Supposons un club de loisirs pour enfants de cinq à quinze ans, géré par une association déclarée.
Supposons que ce club soit catholique. Il serait écrit dans le règlement intérieur que les salariés de cette association doivent avoir, en toute circonstance, une tenue correcte définie par une certaine longueur des jupes, le ventre ou le torse couvert et la tête nue. Il serait écrit qu'en temps de Carême, les repas servis aux enfants seront légers, sans viande et sans gourmandises. Il serait écrit que lors des activités artistiques, on s'intéressera beaucoup à l'expression du catholicisme dans tous ses états. Il serait écrit que la messe est souhaitable pour tous, et que les visites de lieux sacrés sont obligatoires.
Ce serait parfaitement légal. Dès lors, tout membre du personnel n’adhérant pas au règlement commettra une faute pour laquelle il risquera le licenciement. Un directeur pourra, de fait, discriminer à l'embauche en vertu de l'aspect confessionnel de l'entreprise.
Supposons un club de loisirs musulman, maintenant. Avec un règlement intérieur ad hoc. Pratique de la prière, nourriture halal, fillettes voilées aux jambes couvertes. Une animatrice se présentant non-voilée ou sortant de son sac un sandwich au jambon se fera mettre à pied sur le champ; la loi donnera raison à son employeur. On n'embauchera pas un non-musulman, évidement. Tout ceci est admis dans une entreprise privée.
Supposons un club de loisirs géré par une association dont le règlement intérieur promeut le non-affichage d'opinions politiques ou de signes religieux, sans distinction aucune. Supposons qu'un jour un des animateurs chantonne des chants de messe toute la journée en embrassant une lourde croix pectorale ballotant aux yeux de tous, et qu'une animatrice musulmane vienne voilée de noir de pied en cap. Eh bien il n'y a aucune réprimande, aucun recours possible, en vertu de la loi qui interdit la discrimination religieuse dans les entreprises privées. Les club de loisirs catholiques ou musulmans peuvent tant qu'il veulent renvoyer quelqu'un qui ne respecterait pas leur religion ou, pire, se mettrait à en afficher une autre, mais une entreprise n'a aucune chance de voir respecté un quelconque désir de neutralité. La laïcité est le privilège de l'Etat, et les non-croyants n'ont aucun moyen de se définir et de faire valoir un droit au silence religieux qui n'existe que dans la sphère publique. Les directeurs n'ont pas le droit de les licencier, les parents sont juste libres de retirer leurs enfants.
Les Français ne sont donc pas tous égaux en droit sur ce chapitre, et c'est bien dommage. Il faudrait changer cela pour donner les mêmes droits aux non-croyants (et à tous les croyants qui privilégient une foi non prosélyte et ostentatoire).
L'affaire Baby Loup montre que la loi, qui est censée protéger tous les citoyens, en privilégie une catégorie aux dépens d'une autre, sans raison supérieure valable, et a donc une faille quelque part.
C'est très bien expliqué sur le blog Mezetulle, dans un long article que je vous engage à lire attentivement.
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Vu sous cet angle, je ne peux être que d'accord.
RépondreSupprimerMais pourquoi supposes-tu qu'un centre de loisirs musulman obligerait les fillettes à être voilées et les jambes couvertes?
C'est juste une supposition. On peut remplacer "fillettes" par "animatrices"
RépondreSupprimerEn fait, j'ai vu un jour une troupe de scouts musulmans, toutes les petites filles avaient la tête couverte et des leggins sous leur jupe, ça m'a frappé.
(l'autre réponse, c'est "c'est par anti-islamisme primaire qui me fait recourir aux stéréotypes les plus remâchés!)
(Dorham va me demander si je connais beaucoup de catholiques qui arborent une croix pectorale de cinq kilos, en bois de houx hérissé de pointes acérées)
Supprimerhuhuhu!
SupprimerMoi, je me souviens d'un truc aussi maintenant que j'y repense. Je devais avoir 10 ans. J'étais en vacances d'été à la Plagne (inutile de te dire qu'il faisait 40° à l'ombre).
Nous barbotions allègrement dans un cours d'eau et il y avait avec nous des juifs orthodoxes en vacances. Les hommes étaient en costard, les femmes en perruques, jupes longues et collants, les fillettes idem, le tout en plein cagnard, et moi en maillot de bain suant à grosses gouttes.
C'est un peu du même acabit non?
Tout à fait aussi ridicule.
