Guénolé marche depuis deux jours. On dirait qu'il n'a fait que ça toute sa vie. Pour se reposer des malheurs du monde, il faut regarder un enfant qui vient d'inventer la marche. Il tombe, se relève sans avoir le temps de pleurer; Guénolé marche marche marche...
Nous l'accompagnons avec nos regards, nos sourires. Nous sommes assis à table, nous mangeons de la tarte aux pommes, la bouteille de cidre circule, nous resserrons nos chaises pour lui laisser plus d'espace. Guénolé tourne autour des bancs, arpente le salon. On entend ses petits pas dans la cuisine, on entend ses petits pas dans la salle de bains, dans les toilettes, il a des chaussons qui font couic couic, on entend Guénolé marcher partout.
Guénolé revient de la cuisine avec une pomme de terre dans la main. Il a planté dedans ses quatre incisives mais le goût a du lui déplaire, un filet de bave terreuse lui pend du menton.
Maintenant, Guénolé promène sa pomme de terre, il lui parle. Il la passe d'une main à l'autre puis la serre contre son cœur et marche sans se tenir aux meubles, sans le balancier des bras pour assurer son équilibre. Nous sommes admiratifs. Guénolé emmène sa pomme de terre dans chaque pièce de la maison. Infatigable enfant, disons-nous en enfilant des lieux communs et en attaquant une troisième tarte aux pommes. Ah, si nous devions nous dépenser autant qu'un enfant de cet âge, nous serions épuisés flapis crevés au bout d'une heure, tandis que lui... Ah, regardez-le comme il s'amuse avec sa patate, on achète des tas de jeux compliqués et lui, avec une pomme de terre de rien du tout il est heureux. C'est bien la peine, tiens.
Et puis quelqu'un se lève pour aller aux toilettes, d'où il ressort derechef en riant. Un sac entier de dix kilos de pommes de terre qu'il avait mis une par une dans la cuvette, Guénolé.
Nous l'accompagnons avec nos regards, nos sourires. Nous sommes assis à table, nous mangeons de la tarte aux pommes, la bouteille de cidre circule, nous resserrons nos chaises pour lui laisser plus d'espace. Guénolé tourne autour des bancs, arpente le salon. On entend ses petits pas dans la cuisine, on entend ses petits pas dans la salle de bains, dans les toilettes, il a des chaussons qui font couic couic, on entend Guénolé marcher partout.
Guénolé revient de la cuisine avec une pomme de terre dans la main. Il a planté dedans ses quatre incisives mais le goût a du lui déplaire, un filet de bave terreuse lui pend du menton.
Maintenant, Guénolé promène sa pomme de terre, il lui parle. Il la passe d'une main à l'autre puis la serre contre son cœur et marche sans se tenir aux meubles, sans le balancier des bras pour assurer son équilibre. Nous sommes admiratifs. Guénolé emmène sa pomme de terre dans chaque pièce de la maison. Infatigable enfant, disons-nous en enfilant des lieux communs et en attaquant une troisième tarte aux pommes. Ah, si nous devions nous dépenser autant qu'un enfant de cet âge, nous serions épuisés flapis crevés au bout d'une heure, tandis que lui... Ah, regardez-le comme il s'amuse avec sa patate, on achète des tas de jeux compliqués et lui, avec une pomme de terre de rien du tout il est heureux. C'est bien la peine, tiens.
Et puis quelqu'un se lève pour aller aux toilettes, d'où il ressort derechef en riant. Un sac entier de dix kilos de pommes de terre qu'il avait mis une par une dans la cuvette, Guénolé.
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Elle est vraiment trop chouette, ton histoire!!!
RépondreSupprimerBien sur qu'elle est chouette cette histoire.
RépondreSupprimerMais de quoi se plaint notre joli volatile. Le Guenolé lui, il lavait les patates pendant que vous vous remplissiez la panse de tarte et de cidre. Ingrate !
Il faudrait mettre de l'huile bouillante dans la chasse d'eau pour faire des frites.
RépondreSupprimerEt par mégarde ne pas s'asseoir précipitamment dessus cher Nicolas... ;))
RépondreSupprimer@Suzanne : très belle histoire !
RépondreSupprimerPutain d'Adèle ! sans la dernière phrase, je vous aurais prise pour cette connasse de Céleste !
RépondreSupprimerVous m'avez foutu une de ces trouilles...
Didier,
RépondreSupprimerj'ai compris ! En fait, vous ne lisez jamais la dernière phrase chez Celeste !
Cultive ton jardin, Corto et Pluton: merci.
RépondreSupprimerNicolas: ah, c'est malin ! (et Pluton qui vous répond...)
Didier: Céleste, encore Céleste... Mais qu'est-ce qu'elle a de plus que toutes nous autres, celle-là, hein?
