vendredi 7 janvier 2011

Cachez ce nègre que je ne saurais voir




Ce matin, dans L' 'invité des matins de France-Culture :

Robert Darnton : "on ne dit pas "nègre", mais "afro american", le mot "nègre" est défendu"

Le journaliste: "et oui mais pourtant, vous savez, que des nouvelles éditions américaines des écrits de Mark Twain sont expurgées du mot "nègre". Le New York Times se dit horrifié, de nombreuses personnes ont réagi en disant qu'on dénature l'écriture de Mark Twain dans la mesure où le mot "nègre" a été remplacé par le mot "esclave", par exemple, c'est dans la nouvelle version de "Huckleberry Finn". Jim, l'ami du personnage principal, n'est plus nègre, mais esclave. Joe l'indien, Injun jJoe, n'est plus appelé Injun Joe mais Indian Joe. Le NY T, dans un éditorial jeudi dernier, écrivait "nous sommes horrifiés, nous pensons que la plupart des lecteurs puristes ou non le seront tout autant, il est impossible de nettoyer Twain sans causer de dégats irréparables à son oeuvre."
Le taducteur, Alan Griben, a justifié son geste en disant que le climat culturel dans lequel nous vivons est totalement différent de celui qui prévalait à l 'époque de la publication des ouvrages à la fin du XlXe siècle."

20 commentaires:

  1. Ce qui est drôle, c'est que nos antiracistes de profession montrent de plus en plus clairement, jour après jour, que ce sont eux, les obsédés de la race.

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  2. C'est d'autant plus ridicule que le mot "nègre" est employé par nombre de penseurs ou d'auteurs noirs. On pense bien évidemment à Césaire.

    Tout le monde devrait pouvoir faire la différence entre le mot "nègre" qui n'est en rien péjoratif et son corollaire insultant "négro"...

    Bon...

    C'est du n'importe quoi, mais ce serait faire un peu vite le procès des antiracistes. Il s'agit d'un mouvement plus large, un mouvement que je qualifierais d'hygiéniste : Lucky Luke machant un épi ou Tati privé de sa pipe...

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  3. Didier: mais oui ! Et là, c'est tellement gros que tout le monde s'indigne et rigole.

    Dorham; c'est fou, parce que ça supprime la notion de bienveillance ou de neutralité préalables dans tout, ou presque tout, ce qu'on peut dire. ça oblige à des tas de paraphrases, de rectifications, pour dire des évidences. Et on ne parle pas de la race redoutable des refaiseurs d'Histoire.

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  4. Les auteurs, aujourd'hui, sont obligés de se justifier d'à peu près tout. Faites un personnage vaguement pédophile, faites un communiqué pour dire que vous n'êtes pas pédophile mais que c'est le personnage qui l'est.

    Je regarde une très bonne série qui s'intitule Mad Men. Cela se passe dans les années 60. Tout le monde fume comme des pompiers, les familles font des pique-nique et balancent leurs ordures dans la nature, on en vient presque à trouver cela effarant tant nous sommes harcelés par l'hygiénisme.

    C'est oublier quelque chose : une loi ou une convention ne l'est en soi que lorsqu'elle est librement consentie et acceptée. On peut créer des lois pour contraindre les individus mais quelque chose en eux les tient absolument à l'écart. Du coup, le bien devient son propre ennemi, puisqu'il s'éxonère de sens.

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  5. Dorham: eh bien c'est chiant, parce que tout le monde, ou enfin tous ceux qui parlent en public, n'y coupent pas.
    Je pense à Finkielkraut, par exemple, qu'on ne peut pas accuser d'antiracisme d'extrême-gauche mrapiste. Il commentait, avec son auteur si mes souvenirs sont bons, une biographie de Toulet. Et de rappeler, encore et encore, que Toulet était nettement je ne sais plus quoi, antisémite ou homophobe, et que, bien entendu, l'amour qu'on pouvait avoir pour Toulet n'impliquait pas qu'on partage ces penchants ou idées-là, etc. Comme si ce n'était pas EVIDENT. Ou comme si ça ne l'était plus ?

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  6. Il convient de préciser que, dans l'émission de ce matin, Robert Darnton a tenu à dire qu'il trouvait lui aussi cette mesure non seulement grotesque mais encore dangereuse, et d'autant plus absurde, a-t-il ajouté, que Mark Twain était un défenseur passionné des Noirs, attitude qui était loin d'être partagée par l'ensemble de ses compatriotes à l'époque.

