mercredi 2 septembre 2009

Prophète en son pays


Est-ce que vous êtes allés voir Un prophète ?

C'est un bon film qui a les qualités des anciens romans noirs très secs, à l'écriture minimale, antipsychologique au possible.

Je n'avais pas lu les critiques avant, sinon je n'aurais pas fait le déplacement. Mais pour le peu que j'ai lu après, je me gratte la tête. Je n'arrive pas à trouver de message à ce film, pas de bla bla bla de dénonciation de l'univers carcéral du racisme du grand banditisme et tout et tout, ni de dimension tragique, non, juste une histoire qui se passe dans notre maintenant à nous. En prison, oui, mais pas sur la prison. Aucune démonstration pesante, aucune demande d'assentiment. Rien n'est cliché, et pourtant on est sur le fil du rasoir, entre les Arabes, les Corses, les gardiens.

Le héros malgré lui de l'histoire n'a pas le choix de s'asservir, de se révolter, de s'en tirer ou pas. C'est explicitement, énergiquement montré au début du film. Il plonge ou il meurt. Il plonge, donc, puis il surnage et tire peu à peu son épingle du jeu. On pourrait dire que c'est une portion de la vie d'un type qui était un pauvre gosse dont la prison a fait un mafiosi ou un chef de pègre, un film dans lequel on voit vivre des barbares, des hommes qui sont au-delà de toute perspective de récupération. On devine que les beaux jours de trafiquant et de criminel de ce jeune Arabe seront brefs et que sa fin ne sera pas joyeuse.

Après, j'ai gougueulé et je me suis bien amusée: Corsica Libera porte plainte pour racisme anti-corse. Apparemment, personne n'a porté plainte pour racisme anti-Arabes, et pourtant ceux du film ne sont pas reluisants. Je ne comprends pas la critique de Guilain Chevrier dans Riposte Laïque. J'ai l'impression qu'il parle d'autre chose et qu'il se trompe en posant le héros comme modèle à l'usage des délinquants en mal d'identification. On ne peut pas tout interpréter avec cette grille. En tout cas, pas ce film. Ou bien si ?

***

6 commentaires:

  1. Magnifique critique! Et l'envie de voir un film enfin débarassé de cette graisse de: "vous devez pensez ci" et de cette obésité de: "vous devez réagir comme ça." Enfin un film qui reste un film, une porte ouverte, et qui n'aliène pas celui qui la franchit.
    Bravo pour ce texte!

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  2. Lu une interview d'Audiard qui expliquait que son point de départ était simplement d'utiliser une tête pas connue. Intéressant.

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  3. Merci, Hermes ( vous me direz ce que vous pensez du film, si vous allez le voir ?) et merci ému pour ce passage (c'est une rentrée? une résurrection? ) Balmeyer.

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  4. Tiens !! je n'avais pas vraiment percuté ce billet.

    J'ai trouvé, comme vous, la critique de Chevrier absolument nulle, partisane et même malhonnête.
    Par exemple, il parle des choix du héros alors que tout le film est le contraire, tout le film parle de l'opportunisme obligé, pour la survie.

    J'ai lu aussi des interviews d'Audiard, notamment celui dans lequel il parle du travail (de 4 ans) fait pour aboutir à ce film là.
    C'est très intéressant sa démarche de cinéaste.

    Pour moi, ce film est exemplaire.
    J'aime sa rigueur, son absence totale de parti pris, le choix de recréer et la photographie très minimaliste.
    J'aime qu'il n'aboutisse pas à une morale. C'est un conte moderne, cruel et totalement désenchanté.
    L'acteur principal est fascinant, il est extrèmement doué.
    Un vrai film noir, en quelque sorte.

    Il n'y a pas de thèse, et je vois mal comment ce type de film peut donner un exemple (positif ou négatif d'ailleurs) à qui que ce soit, et encore moins à des futurs délinquants, qui à mon avis, s'ennuieraient très rapidement ...

    De plus, et pour contredire encore plus Riposte Laïque, je trouve que le clan des "barbus" est bien moins négatif, in fine, que celui des Corses. On y voit tout de même une amitié (réelle), et l'importance de l'éducation, on y entend un discours de fraternité (à prendre avec beaucoup de distances, ok), alors qu'au contraire, le camps corse est gangrené jusqu'à la moëlle, et le héros n'est pas vraiment la seule cause de la "mort" du "père" ...

    Bon, c'est clair que ça n'est pas un film de vacances ...

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  5. Je viens de voir le film: tout est sur le fil du rasoir, pas une fausse note, une sècheresse absolue sur laquelle le rêve arrive aussi follement que la vie qui pourrait avenir, comme une éclaircie dont on a oublié le sens.Autant dire que c'est un grand film!

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  6. Oui, Audine, d'accord avec vous.

    Hermès, je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un grand film, mais un bon film.

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.