Il y a tous les matins sur France-Inter une publicité que je trouve irritante. Tellement irritante que j'oublie le nom de l'annonceur dans les trois secondes qui suivent l'énoncé, et que je ne garantis aucunement l'authenticité de ce qui va suivre, mais l'esprit y est.
C'est une voix d'enfant plaintive: "Les voleurs, ils sont venus dans la maison de ma maman et ils ont tout emporté. Ils sont passés par la porte et les fenêtres qui étaient trop faciles à ouvrir, la maison n'était pas bien protégée. Moi, quand je serai grande, je protégerai la maison de ma maman avec l'assurance de la Banque Machin Truc."
Il n'y a pas si longtemps, nous, les auditeurs, avions droit sur cette même radio à :
- Ma petite chérie, oh comme tu es enrhumée, tu dois avoir une bonne grippe, je vais t'emmener voir le docteur qui te donnera des antibiotique pour te guérir bien vite.
- Mais non, maman, rappelle-toi ce que le médecin a dit la dernière fois, les antibiotiques sont inefficaces contre la grippe qui est une maladie virale. Tu as compris, maman ? Les antibiotiques, c'est pas automatique.
L'enfant de la pub explique la vie à ses parents idiots. Tu es trop idiot pour me soigner, trop idiot pour m'alimenter, trop idiot pour me protéger. Il faut que je t'explique. C'est moi qui ai la sagesse, l'instinct, le bon sens. C'est moi qui comprends tout, à peu près tout, mieux que toi. Fais donc attention à moi, bougre d'imbécile, heureusement que je suis là pour te dire ce qu'il faut acheter, tu devrais me remercier.
L'enfant, c'est un petit d'homme fragile. À l'âge où il peut commencer à se laisser impressionner par ce genre de pub, il a encore peur des loups sous le lit, des monstres qui viennent la nuit, de la coupure à l'index par où tout son sang va s'écouler par terre, du moucheron qui se pose sur son bras, de la grosse vague qui passe par dessus la tête, du grand Max qui rackette les malabars et qui pousse les petits contre la grille de l'école en disant des très gros mots, du docteur quand il prend de drôles d'instruments dans le plateau métallique à côté du lit d'auscultation et s'approche avec un air sévère, du cerisier dont les branches bougent devant la fenêtre en faisant des ombres étranges sur le parquet. Si on lui dit que ses parents sont idiots, faiblards, ignorants, si on lui dit que lui est bien plus malin, fort, courageux, perspicace et savant, et qu'il doit guider ses parents, leur indiquer le bon produit à acheter, la bonne voiture, la bonne assurance, la bonne barre céréale pleine de lait qui fait pousser les os, le bon médicament, eh bien vers qui se tournera-t-il, cet enfant, quand il devra affronter les frustrations, les monstres, sa propre ignorance, son immaturité et sa faiblesse, quand il sera mort de trouille? Qui le protégera ? Sa bande de copains?
L'enfant, c'est un petit d'homme fragile. À l'âge où il peut commencer à se laisser impressionner par ce genre de pub, il a encore peur des loups sous le lit, des monstres qui viennent la nuit, de la coupure à l'index par où tout son sang va s'écouler par terre, du moucheron qui se pose sur son bras, de la grosse vague qui passe par dessus la tête, du grand Max qui rackette les malabars et qui pousse les petits contre la grille de l'école en disant des très gros mots, du docteur quand il prend de drôles d'instruments dans le plateau métallique à côté du lit d'auscultation et s'approche avec un air sévère, du cerisier dont les branches bougent devant la fenêtre en faisant des ombres étranges sur le parquet. Si on lui dit que ses parents sont idiots, faiblards, ignorants, si on lui dit que lui est bien plus malin, fort, courageux, perspicace et savant, et qu'il doit guider ses parents, leur indiquer le bon produit à acheter, la bonne voiture, la bonne assurance, la bonne barre céréale pleine de lait qui fait pousser les os, le bon médicament, eh bien vers qui se tournera-t-il, cet enfant, quand il devra affronter les frustrations, les monstres, sa propre ignorance, son immaturité et sa faiblesse, quand il sera mort de trouille? Qui le protégera ? Sa bande de copains?
Vous faites preuve d'une coupable légèreté en évoquant ce pauvre petit hémophile qui a contracté le paludisme (via la piqûre d'une anophèle) lors du Tsunami de Noël 2004.
RépondreSupprimer( "de la coupure à l'index par où tout son sang va s'écouler par terre, du moucheron qui se pose sur son bras, de la grosse vague qui passe par dessus la tête")
Superbe billet ! C'est amusant car, tout à l'heure, nous parlions, ici, exactement de la même chose (enfant roi, gnin gnin gnin...).
RépondreSupprimerMerci pour ça !
Sa grand-mère !
RépondreSupprimerLe thème de l'enfant roi, oui, bon, mais là la pub s'adresse aux parents, et que les petits n'enfants c'est cromignon, et que je te fais culpabiser parent irresponsable fais péter ton chéquier au moins par amour pour tes mômes.
RépondreSupprimerCa me rappelle la représentante en chauffage-nucléaire-truc qui, lorsque nous l'avons chassée, à bout, nous a quasiment accusé d'assassiner notre enfant avec des convecteurs et la poussière brulée d'amiante dedans.
Malvita : comme vous y allez ! Je nie farouchement.
RépondreSupprimerCatherine : (ah, sa grand-mère...)
Didier : Merci
Balmeyer :dans cette pub, il n'est pas question que les parents choisissent et paient ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants,mais bien que ce soient les enfants qui disent " tu vois, je sais réfléchir, choisir, mieux que vous, c'est moi qui décide."