    (Pas mal non plus, dans un autre genre, ce que j'ai cru entendre, d'une oreille il est vrai distante, il y a une vingtaine de minutes au journal de 13 h de France Inter, de la part d'une personne jointe par téléphone : « Les Antillais sont enfants de la République depuis le XVIe siècle. »)

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  7. Chieuvrou : oui, c'est vrai, et tout l'entretien avec cet homme-là est intéressant (suivre le lien que je donne dans le billet)
    Je me demande qui peut approuver ce traducteur.
    ,« Les Antillais sont enfants de la République depuis le XVIe siècle. »
    Ha ha ha ! ça me rappelle un petit reportage sur une école Freinet. Deux fillettes aux joues rondes faisaient un exposé sur les hommes préhistoriques, et les enfants de la classe posaient des questions, auxquelles elles répondaient avec une gravité de conférencier du Collège de France.
    Quand un enfant a demandé "est-ce que les hommes préhistoriques savaient lire et écrire", l'une des fillettes a répondu sans hésiter "Bien sûr, puisqu'ils étaient français".

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  8. Il a raison Dorham, c'est comme faire la différence entre juif et feuj, négro et nègre, ça n'a rien à voir.

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  9. Et même sans aller chercher un Darnton dont je n'ai jamais entendu parler, dire qu'il y en a qui veulent faire interdire Tintin au Congo pour a peu près les mêmes raisons !
    Dieu qu'ils sont cons, pas d'autre mot , désolé

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  10. OUPS, pardon, on dirait que je me suis trompée de billet ... mais peut-être que les nègres littéraires ressortent aussi de la naphtaline des textes qu'ils affirment ensuite avoir fraîchement pondu, à un "auteur" pas trop regardant ?

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  11. Info: Darnton: prof de Princeton, diplômé d' Harvard et présentement directeur de ses bibliothèques, est un spécialiste de la philosophie des Lumières et des Encyclopedistes. Et de la Librairie de ce temps c'est à dire production et diffusion des œuvres imprimées de ce 18ème tant aimé des hommes épris de liberté ...

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  12. Corto et Solveig : oui.

    Geargies: oui, mais comme le précise Chieuvrou, dans l'entretien, Darnton dit qu'il trouve cette démarche ridicule.

    Quand j'étais enfant, j'ai lu un livre de London, "L'aventurière", dans lequel il y a d'abominables descriptions de sauvages noirs qui ont tous les défauts de la terre.
    Et, comme le dit Didier, voir qui sont les obsédés de la race. Quand on l'est au point de ce traducteur (mais peut-être était-ce une demande de l'éditeur ?) c'est bizarre.

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  13. D'accord avec vous, les obsédés de la race sont bizarres, un peu comme ces puritains qui voyaient du sexe partout, au point de vouloir voiler les pieds de fauteuils aux formes trop évocatrices.

    Vous avez lu La tache de Philip Roth ?

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  14. Oui, je ne l'ai pas précisé mais ça me semblait évident qu'il trouvait cette substitution sémantique que je n'ai pas repris l'info!

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  15. C'est terrible cette histoire, c'est un peu du révisionnisme en l'envers, non, quelque part ? Réécrire un auteur (récent de plus, on ne parle pas de Chrétien de Troyes là), c'est inquiétant, c'est même un peu faire insulte aux gens, les pensants incapable de prendre du recul sur la langue, la littérature, l'Histoire...

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  16. Tenez, après votre billet, je suis allé recherché dans Google, et vois que cette nouvelle fait son petit buzz. J'ai lu cet article chez P.Assouline, et j'en sors déprimé...

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  17. Balmeyer: allons donc, voilà qu'Assouline m'emboite le pas... (non, je plaisante, beaucoup en ont parlé après avoir lu ou entendu parler deux qui ont lu ou entendu parler de l'article du NYT.)
    C'est fou, hein ? (et je constate qu'on s'engueule toujours autant chez Assouline)

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  18. Tenez, cette histoire me fascine, regardez ce sympathique cartoon, qui fait référence à l'utilisation du mot "Nigger" par les rappeurs américains.

    Dans la même veine, le dessin en fin d'article, où est parodiée l'étiquette "explicit content", cet avertissement sur les CD à propos des gros mots, procédé qui s'est vu détourné comme argument de vente (genre c'est du rap sérieux avec des gros mots)...

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  19. Balmeyer: merci! Très bon, le dessin...

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Modération parfois, hélas, mais toujours provisoire, ouf.