Voici trois courts extraits de mes dernières lectures.
Qui saura reconnaître ou deviner les auteurs ? J'ai remplacé les noms propres par des initiales.
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Ils avaient ri de bon cœur, mais le religieux, en retour, avait interrogé l’écrivain : « Et vous ? Ce n’est sans doute pas votre première visite à un couvent ? N’avez-vous donc jamais souhaité d’y entrer ? »
Là encore, la réponse avait fusé avec une simplicité confondante et A. ne l’avait jamais oubliée. Mon couvent, c’est le monde, avait dit l’écrivain ; le moine, à son tour, avait ri, et dit qu’il comprenait très bien.
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A onze heures, quand les ouvriers revinrent de la plantation, il les fit assembler dans son jardin, devant la véranda. Tous les hommes valides étaient présents, y compris ceux qui aidaient à l’hôpital ; même les femmes et plusieurs négrillons étaient alignés avec les autres sur deux rangs – une horde de sauvages nus, un peu moins de deux cents personnes. Outre leurs ornements de grains, de nacre et d’os, leurs oreilles et leurs narines percées étaient surchargées d’épingles de sûreté, de clous, d’épingles à cheveux, de clous, de poignées rouillées de casseroles et d’ouvre-boites pour le corned beef. Certains portaient, par précaution, des canifs dans leurs tignasses crépues. Sur la poitrine de l’un d’entre eux était suspendu un bouton de porte en porcelaine, sur celle d’un autre, la roue de cuivre d’un réveille-matin.
Face à eux, cramponné pour se soutenir, à la balustrade de la véranda, se dressait le Blanc malade. N’importe lequel d’entre eux aurait pu le renverser d’une chiquenaude de son petit doigt. En dépit de ses armes à feu, une ruée simultanée de la bande l’aurait terrassé ; ils se seraient rendus maîtres de sa tête et de sa plantation. La haine la soif du meurtre, le désir de vengeance débordaient de leurs cœurs ulcérés. Mais il leur manquait totalement ce que lui possédait : la maîtrise de soi, une flamme que rien ne pouvait éteindre, même dans ce corps dévasté par la maladie et qui, plus ardente que jamais, était toujours prête à jaillir pour les brûler et les marquer de son courroux.
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- C’est à V. ,que je tourne.
- Et vous allez où, après ?
- Je ne sais pas
- Vous savez pas ?
- Ben non… Pas exactement. Par là, plus où moins loin…
Il montre vaguement une direction dans le paysage, sur la gauche de la route, en avant. Ce sont des pays de demi-brume et de vieilles forêts, de champs cois et de hauts clochers pointus, par-dessus des épaississements de haies. Elle dit :
- Vous êtes marrant, vous…
- Ah oui ?
- Non, c’est vrai. C’est la première fois qu’je rencontre un type qui ne sait pas où il va.
- Ah bon ? J’aurais cru que ça ne manquait pas, pourtant…
A. Ne répond pas et tourne la tête vers sa vitre, à droite, comme si elle regardait le paysage, mais sans rien voir du tout. Oui, d’un autre côté, il n’a pas tort, son chauffeur. Des types qui ne savent pas où ils vont, elle en connait. Mais c’est plutôt du côté mental, si on veut, pas quand ils se déplacent en vrai.
- Et vous allez où, après ?
- Je ne sais pas
- Vous savez pas ?
- Ben non… Pas exactement. Par là, plus où moins loin…
Il montre vaguement une direction dans le paysage, sur la gauche de la route, en avant. Ce sont des pays de demi-brume et de vieilles forêts, de champs cois et de hauts clochers pointus, par-dessus des épaississements de haies. Elle dit :
- Vous êtes marrant, vous…
- Ah oui ?
- Non, c’est vrai. C’est la première fois qu’je rencontre un type qui ne sait pas où il va.
- Ah bon ? J’aurais cru que ça ne manquait pas, pourtant…
A. Ne répond pas et tourne la tête vers sa vitre, à droite, comme si elle regardait le paysage, mais sans rien voir du tout. Oui, d’un autre côté, il n’a pas tort, son chauffeur. Des types qui ne savent pas où ils vont, elle en connait. Mais c’est plutôt du côté mental, si on veut, pas quand ils se déplacent en vrai.
au hasard n°2 : Karen Blixen ? (que je n'ai pas lue)
RépondreSupprimerCiel, mais c'est mon avatar su twitter et facebook.
RépondreSupprimerle 2 je dirais Céline.
Olympe: Picasso, Lectrice...
RépondreSupprimerNon, Plouc et Olympe.
Mon écrivain est né dix ans avant (à peu près) mais n'a pas eu la longévité de Blixen.
Je sèche lamentablement. Même si chacun des trois me dit quelque chose…
RépondreSupprimerLe n°3, ce ne serait pas un extrait de "Loin", roman de Renaud Camus, je n'ai pas le livre ici à Marseille, alors je ne peux pas vérifier…
RépondreSupprimer(n°2) : Au cœur des ténèbres ?