SupprimerCependant, la plage, les rivières... c'est public. Si on veut se baigner dans n'importe quel déguisement, ou ne pas se dévêtir, on peut.
SupprimerMaintenant imagine que tu confies ton bébé à une petite crèche de quartier associative, et que tu te retrouves face à ta bonne femme en perruque qui refusera de toucher la tranche de jambon de ton moutard...
Oui oui j'ai bien compris.
SupprimerJe suis d'accord je crois.
Tout à fait d'accord! Le prosélytisme islamiste a grignoté un nouveau morceau de laïcité.
RépondreSupprimerIl grignote en attendant le gros casse-croûte des indemnités.
SupprimerBon billet, je n'avais pas vu ça sous cet angle...
RépondreSupprimerIl faudrait que je fasse un billet sur la boite d'un de mes potes (un gros noir de la Comète). Il bosse pour une association privée catholique du 93... Ils ont des règles pour le recrutement de Musulmans comme animateurs, chefs de service et surtout Directeurs (ils sont missionnés par un évêque).
(il est Directeur de structure et est bien conscient d'avoir été choisi pour sa couleur, en plus de ses compétences).
chut, vous allez le mettre en délicatesse (smiley)
SupprimerJ'attends sa retraite (deux ou trois ans). Après on pourra taper.
SupprimerDans les hypothèses que vous évoquez de club de loisirs confessionnels, il faudrait savoir si les règlements intérieurs sont légitimes et si un employé viré pour y avoir contrevenu ne pourrait pas avoir gain de cause, comme dans le cas de la salariée de Babyloup.
RépondreSupprimerEn gros, dans le privé, je crois avoir compris que l'employeur pouvait exercer une certaine contrainte vestimentaire pour des raisons d'hygiène et de sécurité, et ça ne s'applique pas pour un hidjab dans une crèche.
Cela dit, politiquement je trouve l'histoire déplorable, mais dura lex, sed lex : il faut accepter l'arbitrage et préparer le match retour devant la Cour d'Appel.
Oui, la cour de cassation ne fait que son boulot. C'est la loi qu'il faut revoir.
SupprimerLes règlements intérieurs des entreprises dites "de tendance" (tendance confessionnelle) sont valables. Mais la laïcité ne peut être considérée aussi valable qu' une tendance, c'est le hic.
Imaginons qu'une puéricultrice refuse de couper le jambon du petit Jean-Noël, là ce serait peut-être une faute professionnelle, et si la directrice de Baby Loup n'avait pas fait une affaire de principe de l'accueil de tous les enfants par des adultes respectant une certaine neutralité, elle aurait peut-être pu la coincer... Mais elle a préféré agir comme s'il était évident que son refus du port de vêtements islamiques était légitime. Légitime, peut-être, mais illégal, certainement. Ce qui est anormal, c'est que la loi soit discriminante pour les non-croyants.
Mille fois bravo. Je n'avais pas pensé à ça. Je fonce de suite sur Mezetulle, excellent site s'il en est.
RépondreSupprimer... et qui mérite d'être encore plus connu et reconnu.
Supprimer@Suzanne,
RépondreSupprimerj'ai lu le papier de C.Kinzler, et j'en ai la même lecture que vous. Simplement, l'argument de la Cour de Cassation me semble réversible: puisque, contrairement à ce qu'on a pu croire jusqu'ici, la laïcité, donc la neutralité religieuse, n'est pas implicite, il suffit alors de changer le règlement intérieur pour préciser de façon EXPLICITE que la neutralité religieuse prévaut. A ce titre, une assistance maternelle ne pourra plus se présenter voilée (ou en tenue de nonne, tant qu'à faire...) sur le lieu de travail.
En clair, cet décision de la Cour de Cassation est pernicieuse car, pour maintenir un minimum de neutralité religieuse dans l'entreprise, il faudrait que les règlements intérieurs soient modifiés! Il serait temps que le législateur précise ce point lorsqu'il faudra changer le code du travail pour que la laïcité s'applique dans les entreprises qui n'ont pas spécifié de préférence confessionnelle... Le problème pourra aussi se produire dans les loisirs: ça me rappelle les ennuis d'un directeur d'un centre de vacances qui avait refusé deux femmes voilées au titre de la laïcité, qui a été débouté. La question se pose de la même façon.
Il est dommage qu'à cause d'une religion particulièrement prosélyte nous devions rendre explicite ce qui était tacitement accepté par tous. C'est bien la preuve que le combat pour la laïcité n'est pas d'arrière-garde.
