Hé, r'garde un peu, c'te vieill' bâtisse : C'est la plus bell' de tout l'quartier Et mon plus grand désir c'est d' y entrer, Elle attir' mes amis, mêm' les circoncis, Pourtant son dieu m'donn' pas l'impression d'exister... Mais tout ceci ne m'empêch' pas de penser : « Cette églis'-là, mon vieux, Elle est terrible ! »
Jeannot Alibert, Elle est terrible
(Bon, j'arrive après ce bon Mala, à ce que je vois... Serai-je donc à jamais le Poulidor des blogues ?)
Ce qui est surtout terrible, c'est l'embrouillamini de petites, grandes et très grandes capitales. Vu la graphie, cela doit dater du XIXe ou du XXe s. et on se demande pourquoi certains sont en petites capitales.
En outre, la manière de citer un verset biblique est des plus étranges. La taille des chiffres arabes est bizarre, on n'utilise pas de grands et petits chiffres arabes, mais des grandes capitales en chiffres romains pour les livres, des petites en romains pour les chapitres, des chiffres arabes pour les versets.
La référence au passage de la Genèse est aussi un peu surprenante, il n'y a pas de maison de Dieu, de temple dans ce livre. Cela n'arrive qu'après le Pentateuque (ou la Torah comme on veut).
Mais cela se réfère au combat de Jacob avec l'Ange. http://www.rennes-le-chateau-archive.com/index.htm?id=eglise_mm_presentation.htm De là à transposer le combat des croyants en train de se confesser ou de battre leur coulpe à celui de Jacob. Hum... Il y a une dimension sulpicienne qui me fait pencher pour la fin du XIXe s. Le catholicisme était alors fort repentant.
Bingo, Dominique! C'est bien à la fin du XIXe s.que cette église (Messac, Ille-et-vilaine) a vécu ses dernières transformations. Je ne sais pas si la plaque est d'origine, ou si elle a été restaurée, refabriquée, avec cet embrouillamini de lettres qui vous étonne. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté particulière dans l'utilisation du mélange de lettres et de chiffres, l'inscription a sans doute été réalisée par l'ouvrier marbrier du bourg, on doit retrouver la même au cimetière.
Fidel Castor ! J'vais l'dire à monsieur l'abbé (chuis sure que vous deviez être le genre de galopin à boire du vin de messe....
Je ne voyais aucune intention dans le mélange des corps de lettres ou de chiffres. Cela ne témoigne à mon avis que du faible niveau d'instruction du commanditaire (le curé) et de l'ouvrier. On aurait eu une inscription plus soignée dans une paroisse plus riche et surtout elle aurait été en latin, même à la fin du XIXe. La taille des caractères aurait été bien supervisée pour obtenir une harmonie d'ensemble (seuls deux petits mots sont en petits corps).
Bien sûr, la messe en latin existait encore à cette époque, mais il est peu sûr que le prêtre lisait couramment la Bible dans la Vulgate et il a dû se servir de sa Bible en langue vulgaire avant de passer commande. L'enseignement est autant historique que sociologique : on voit qu'il s'agissait d'une commune pauvre et cela n'étonne pas en Bretagne, on voit que la citation s'inscrit dans un courant très précis de l'Église catholique qui nous a par exemple donné cet immondice qu'est le Sacré-Cœur.
On peut faire parler les inscriptions obscures, les vieilles pierres.
Dominique: les prêtres savaient tous le latin,pour l'avoir appris au petit séminaire non ? D'ailleurs, au XIXe s., tous ceux qui étaient allés au collège le savaient peu ou prou. Dans La Gloire de mon père, Pagnol ne parle-t-il pas d'épreuve de vers latins ? Quand cela a-t-il pris fin ?
Suzanne, les prêtres avaient certes appris le latin, mais combien le maîtrisaient au point de le parler ou de lire dans le texte ? Je crois bien peu et ceux qui y parvenaient pouvaient faire une belle carrière ecclésiastique. Exactement comme aujourd'hui. Les textes anciens sur le niveau d'éducation en latin des prêtres sont assez édifiants, les seuls à s'en sortir correctement sont les jésuites qui formaient une élite. Je parle après avoir lu une histoire du latin depuis la chute de l'Empire romain.
Pour l'épreuve de vers latins au baccalauréat, cela a existé encore jusque vers la Première Guerre Mondiale, après quoi on a changé cela en thème et version. Mais cela n'avait lieu que dans la section classique, une section dite moderne (en fait mathématiques, sciences et anglais ou allemand) était apparue vers 1890. Je signale aussi que les thèses de doctorat étaient doubles à cette époque : une principale en français, une secondaire et plus courte en latin. Cela ne concerne que quelques dizaines de personnes par an alors et les médecins sont dispensés des obligations des autres thésards.
Cela dit, les prêtres ayant suivi des études au petit séminaire ne passaient pas le baccalauréat et ils sortaient sans diplôme de leurs études, les instituteurs ayant suivi l'école normale (sans latin) comme le père de Pagnol avaient un diplôme différent du baccalauréat et ne pouvaient donc pas avoir normalement accès à l'université. On était dans la fabrication d'une sorte de prolétariat éducatif de masse, que ce soit du côté clérical ou du côté laïque.
