"Que fait l'homme du XXème siècle ? Il détache la vignette. Au rasoir, aux ciseaux, parfois avec ses ongles. Il laisse pousser ses ongles exprès. Il passe une lame sous la vignette et fait levier. C'est pour essayer de l'arracher. Mais elle tient bon. On ne la cueille pas à si peu de frais. Elle est fixée par deux prolongements latéraux, gommés, au paquet de pharmacie. On a gagné si on la détache et si on réussit à la coller ensuite presque complète sur une ordonnance de médecin. Ce n'est pas facile : où serait le plaisir ?
Mais si on réussit, les Assurances Sociales, impressionnées, remboursent à l'homme du XXème siècle un prix écrit sur la vignette en caractères lilliputiens. C'est pourquoi l'homme du XXème siècle s'acharne et s'y prend de cent façons. Avec patience, avec méthode, avec des précautions immenses.
Ensuite plus vite et avec moins de méthode ; avec une audace téméraire. Enfin avec acharnement. Pour que ce soit moins facile la gomme des prolongements a débordé sous la vignette elle-même. L'homme du XXème siècle la mouille, la gratte, la frotte, la lèche, la passe frénétiquement à l'éponge métallique, à l'émeri, à la paille de fer. Il la retire en boulettes humides et en miettes molles, qu'il fait sécher, déploie, triture, englue de gomme arabique, répand sur ses vêtements et jette finalement au panier dans un grand geste d'impuissance s'il parvient à les décoller des mille endroits où elles adhèrent à sa cravate, à ses semelles et à ses moustaches. Ainsi vit l'homme du XXème siècle, arrivé, depuis l'âge du singe, où il vivait, avouons-le, au hasard, privé de vignette, de branche en branche et de caverne en arbre à pain, à l'ère présente de la vignette, au sommet de l'arbre, pour ainsi dire, d'où il contemple l'horizon."
Mais si on réussit, les Assurances Sociales, impressionnées, remboursent à l'homme du XXème siècle un prix écrit sur la vignette en caractères lilliputiens. C'est pourquoi l'homme du XXème siècle s'acharne et s'y prend de cent façons. Avec patience, avec méthode, avec des précautions immenses.
Ensuite plus vite et avec moins de méthode ; avec une audace téméraire. Enfin avec acharnement. Pour que ce soit moins facile la gomme des prolongements a débordé sous la vignette elle-même. L'homme du XXème siècle la mouille, la gratte, la frotte, la lèche, la passe frénétiquement à l'éponge métallique, à l'émeri, à la paille de fer. Il la retire en boulettes humides et en miettes molles, qu'il fait sécher, déploie, triture, englue de gomme arabique, répand sur ses vêtements et jette finalement au panier dans un grand geste d'impuissance s'il parvient à les décoller des mille endroits où elles adhèrent à sa cravate, à ses semelles et à ses moustaches. Ainsi vit l'homme du XXème siècle, arrivé, depuis l'âge du singe, où il vivait, avouons-le, au hasard, privé de vignette, de branche en branche et de caverne en arbre à pain, à l'ère présente de la vignette, au sommet de l'arbre, pour ainsi dire, d'où il contemple l'horizon."
Alexandre Vialatte - Chroniques
C'est publié au Journal Officiel et dans le Quotidien du Médecin, il y a cinq jours... C'est sûr et certain maintenant, fini : il n'y aura plus jamais de vignette. ( Et c'est ainsi qu'Allah est grand !)
Putain ! Mais vous êtes réac même pour des conneries.
RépondreSupprimerMais non !
SupprimerIl y avait cette chronique de Vialatte, qui a été écrite voilà cinquante ans, et la fin des vignettes au profit du code-barres... Il va de soi que personne ne regrettera la vignette, voyons !. Quant à la référence à Allah... N'y voyez rien de religieux, Vialatte finissait ainsi les chroniques qu'il écrivait pour le journal La Montagne .
"à partir de 1952, il publie à rythme hebdomadaire un peu moins de 900 chroniques dans le quotidien de Clermont-Ferrand, La Montagne, avec une entière liberté quant au sujet et qu'il rédige sur un ton original. Il y donne libre cours à sa fantaisie. 30 ans après sa mort, l’ensemble sera réuni par son fils, Pierre, dans une édition grande et magnifique car presque intégrale, comprenant jusqu’aux non-publiées (ainsi le total passe de 888 à 898 ; 3 seulement y manqueraient). Toutes s'achèvent par une formule fameuse, devenue un des mots de passe des Vialattiens : « Et c'est ainsi qu'Allah est grand », sans rapport avec le sujet de l'article, mais témoignant de son humour particulier et anti-conventionnel. Parmi la masse de ses articles billets et chroniques, cette chute récurrente permet de distinguer à coup sûr celles qui sont parues dans La Montagne." (Wikipedia)
Allons, allons, Vialatte était bien islamophobe, le lecteur attentif ressent parfaitement à la lecture de ce texte, la volonté de l'auteur de mettre sur un même plan, la gomme arabique et les Arabes à la gomme.
SupprimerCoach Berny, maintenant que vous le dites.... deux références à l'islam, ça fait quand même beaucoup...
RépondreSupprimer(Je ne cause plus d'islam ni d'Allah ni de toutes ces conneries, même par allusion subliminales, je censure au besoin mes moindres citations pendant mes dix prochains billets. Je ne fais pas allusion au passé, qui n'était pas mieux, et encore moins au futur d'avant, qui manquait pourtant singulièrement d'avenir. Le prochain qui me traite de réac, je le vitrifie. Croix de bois, croix de fer...)
L'homme du XXI ème siècle n'est pas mieux loti, à qui on doit expliquer Vialatte et ses formules.
RépondreSupprimerMerci pour ce billet, je suis lectrice du sus-nommé depuis fort longtemps (le XXème, je crois bien).
Mère Castor a bien raison. On voit par là que les tourbillons -enfin, les tourbillonnets- politiques affectent moins l'humeur des femmes cultivées (et néanmoins tricoteuses) que celle des généalogistes batavophiles qui n'ont pas lu Vialatte, hélas.
RépondreSupprimerNe pas avoir lu Vialatte n'est-il pas une punition en soi ?
RépondreSupprimer