Ouais... mais moi aussi ça m'énerve. Je ne sais pas pourquoi les publicitaires font ça, à quelle étude markéto-truc ça répond. C'est intéressant.
RépondreSupprimerBalmeyer : vraiment ? vous ne savez pas pourquoi ils font ça ? Moi, j'ai bien une idée...
RépondreSupprimerParce qu'ils sont crétins ? Dites moi, je suis curieux. Vous savez, je suis la nuance même, le flegme incarné, mais les publicitaires me mettent vraiment hors de moi, genre payés très cher pour pondre de la connerie de précision.
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerOui, j'entends ces pubs avec le même agacements que vous chaque matin...ça repose sûrement sur le principe que "la vérité sort de la bouche des enfants"...
Sinon, je ne sais pas pourquoi mes deux derniers billets sont attachés au votre, mais merci !
:)
CC
Alors ça, c'est vraiment amusant ...
RépondreSupprimerJe trouve aussi cette pub tout à fait horripilante.
Pas du tout pour les mêmes raisons que vous.
Mais à cause du cri de décérébrée que la "maman" pousse quand elle s'aperçoit qu'elle a été cambriolée.
Je dois être un peu féministe sur les bords, vous croyez ?
CC : pour les billets attachés, je croyais que ça venait de vous; j'ai même cliqué et je me demandais quel rapport il y avait entre la pizza à la souris et mon billet à moi.
RépondreSupprimerBalmeyer: je crois que les publicitaires s'adressent à ceux qui ont le pouvoir d'acheter, le pouvoir tout court, et que dans bien des familles ce sont les enfants qui le détiennent, avec l'assentiment de leurs parents qui ne veulent pas ou ne peuvent pas exercer leur autorité.
Audine : les féministes ne poussent pas de cris? Quoi alors ? Des hurlements gutturaux ?
Balmeyer, rien de particulier à vous répondre : Suzanne a tout dit.
RépondreSupprimerDe toute façon, la représentation de la famille dans la publicité, c'est proprement hallucinant.
RépondreSupprimerIl ne s'agit là que d'un des nombreux avatars du genre ! Je crois néanmoins que les deux pubs que vous citez Suzanne, ne sont pas de même nature.
La seconde avec les antibios a bien ce sens là. Les parents sont idiots et il y a la création d'un décalage "fun" (enfin, c'est ce que pense le publicitaire à l'origine du spot) entre l'ingénuité de l'enfant et son discours d'adulte...
La première pub est pire ! Elle manie la peur via des sentiments complexes (parce que somme toute, pour certains, le cambriolage peut entraîner un traumatisme). C'est de la manipulation éhontée ! C'est aussi dire que la personne qui subit le truc est presque responsable, coupable, fautive si elle ne possède pas d'assurance. C'est là le monde moderne dans toute sa splendeur.
Suzanne : sûrement que si, surtout quand elles se rendent compte qu'on essaie, dans la pub, de faire passer la femme comme une idiote qui crie comme une bécasse qu'on plume quand elle s'aperçoit qu'elle a été cambriolée, comme si ça allait tout remettre en ordre, appeler la police et avertir son assurance par dessus le marché.
RépondreSupprimerMais c'est bien connu, les femmes ne ratent pas une occasion de crier.
Dorham : la deuxième annonce n'est pas une pub, mais un message de la prévention de je ne sais pas quoi, ou de la famille et de la santé...
RépondreSupprimerJe plaide la cause des enfants : c'est cruel de ne pas tenir compte de leur faiblesse, de leur dépendance, de leur donner des pouvoirs nocifs pour leur âge.
Après, il faut appeler Super Nanny pour remetter tout en ordre.
Suzanne,
RépondreSupprimerVous savez, les messages de prévention sont aussi publicitaires...
Par exemple, en faisant de la prévention anti-tabac, on fait de la pub indirecte pour les refourgueurs de gommes nicotinées...
Vus êtes un peu naïve en fait :)
"vus" = "vous"
RépondreSupprimerDorham : ah bon ? Et les campagnes de prévention pour le dépistage du cancer du sein,c'est pour enrichir les marchands de ligerie sexy? (plus d'seins, plus d'soutif ou alors du Playtex coeur croisé.)
RépondreSupprimerUn mot : merci !
RépondreSupprimerEt puis d'autres : ça me fait du bien de lire ça, moi qui coupe la radio illico lorsque j'entends des vraies/fausses voix d'enfants ânonner ce que je dois acheter. D'abord, ça me rappelle le boulot ; ensuite j'ai pas fabriqué d'enfant, c'est pas pour que d'autres me réclament du Mutella et des assurances par voie radiophonique. Non mais.
Marie-Georges : je te vois bien dans une série télé, genre "Docteur House", mais en instit' ! :)
RépondreSupprimerUne instit aussi féroce, cynique et perspicace que Docteur House? J'imagine les 27 mômes le matin, refusant d'enlever leur pyjama, vômissant leur lait chaud, s'accrochant au dossier de la chaise, jetant leurs chaussures par la fenêtre, pour ne pas aller à l'école.
RépondreSupprimerBalmeyer et Suzanne,
RépondreSupprimerPermettez-moi d'être vraiment PTDRRRR.
Hé, encore une idée de blog : "madame Maison, instit cynique et droguée". En plus j'ai déjà les gélules.
@ Marie-Georges
RépondreSupprimerIl y a bien un blog dénommé, si je me souviens bien :
"un prof à l'envers" je n'ai qu'un vague lien sais même pas s'il est encore en vie...
http://educophobe.over-blog.com/article-18096307-6.html#anchorComment
désolée mais je peux aller de façon régulière sur les blogs