RépondreSupprimerJe voterais pour Herman Hesse, joseh Conrad et Thomas Mann pour le troisième extrait... Geargies
RépondreSupprimerLe 1, Lanza del Vasto
RépondreSupprimerLe 2, Sommerset Maugham
Le 3, aucune idée.
Le 1 Matthieu Ricard, le 2 Naipaul ?
RépondreSupprimerje dis Conrad, au coeur des ténèbres, pour le 2. Le reste, je ne sais pas.
RépondreSupprimerBon, elle est où la taulière, là ?
RépondreSupprimerC'est vrai quoi, on meurt de (non pas de soif) mais d'impatience !
RépondreSupprimerJ'ai fait une recherche Google avec un extrait de chaque texte.
RépondreSupprimerGoogle est formel : c'est Suzanne, du Merle Moqueur, qui a écrit ces trois trucs.
Bon, alors:
RépondreSupprimerLe premier extrait vient de Rituels, de Cees Noteboom, écrivain catholique hollandais né en 1933. Court roman dont les thèmes sont Dieu, l'amour, l'art et le suicide, rien que ça.
Le deuxième, c'est Jack London dans L'aventureuse, paru en bibliothèque verte (et dans d'autres éditions depuis)! C'est un roman féministe, où l'héroïne se dit l'égale des hommes et ne supporte aucune mâle domination ou contrainte, et c'est un roman absolument raciste, dans lequel les sauvages des îles Salomon se situent en bas de l'échelle humaine, sont décrits comme un bétail vicieux, et ne bénéficient en rien des idées socialistes de l'auteur.
Le troisième... ah, le troisième: Emma a raison, mais raison comme si elle disait qu'une date fourrée d'un pruneau, c'est du pruneau. Le texte est bien de Camus (dont je n'ai pas lu ce roman), mais il se trouve enchâssé dans un des Brigade Mondaine de Didier Goux, La femme qui s'éloigne.
Nicolas: gros malin, va ! j'ai vérifié avant !
RépondreSupprimerMon Dieu ! On apprend ici que Suzanne lit le blog de Didier Goux parce qu'il écrit les Brigade Mondaine. C'est une fan.
RépondreSupprimerNicolas: point point, c'est le seul que j'ai lu, et je l'ai lu pour voir comme il s'y était pris, justement. Je voulais lire après le roman de Camus, Loin, mais je n'apprécie pas beaucoup Camus romancier.
RépondreSupprimerMarguerite Duras avait fait un peu la même chose, avec ses nouvelles pour Nous Deux.
Eh ben, me suis bien planté.
RépondreSupprimerSaluons tout de même ce billet un tantinet littéraire, ce qui change des généralisations navrantes sur le monde.
L'exercice fut amusant, il serait sans doute très fructueux si les réponses pouvaient être argumentées !
Tzatza: c'est TRES difficile de reconnaître un auteur, d'après un extrait. Le premier texte aurait pu être écrit par tous les auteurs proposés, le deuxième était très Conrad, en effet, et le troisième, à moins de l'avoir lu...
RépondreSupprimer(2) : Les derniers jours de Laurent Blanc par Edwy Plenel & Fabrice Arfi (éditions Médiapart)
RépondreSupprimerMalavita: non au racisme dans le football! Un ballon sur deux sera noir désormais.
RépondreSupprimerNON AU FOOTBALL DANS LE RACISME !!!
RépondreSupprimerSinon, je savais bien que j'avais lu le premier extrait il n'y avait pas si longtemps…
Quelle pitoyable chose qu'une mémoire humaine, tout de même !
D'autre part, le troisième extrait n'est pas entièrement de Camus : il y a des phrases de lui et d'autres de moi. En fait, plutôt que votre métaphore du pruneau, j'aurais plutôt employé celle du cake aux fruits confits…
RépondreSupprimer"pays de demi-brume et de vieilles forêts, de champs cois et de hauts clochers pointus",
RépondreSupprimerQui a écrit ces mots, qui m'ont fait penser au doux René-Guy Cadou? :
Car j'aime ce village emmuré de forêts
Et ses très vieilles gens comme des pots de grès
je suis déçue quand même d'apprendre que votre culture a pour origine la lecture des BM !
RépondreSupprimerCette phrase-là, en effet, c'est lui…
RépondreSupprimerBon, j'ai seche. De toutes les facons, des 3 auteurs je ne connaissais que Jack London, et encore, pas lu celui-la.
RépondreSupprimerAvez vous remarque un truc, d'ailleurs formidable, avec les lectures: vous avez beau etre gros lecteur, vous ne lisez jamais les memes livres qu'un autre gros lecteur ? (sauf evidemment si on ne lit que les prix litteraires et les listes meilleures ventes de l'express)
Encore plus difficile qu'une degustation de vin a l'aveugle, cet exercice!
Bombay Magic: je viens d'aller faire un petit tour sur votre blog: la photo de la pharmacie est extraordinaire!
RépondreSupprimerEt, oui, vous avez raison pour les gros grands lecteurs, mais il y a tant de livres !