lundi 15 octobre 2012

Racisme ordinaire



comme Racisme













Racisme ordinaire... Après avoir lu des milliards de fois cette expression, et après l'avoir utilisée moi-même moutonnièrement, j'en ai bien peur, je finis par me demander ce qu'est le racisme extraordinaire.

Cet intense effort de réflexion  ne me portera pas jusqu'à essayer de répondre toute seule à cette question qui m'est venue en lisant le billet de Nicolas, qui reprend le billet de Sarkofrance, en passant par d'autres billets, twitts, et autres vagues qui roulent les galets, ah le blogage la mer toujours recommencée, ou l'air chantonné  dans la rue que reprend un autre chantonneur qui l'amène dans la rue d'à côté et ainsi de suite jusqu'à minuit quand la lune est haute dans le ciel et que le premier chantonneur se réveille en entendant  quelqu'un qui siffle sous sa fenêtre l'air qui, l'air que...  et, oui, moi aussi j'y participe.
Kesjevoulais dire, en fait ?  Racisme ordinaire lit-on, à propos de twitts mode grosse blague sur les juifs.  Certains commentanautes  rappellent les camps nazis, l'horreur, et tout et tout. D'autres assurent que la France n'est pas majoritairement raciste (ou antisémite) puisque le Front National reste minoritaire dans les votes. Je dis hum aux deux. Les incessants rappels aux camps, à la Shoah, c'est comme si on donnait un petit coup de paume à un moulin à prière. Personne n'écoute le moulin, il suffit qu'il tourne. Refiler l'antisémitisme au Front National et à lui seul, c'est simpliste, même s'il en charrie dans sa grosse besace, et du lourd, du capiteux, du bonifié avec l'âge.
Non, moi ce qui m'interpelle, me turlupine, me pose question, c'est la réponse automatique dès les premières notes "oui mais l'islamophobie aussi etc".  Vous avez joué, enfant, à mettre votre main sur celle d'un copain, qui mettait la sienne par-dessus la vôtre, et puis vous mettiez votre deuxième main par-dessus la sienne, lui faisait de même, vous ôtiez celle du dessous pour la remettre par dessus, et ainsi de suite ? C'est l'effet que je garde de ce genre de discussion, d'argumentation qui n'en est pas.  Et, alors que le sujet premier échappe (on ne parle plus des antisémites mais des islamophobes), quelqu'un, inévitablement, avance que les juifs sont coupables. Leurs organisations sont coupables, leurs mouvements de défense sont coupables, si personne ne s'élevait contre l'antisémitisme eh ben d'antisémitisme yen aurait pas, voilà.

Je voudrais tant avoir l'innocence de cet enfant que je tenais par la main en longeant une manifestation pro-palestinienne, il y a deux ou trois ans, quand nous entendions dans la rue "mort aux juifs ! "
Il m'a montré d'où venait le cri et m'a demandé "Qui c'est, Moreau ?"


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28 commentaires:

  1. Chouette Pensive15 octobre 2012 à 12:46

    Nécessaire ! Et si bien écrit !

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  2. Cela dit chère Suzanne, ce n'est pas bien de traîner des pitits nenfants à des manifestations antisémites, même s'ils ne savent pas qui c'est, Mite.

    Hu !

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  3. "Refiler l'antisémitisme au Front National et à lui seul, c'est simpliste": complètement d'accord!

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  4. Le racisme c'est comme le pinard : si y'en a de l'ordinaire, y'en a forcément du supérieur.

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  5. Magnifique illustration de ce que vous dites ici dans le billet du jour de l'Innommable, qui se surpasse dans le gloubi-boulga idéologique et atteint presque au délire verbal comique d'un Raymond Devos.

    (Pas de lien, évidemment…)

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    1. Je crois que cette personne se mélange les pinceaux, avec son désir d'être bonne ou/et de le paraître et des déclamations...disons, très partisanes, sur le sujet.

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  6. " Personne n'écoute le moulin à prière, il suffit qu'il tourne ". J'aime beaucoup cette image.

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  7. Ceci dit les tweets qui défilaient hier pendant la diffusion du film La Rafle étaient assez hallucinants. Et pas seulement ceux qui relevaient d'un antisémitisme bas du front.

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  8. Corto: pas vu, ni le film ni les tweets, je n'avais pas fait le rapprochement, donc. C'est encore pire.

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  9. Je n'ai pas fait attention avant au fait que ces tweets antisémites se déroulaient pendant qu'on passait le film "La rafle".
    Ce qui rend encore plus triste les réactions "eh, oh, l'islamophobie c'est pire" ou "attention à ne pas instrumentaliser l'antisémitisme.".

    "ne pas instrumentaliser l'antisémitisme"... ça laisse rêveur.

    Tu dis que tu as vu un type donner des coups de pied dans le ventre à son chien dans la rue, et on te répond "ah oui, mais ya les tortures aux chats, aussi. Faut pas instrumentaliser la maltraitance envers les chiens.
    C'est triste et dingue à la fois.

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  10. Les billets mis en lien sont plutôt amusants.

    Mais comment ? Les issus de la diversité seraient racistes ?