CVT
"il suffit alors de changer le règlement intérieur pour préciser de façon EXPLICITE que la neutralité religieuse prévaut. "
RépondreSupprimerJe ne crois pas. C'était le cas pour le règlement de la crèche Baby Loup.
Voilà. Suzanne répond à Coralie mais pas à nous. Sexisme ! Stigmatisation ! Élitisme ! Santé.
RépondreSupprimerJ'ai répondu à tout le monde en commençant par le commentaire du bas. Espèce d'impatient !
SupprimerMon côté élitiste gauche caviard : je commence par le haut.
SupprimerC'est ce que je pense aussi: une catégorie de citoyens se retrouvent à avoir moins de droits que d'autres, puisque les non-croyants se retrouvent à devoir "subir" les croyants et leurs manifestations ostentatoires.
RépondreSupprimerJ'ai lu depuis le très intéressant article de C.Kinzler que vous donnez en lien et je pense qu'elle pointe parfaitement le problème. Elle indique à mon avis la bonne voie et la marche à suivre pour remédier à la faille juridique qui ouvre une brèche dans laquelle ces militante islamiques chercheront à s'engouffrer dans les temps à venir. C'est en effet sur ce terrain là qu'il est à mon avis nécessaire que les laïcs réagissent pour opposer un barrage implacable autant qu'efficace à l'offensive identitaire et religieuse militante et conquérante de ces femmes-là.
RépondreSupprimerEh oui. Je suis d'accord avec vos commentaires, à une nuance près: "offensive [...]de ces femmes-là." En effet, c'est toujours une femme qui s'affiche. Cependant, il faut voir la logistique qu'il y a derrière, la connaissance et l'utilisation des lois et de leurs failles, les demandes de réparations financières, etc. Les islamistes et leurs amis jouent à fond sur "on s'en prend à une pauvre femme pieuse qui se défonce pourtant dans son travail, juste à cause de ses convictions religieuses, alors que la loi l'interdit". Les problèmes posés par les tenues islamistes n'émergent que quand ce sont des femmes qui les portent. Elles sont les fers de lances du prosélytisme intégriste, et ce sont elles qui cristallisent tout le mal qu'on peut penser de leur idéologie totalitariste qu'on voit s'étendre dans le monde entier et se durcir inexorablement. Je ne les suppose en rien victimes (les enfants, oui, mais cette sorte de militante n'a rien de la victime, on n'en est plus là. ) Il n'y a jamais d'homme qui s'est pointé un jour au travail en tenue salafiste ? Pas à ma connaissance.
Supprimeril y avait Malek Boutih ce matin sur France Culture, qui préconisait l'application des lois sur la laïcité à toutes les entreprises travaillant pour l'enfance ou la jeunesse, de la crêche à l'université, sans disctinction public/privé. Il pense que c'est la seule solution pour lutter contre l'intégrisme et protéger les enfants. Cela ne gênerait pas davantage les non-intégristes que les lois sur les signes religieux à l'école. On prédisait une levée de réactions anti islamophobes, mais c'est passé comme une lettre à la poste sauf pour les musulmanistes touche-pas-à-ma-charia, les joyeux amis de Ramadan et de Quadarawi du Monde diplo.
Peut-être faudra-t-il en arriver là ?
Pour ma part, je voudrais juste qu'il soit possible à une entreprise privée quelle qu'elle soit d'établir un règlement intérieur calqué sur celui des services publics. Je ne vois pas pourquoi il serait périlleux pour la liberté, raciste, discriminatoire, de déclarer que dans l'espace de l'entreprise le personnel devra se montrer discret dans l'affichage de ses opinions politiques ou religieuses. C'était en gros le règlement intérieur de Baby Loup. L'avantage certain de ce droit serait qu'on n'hésiterait pas à embaucher des personnes qu'on n'embauche pas actuellement quand on se demande si du jour au lendemain elles ne vont pas venir voilées de pied en cap. Parce que, franchement, s'il ne s'agissait que d'un petit foulard, d'un turban non monumental,d'un pendentif quel qu'il soit, tout le monde s'en moquerait pas mal. Réflexion raciste de ma part ? Allons, les employeurs n'en veulent pas, des intégristes, des niqab, de ceux qui refusent de serrer la main à un collègue d'un autre sexe ou d'exposer leurs chevelure à la vue de bambins de trois ans... Qui en veut, d'ailleurs, à part ceux qui les soutiennent ? (peu nombreux, si on en croit les derniers sondages.)