Maintenant, demandez-vous combien d'élèves aujourd'hui ont appris l'anglais au collège et au lycée, tout en étant incapables de lire un texte ordinaire de la presse britannique.
On a un passage de la Genèse, ce qui est en effet fort peu évangélique et pour cause puisque ce n'est justement pas dans les Évangiles. Il aurait été mieux venu de coller une citation par exemple de la tentation de Jésus par Satan sur la montagne ou de la prière au Golgotha pour rappeler le combat de Jacob (mais cela se trouve aussi dans le Coran avec Mahomet dans le rôle de Jésus, mince !) C'est un peu bizarre comme ces livres se répètent... On revoit le même épisode dans trois ou quatre religions différentes, exactement comme sur les chaînes de la TNT !
Le catholicisme de la fin du XIXe s. est traversé par deux courants principaux : l'un progressiste et social issu de Lamennais qui va conduire au Sillon, puis plus tard à la démocratie chrétienne, à la JOC-JAC-JEC, etc. C'est alors très évangélique. L'autre profondément réactionnaire et de style accusateur qui estime qu'il faut se flageller parce que l'on est victime d'une sorte de châtiment divin (cela dérive ensuite en antisémitisme lors de l'affaire Dreyfus). C'est le courant issu de Joseph de Maistre et de Xavier de Bonald. Je trace cela à gros traits, c'est très caricatural. Le courant réactionnaire s'est appuyé sur des textes qui pouvaient susciter la terreur, parce que c'est un mouvement qui s'est construit contre la Révolution française et il a pris ce qui pouvait susciter la terreur chez les protestants qu'ils combattaient (c'est la théorie de la triangulation avant la lettre), donc en allant piocher dans l'Ancien Testament que les catholiques ne lisaient pas auparavant. On se situe à ce moment dans une campagne de ré-évangélisation et de conversions d'incroyants ou d'infidèles. Comme en outre, on est en Bretagne, terre profondément réactionnaire et arriérée par essence à l'époque...
Maintenant, cela peut paraître obscur, mais cela avait un sens alors. Fallait faire peur !
Cette église-là mon vieux, elle est terrible !
RépondreSupprimerHé, r'garde un peu, c'te vieill' bâtisse :
RépondreSupprimerC'est la plus bell' de tout l'quartier
Et mon plus grand désir c'est d' y entrer,
Elle attir' mes amis, mêm' les circoncis,
Pourtant son dieu m'donn' pas l'impression d'exister...
Mais tout ceci ne m'empêch' pas de penser :
« Cette églis'-là, mon vieux,
Elle est terrible ! »
Jeannot Alibert, Elle est terrible
(Bon, j'arrive après ce bon Mala, à ce que je vois... Serai-je donc à jamais le Poulidor des blogues ?)
Chieuvrou et Malavita: merci pour le duo! (quand on fait rire, on a des remises de temps de purgatoire, parait-il)
RépondreSupprimerTrop cool, la marche christique !
RépondreSupprimerJe trouve que le christ en croix préfigure d'avantage une pancarte pour une location de delta plane .
RépondreSupprimerCe qui est surtout terrible, c'est l'embrouillamini de petites, grandes et très grandes capitales. Vu la graphie, cela doit dater du XIXe ou du XXe s. et on se demande pourquoi certains sont en petites capitales.
RépondreSupprimerEn outre, la manière de citer un verset biblique est des plus étranges. La taille des chiffres arabes est bizarre, on n'utilise pas de grands et petits chiffres arabes, mais des grandes capitales en chiffres romains pour les livres, des petites en romains pour les chapitres, des chiffres arabes pour les versets.
La référence au passage de la Genèse est aussi un peu surprenante, il n'y a pas de maison de Dieu, de temple dans ce livre. Cela n'arrive qu'après le Pentateuque (ou la Torah comme on veut).
Mais cela se réfère au combat de Jacob avec l'Ange.
http://www.rennes-le-chateau-archive.com/index.htm?id=eglise_mm_presentation.htm
De là à transposer le combat des croyants en train de se confesser ou de battre leur coulpe à celui de Jacob. Hum... Il y a une dimension sulpicienne qui me fait pencher pour la fin du XIXe s. Le catholicisme était alors fort repentant.
Bingo, Dominique! C'est bien à la fin du XIXe s.que cette église (Messac, Ille-et-vilaine) a vécu ses dernières transformations. Je ne sais pas si la plaque est d'origine, ou si elle a été restaurée, refabriquée, avec cet embrouillamini de lettres qui vous étonne. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté particulière dans l'utilisation du mélange de lettres et de chiffres, l'inscription a sans doute été réalisée par l'ouvrier marbrier du bourg, on doit retrouver la même au cimetière.
RépondreSupprimerFidel Castor ! J'vais l'dire à monsieur l'abbé (chuis sure que vous deviez être le genre de galopin à boire du vin de messe....