    Ça me fait penser à tous ces types qui étaient pour le Viet Nam et qui se sont trouvés cons quand à peine "libéré" des américains, Victor Charlie s'est empressé d'entrer au Cambodge les armes à la main.

    Ben oui, dans les quartiers on n'aime pas les yahoud et les gaulois. Quelle découverte ! C'est bien la peine de crècher dans le 9-4 tiens ! Ah oui, les Bétés n'aiment pas les Baoulés, sans oublier que les fils de l'Empire du Milieu méprisent tout ce qui n'est pas chinois, etc. Il va falloir qu'ils se fassent à l'idée que la Terre porte quelques milliards d'individus qui, au mieux, ne s'aiment pas les uns les autres. Alors, nos petits 65 millions de péquins qui se limitent à un regard désapprobateur ou à quelque remarques acides, ça ne pèse pas lourd. Surtout que dans cette affaire, ce ne sont pas des bons gaulois qui se lâchent. Parce que là, c'est le carnaval des faux-culs : ils manquent de recul, de mesure, de relativité, ce sont des abrutis, ils méritent des baffes. Que n'aurions-nous pas entendus si les twitters avaient été de sales faces de craie ? On aurait hurlé aux HLPSDNH, désigné les affreux à l'opprobre populaire, les plus hardis auraient saisi la justice exigeant le châtiment des horribles.

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    1. Vous avez déjà bossé pour un patron juif ? Moi oui, plusieurs fois. Vous savez ce que disent les clients, chaque jour ? Les petites blagues, au détour, d'une petite sortie innocente ? "Si on fait affaire, on devra embrasser la mesusah ?" "Vous avez allumé les lumières ? Mais c'est pas vendredi aujourd'hui ?" "Ah ça, c'est sûr, vaut mieux pas être en retard de paiement". Le tout suivi de rires gras. La plus grosse arnaque des réacs, c'est d'espérer faire croire que les européens sont guéris de l'antisémitisme et qu'il n'est plus que l'apanage des musulmans ou des tarés d'extrême gauche. C'est faux. Les juifs restent des juifs pour une majorité de gens. L'antisémitisme ne s'est pas tari, il pionçait juste un peu. Par gentillesse, je ne parlerai pas des catholiques tradis, hein...

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    2. Mon ami, j'ai grandi dans LE quartier séfarade de Paris dans les années 60/70 et un peu 80. J'étais le seul goy de ma classe et j'ai même fait le coup de poing avec des potes du Bétar. Et oui, j'ai bossé pour des patrons juifs, avant de virer fonctionnaire. A l'époque je n'ai jamais connu ce que vous décrivez. Ceci dit, ce que vous citez, c'est de l’antisémitisme de salon qu'on pratique comme la belote après l'apéro.

      Maintenant, je ne sais pas d'où vous sortez votre affirmation comme quoi les réacs essaieraient de faire croire que l'antisémitisme n'est plus pratiqué par les européens. D'une part parce que les réacs ne sont pas des frontistes et qu'ils s'en foutent, considérant que cela ne regarde que les intéressés et qu'un bon pain c'est plus pédagogique que la solution tafiolesque du procès.

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    3. (vous, vous...)

      Mon affirmation comme quoi...

      Mais lisez donc vos potes ! La mélasse, c'est toujours chez les autres...
      Et qu'est-ce qu'on a à foutre que ce soit de l'antisémitisme de salon ou non ? Il vous faut des degrés, des hiérarchies ? Du racisme ordinaire et du qui ne l'est pas ? Vous avez mangé trop de testostérone, vous... Essayez la tisane pour changer.

      "A l'époque je n'ai jamais connu ce que vous décrivez."

      Nan, c'est certain, à l'époque, on était vachement moins mou du genou. On était carrément dans toutes ces histoires de lobby juif.

      Une petite précision enfin : je ne suis pas votre ami. Mais ce n'est pas grave, puisque je sais qu'il faut aussi aimer ses ennemis. C'est dur, mais j'essaie : de toutes mes forces.

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    4. Mais c'est que je m'en tamponne des degrés, des hiérarchies. C'est une opinion comme une autre, les seules choses qui devraient faire partie du champ pénal c'est l'incitation au meurtre et le passage à l'acte (tabassage, assassinat, etc.). Et ne venez pas me faire un mauvais procès en antisémitisme, je suis pro-israélien et notoirement judéophile. Il y a juste un truc qui s'appelle la liberté et qui a priori fait partie des machins inscrits sur les frontons des bâtiments publics, un truc qui normalement ne se détaille pas comme de la rayonne à un étal du marché Saint-Pierre.

      Les feujs que j'ai connu n'avaient pas besoin de tribunaux pour se défendre. Ils envoyaient chier correctement le type et si besoin une bonne mandale suffisait à faire comprendre au gazier que s'il voulait faire chier son prochain il valait mieux pour lui qu'il se trouve une autre crèmerie.

      Quant à "mon ami", c'était juste ironique.

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    5. Mais qui donc a parlé de tribunaux ??? C'est effroyable de raconter n'importe quoi de la sorte. Et sans arrêt, qui plus est. Mais pourquoi je vous parle, moi. Allez, un bon vent, Koltchak, bonne bourre, bonne tout ce que vous voulez...

