation sociale qui fait que les lettres ne sont plus valorisées qu'à travers la télévision (un écrivain, c'est d'abord quelqu'un qui parle, dans un fauteuil et devant un public sur une estrade, du livre qu'il n'a pas écrit). Le livre, cela sert à passer à la télé, pas à être pensé, réfléchi, mûri, repris, rejeté, repris et prolongé. C'est juste un objet ou un nom que l'on exhibe comme forme de valorisation de sa personne (cf l'affaire Rougeon-Macquart de notre magnifique président).
Contrairement à Danielle Sallenave, je ne pense pas que les choses se soient dégradées ces dernières années, elles sont simplement devenues plus transparentes, plus claires et plus cyniques.
Oui mais qu'elles se soient dégradées ou pas récemment ne change rien au problème.
RépondreSupprimerC'est curieux cette façon de dire "c'est pas nouveau donc circulez"...
Polluxe : Dominique n'a pas tort, et ce qu'il dit n'est pas franchement réjouissant, mais D.Sallenave appuie sur la notion "donner envie de lire (et de s'exprimer correctement par écrit, aussi) à des enfants résistants". Même pas mauvais déchiffreurs ou n'ayant pas accès aux bibliothèques, etc, non, résistants.
RépondreSupprimerPolluxe, je n'ai pas dit "circulez". J'ai fait un constat. On n'entre pas forcément dans l'enseignement parce que l'on aime enseigner, on ne fait pas forcément des études de lettres parce que l'on aime la littérature. Il y a une part d'engagement personnel et de don de soi à vouloir enseigner les lettres (ou le français ou la culture générale, peu importe le mot). Cet engagement peut ne jamais avoir existé, s'être effrité au fil des ans par lassitude ou habitude, avoir été remplacé par d'autres qui existaient en même temps que lui. Mais ce que je sais, c'est que les enseignants qui prétendaient vouloir donner le goût de la lecture tout en refusant eux-mêmes de lire pour eux et par simple amour n'étaient pas exhibés comme des modèles d'excellence professorale. Ils existaient, ils étaient déjà majoritaires, mais le discours environnant était différent parce que l'on présupposait qu'un enseignant de lettres devait forcément vivre parmi les vieux livres, et ils ne se vantaient donc pas trop de leur inculture. Celle-ci peut s'exhiber aujourd'hui sans complexe alors que si l'on déclare que l'on ne possède pas de télévision on deviendra l'anormal parmi les autres. Les représentations sociales ont changé, les discours aussi, mais la littérature tient comme avant à peu de personnes désintéressées. C'est dommage, mais c'est ainsi.
RépondreSupprimerDominique: ça dépend peut-être un peu de la profondeur du passé dont on parle. Je crois qu'on regrette qu'il n'y ait pas de professeurs d'un lointain autrefois dans les collèges et lycées de maintenant.
RépondreSupprimerMerci pour votre passage et votre analyse très claire.
Il y aurait peut-être deux matières différentes à enseigner, au collège et au lycée ?
RépondreSupprimerLe français et la littérature ?
La première pour éviter que des connards ignares ne demandent le sens de mithridatisé, la seconde pour initier à la littérature !
Et tant qu'on y est une formation à la musique (l'écoute pas la pratique) et aux beaux arts serait assez bienvenue.
Et pour ne pas surcharger les petites têtes blondes (vous pouvez contacter la Halde) remplacer une bonne partie de l'étude des maths (dont le niveau est quand même bien trop élevé par rapport à l'utilisation qui en est faite) par une initiation poussée à la logique et au raisonnement.
Franssoit : c'est une idée, mais je n'ai pas d'opinion là-dessus. Je trouvais l'interview de d.Sallenave intéressante justement parce qu'elle donnait à réfléchir.
RépondreSupprimerSinon, je ne vous ai pas traité de connard inculte, hein. Je suis juste tombée sur vous toutes griffes dehors parce que vous disiez que vous aviez la flemme de consulter un dictionnaire. ça ne mérite pas perpète. à peine dix ans de bagne, à mon avis.