Je ne voyais aucune intention dans le mélange des corps de lettres ou de chiffres. Cela ne témoigne à mon avis que du faible niveau d'instruction du commanditaire (le curé) et de l'ouvrier. On aurait eu une inscription plus soignée dans une paroisse plus riche et surtout elle aurait été en latin, même à la fin du XIXe. La taille des caractères aurait été bien supervisée pour obtenir une harmonie d'ensemble (seuls deux petits mots sont en petits corps).
RépondreSupprimerBien sûr, la messe en latin existait encore à cette époque, mais il est peu sûr que le prêtre lisait couramment la Bible dans la Vulgate et il a dû se servir de sa Bible en langue vulgaire avant de passer commande. L'enseignement est autant historique que sociologique : on voit qu'il s'agissait d'une commune pauvre et cela n'étonne pas en Bretagne, on voit que la citation s'inscrit dans un courant très précis de l'Église catholique qui nous a par exemple donné cet immondice qu'est le Sacré-Cœur.
On peut faire parler les inscriptions obscures, les vieilles pierres.
Dominique: les prêtres savaient tous le latin,pour l'avoir appris au petit séminaire non ? D'ailleurs, au XIXe s., tous ceux qui étaient allés au collège le savaient peu ou prou. Dans La Gloire de mon père, Pagnol ne parle-t-il pas d'épreuve de vers latins ? Quand cela a-t-il pris fin ?
RépondreSupprimerSuzanne, les prêtres avaient certes appris le latin, mais combien le maîtrisaient au point de le parler ou de lire dans le texte ? Je crois bien peu et ceux qui y parvenaient pouvaient faire une belle carrière ecclésiastique. Exactement comme aujourd'hui. Les textes anciens sur le niveau d'éducation en latin des prêtres sont assez édifiants, les seuls à s'en sortir correctement sont les jésuites qui formaient une élite. Je parle après avoir lu une histoire du latin depuis la chute de l'Empire romain.
RépondreSupprimerPour l'épreuve de vers latins au baccalauréat, cela a existé encore jusque vers la Première Guerre Mondiale, après quoi on a changé cela en thème et version. Mais cela n'avait lieu que dans la section classique, une section dite moderne (en fait mathématiques, sciences et anglais ou allemand) était apparue vers 1890. Je signale aussi que les thèses de doctorat étaient doubles à cette époque : une principale en français, une secondaire et plus courte en latin. Cela ne concerne que quelques dizaines de personnes par an alors et les médecins sont dispensés des obligations des autres thésards.
Cela dit, les prêtres ayant suivi des études au petit séminaire ne passaient pas le baccalauréat et ils sortaient sans diplôme de leurs études, les instituteurs ayant suivi l'école normale (sans latin) comme le père de Pagnol avaient un diplôme différent du baccalauréat et ne pouvaient donc pas avoir normalement accès à l'université. On était dans la fabrication d'une sorte de prolétariat éducatif de masse, que ce soit du côté clérical ou du côté laïque.
Maintenant, demandez-vous combien d'élèves aujourd'hui ont appris l'anglais au collège et au lycée, tout en étant incapables de lire un texte ordinaire de la presse britannique.
Dominique: oui, vous avez certainement raison. En tout cas, le lieu "terrible" ne s'accorde pas trop avec le message évangélique.
RépondreSupprimerOn a un passage de la Genèse, ce qui est en effet fort peu évangélique et pour cause puisque ce n'est justement pas dans les Évangiles. Il aurait été mieux venu de coller une citation par exemple de la tentation de Jésus par Satan sur la montagne ou de la prière au Golgotha pour rappeler le combat de Jacob (mais cela se trouve aussi dans le Coran avec Mahomet dans le rôle de Jésus, mince !) C'est un peu bizarre comme ces livres se répètent... On revoit le même épisode dans trois ou quatre religions différentes, exactement comme sur les chaînes de la TNT !
RépondreSupprimerLe catholicisme de la fin du XIXe s. est traversé par deux courants principaux : l'un progressiste et social issu de Lamennais qui va conduire au Sillon, puis plus tard à la démocratie chrétienne, à la JOC-JAC-JEC, etc. C'est alors très évangélique. L'autre profondément réactionnaire et de style accusateur qui estime qu'il faut se flageller parce que l'on est victime d'une sorte de châtiment divin (cela dérive ensuite en antisémitisme lors de l'affaire Dreyfus). C'est le courant issu de Joseph de Maistre et de Xavier de Bonald. Je trace cela à gros traits, c'est très caricatural. Le courant réactionnaire s'est appuyé sur des textes qui pouvaient susciter la terreur, parce que c'est un mouvement qui s'est construit contre la Révolution française et il a pris ce qui pouvait susciter la terreur chez les protestants qu'ils combattaient (c'est la théorie de la triangulation avant la lettre), donc en allant piocher dans l'Ancien Testament que les catholiques ne lisaient pas auparavant. On se situe à ce moment dans une campagne de ré-évangélisation et de conversions d'incroyants ou d'infidèles. Comme en outre, on est en Bretagne, terre profondément réactionnaire et arriérée par essence à l'époque...
Maintenant, cela peut paraître obscur, mais cela avait un sens alors. Fallait faire peur !