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    6. "Quant à "mon ami", c'était juste ironique." oh ben zut alors.

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  11. Billet plein d'une mélancolie française, entre passé déplaisant et avenir incertain, et joliment écrit ! Cela dit, je n'ai jamais entendu le terrifiant « Mort aux juifs » dans une manifestation, lancé en français, jamais ! Les seules menaces d'un châtiment « radical » contre les juifs (l'égorgement), à ma connaissance, ont été prononcées en arabe, récemment, devant l'ambassade des États-Unis.

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    1. Apparemment il ne s'agirait pas de menaces explicites d'égorgement mais d'une allusion à une bataille livrée par Mahomet : "Khaybar ya yahoud", "Juifs, souvenez vous de Khaybar" ; pas de quoi être rassuré.

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    2. Patrick, je ne l'ai entendu qu'une fois. Je ne m'y attendais pas, et ça m'a fait tout bizarre.
      Sinon, il y a eu des reportages rue Polonceau et à côté, lors des prières de rues où on l'entend en arabe. (sous réserve que les traductions soient exactes)

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  12. Mais que ce soit désormais l’« antiracisme » qui forme un
    des paravents, sinon un des foyers de l’antisémitisme, c’est
    une situation aussi inédite que paradoxale, qui devrait obliger
    à réfléchir – avec les risques de se tromper que cela
    comporte, et dont je suis conscient, et inquiet (mais à vrai
    dire, il me semble qu’il ne vaut la peine d’écrire que lorsqu’on
    court ce risque ; ceux qui écrivent pour faire part de
    leurs certitudes, ceux qui ne trempent pas leur plume dans
    l’encre noire de l’anxiété, n’ont rien à nous apprendre).

    Olivier Rolin, Je suis tous un Juif français, texte de 2006, ICI

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    1. écrit en 2006 ! et depuis six ans, dans les établissements scolaires, l'antisémitisme monte.

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  13. On peut en parler pendant des heures, tirer les ficelles qu'on veut, en fonction de ce qu'on est et de ce que l'on croit représenter. Ordinaire, pas ordinaire, manifestation d'une bêtise extraordinaire. Relativiser ces commentaires, vomis sur la toile, précisément pendant la diffusion de ce film - film qui n'en est pas réellement un du reste, plutôt une sorte de docu-fiction avec gros moyens - il me semble que c'est ne rien comprendre à ce qu'est l'antisémitisme. Qui ne serait pas ému devant le spectacle d'enfants qu'on mène à la mort ? Personne, il me semble, sauf si l'on refuse à ces enfants le statut d'être humain. A chaque fois que je vois un documentaire, un film (même mauvais) ou lit un livre sur la question, je ne peux m'empêcher de ressentir le feu d'une sorte de blessure et d'une sorte d'intense incompréhension. Je parviens à résoudre la question du comment et même la question du pourquoi, mais en réalité, ces réponses ne me satisfont jamais. Ma compréhension se fige, s'arrête, explose. Une mauvaise blague, ce n'est qu'une mauvaise blague proférée par moins qu'un idiot ? Je ne le crois pas. Cela va plus loin que cela. Il y a de l'inhumain là-dedans, de l'inhumain dont on se targue. On se félicite en meute d'être des bêtes.

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  14. " Il y a de l'inhumain là-dedans, de l'inhumain dont on se targue. On se félicite en meute d'être des bêtes."
    J'ai pensé la même chose des islamistes maliens, quand j'ai entendu qu'ils détruisaient les oeuvres d'art de leur pays, coupaient les mains des voleurs et les oreilles des femmes qui ne se voilaient pas bien. Que ce n'est pas la religion, ou la haine d'une religion ou d'une race qui rend aussi mauvais, mais notre vieux fond commun de barbarie. Il se trouve juste qu'à un moment de l'histoire certaines religions permettent à cette sauvagerie de mieux s'exprimer,l'encouragent et la sacralisent en vertu de textes anciens qu'on prend à la lettre (surtout si on en lit une page sur deux).
    Je suppose que pour vous, c'est ça, le diable.

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  15. On mettra très longtemps à comprendre que la religion n'est pas une fin en soi. La fin, c'est Dieu et non la religion ou l'observance stricte de quelques rites que ce soient. Je lis les déclarations du Christ aux pharisiens sous cet angle. Ne faites pas ceci ou cela si vous ne comprenez pas pourquoi vous le faites. La religion, c'est seulement ce qui permet à l'homme d'adopter vis à vis de Dieu une observance commune, de se retrouver à l'intérieur d'une communauté et de se "souder". Pas davantage. Évidemment, lu n'importe comment (comme ça nous arrange), dévoyée de son but initial, la religion devient ce que sont les idéologies : un trou humide favorable au développement de multiples bactéries, des plus inoffensives aux plus mortifères. Oui, pour moi, le diable absolu (si je puis parler ainsi car on n'a - heureusement - plus les représentations du mal telles qu'on les avait à la Renaissance), c'est avant tout la bête qui se cache derrière la silhouette de Dieu.

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.