En lisant ces lignes pleines de charme, je me suis souvenu de mon ivresse le jour où j'ai su faire du vélo. C'était celui de mon père, presque aussi haut que moi, et que j'avais réussi à monter en passant une jambe sous le cadre…
RépondreSupprimerLe Coucou,
RépondreSupprimerSi tu me mets au défit de me rappeler chacune de mes ivresses, je suis foutu.
Ou alors, Didier se lance en premier.
Nicolas: le Coucou parle d'un souvenir d'enfance (il devait avoir cinq ou six ans) et vous, mauvais sujet, de beuveries.
RépondreSupprimerAu cas ou de jeunes âmes innocentes s'aventurent par ici, je condamne avec la plus grande énergie tout ce que l'affreux Nicolas pourra écrire sur ses premières cuites.
Et, NON, la petite souris n'a jamais apporté à PERSONNE un flacon de gin ou de ouiski pour ritualiser la perte de la première dent de lait, quoi que prétende ce sympathique kremlinoloudéacien.
Ce gamin est parfaitement logique. Il ira loin et pas seulement en marchant.
RépondreSupprimerPS aux parents : éviter le feutre pour vos tapisseries. Des crayons papiers suffiront. Gommer est plus facile que retapisser.
Suzanne,
RépondreSupprimerC'est Le Coucou qui a commencé à parler d'ivresse.
Ah ah ! En plus le rouquin a une bonne bouille d'irlandais, ça va bien avec les patates, cette histoire...
RépondreSupprimerPlaisante anecdote, en vérité, qui a fait naître en moi de doux souvenirs. Ainsi, une fois lue votre dernière phrase, me suis-je immédiatement remémoré ce téléfilm américain diffusé en première partie d'un Dossiers de l'écran du début des années 80, à cette époque où, encore adolescent, je percevais mieux qu'aujourd'hui la poésie propre à chaque œuvre que nous délivre ce monde agité. Le Bunker, tel était le titre du téléfilm en question, dans lequel Anthony Hopkins, excité comme jamais, tenait le rôle principal (le même qui échoirait, plus de vingt ans plus tard, à Bruno Ganz) et dont le thème n'était autre que les derniers jours de tonton Adolf dans un Berlin assiégé puis submergé par les troupes de l'Armée rouge...
RépondreSupprimerFallait-il voir là la marque d'un éventuel antisoviétisme primaire de fin de Guerre froide, émanant de quelque dialoguiste reaganien, ou bien la traduction d'une réalité historique, toujours est-il qu'à un moment donné, un Allemand en uniforme s'alarmait auprès d'un autre Allemand en uniforme que les Soviétiques étaient entrés dans les faubourgs de Berlin, et donnait ce détail qui eût pu paraître piquant en d'autres circonstances (citation approximative) : « Ils prennent les cuvettes de nos chiottes pour des machines à laver les patates ».
Euh... Bon, j'espère que je n'ai pas trop plombé l'ambiance...
"à cette époque où, encore adolescent, je percevais mieux qu'aujourd'hui la poésie propre à chaque œuvre que nous délivre ce monde agité"
RépondreSupprimer(C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants
Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents)
Chieuvrou : et tout ce cheminement de pensée à partir de pommes de terre...
Balmeyer : les roux viennent tout droit de l'enfer, c'est bien connu (ou d'Irlande, mais là, c'est l'hérédité alcoolique qui délave la mélanine)
Ah non ! Je ne suis pas le père de Balmeyer. Son hérédité, je n'y suis pour rien.
RépondreSupprimerNicolas : arrêtez de vous vanter. On sait bien ici que les gars de Loudéac ne tiennent pas l'alcool et ont le sommeil lourd.
RépondreSupprimerC'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants
RépondreSupprimerTord sur leurs oreillers les bruns adolescents.
J'ai bien peur qu'en ce qui me concerne l'essaim en question ait eu à souffrir du Gaucho ou du Régent car il ne parvient plus guère à me tordre sur mon polochon. Il faut dire, aussi, que je n'y mets pas du mien puisque je serais plutôt du genre désabusé des larmes et du rire, altéré de l’oubli de ce monde agité, en gros le gars qui veut simplement, ne sachant plus pardonner ou maudire, goûter une suprême et morne volupté.
Quoi qu'il en soit, nous ne nous référions pas au même Charles.
Un lecture attendrie. Merci. :)
RépondreSupprimerBonjour Suzanne
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cette anecdote, et votre billet sur Les deux petites filles Brune et Blonde.
Je trouve que vous écrivez très bien.
C'est grâce à Dalyna que j'ai découvert votre blog qu'elle en soit remerciée.
Patrick : merci beaucoup. Remercions cette blogueuse très dynamique.
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