dimanche 29 juillet 2012

Le voir et le dire

 J' hésite à  prendre des photos de gens dans la rue.
 S'il m'arrive de le faire, je demande souvent la permission, ou alors je  montre le cliché après et le détruis aussitôt si quelqu'un  fronce les sourcils. 
Hier j'avais chaud, je me suis assise sur un banc à l'ombre d'un coin de mur taggé sentant la pisse et le fond de poubelle, sur une place. 
Sur le banc d'en face se sont affalés trois jeunes clodos à chiens. Ils ont sorti de grandes canettes de bière vertes (de la Heineken ?) et des noires (là, je ne sais pas) qu'ils ont disposées autour d'eux comme des quilles. L'un d'eux est entré chez le marchand de journaux, un seau en plastique à la main, et quand il est ressorti le seau était plein. Il a donné à boire aux chiens, deux grosses bêtes bringées aux oreilles coupées au ras du crâne comme les mâtins  d'autrefois. J'aurais bien pris une photo. Le vert des canettes de bière aurait été  la seule couleur vive de la scène. Les hommes étaient bruns et gris comme leurs chiens, avec des vêtements bruns et gris, devant des murs bruns et gris et sur une place sans une fleur, bordée par  d'anciens  commerces aux devantures passées.  J'ai pensé à des golems directement tirés du trottoir, du pavé sale de la rue. L'un d'eux avait des mitaines de cuir noir malgré la chaleur, et des centaines de piercings un peu partout. Ceux de la commissure des lèvres avaient infecté la joue et la bouche, gonflées. Du pus suintait. La bière moussait sous les anneaux des lèvres et du menton, se mêlait à la salive noircie que filtrait  un mégot renforcé par du papier maïs.  Le jus mélangé gouttait sur la cuisse nue du gars qui portait un short militaire et des rangers lacées jusqu'à mi-mollet. La grande   chienne au regard doux  lui léchait la cuisse et lapait ce qui arrivait  à terre. 
Une femme énorme a surgi par l'entrée nord de la place. Vraiment énorme. Elle marchait avec difficulté, en balançant ses ventres en cascade un coup à droite, un coup à gauche. Ses cheveux avaient dix centimètres de racines blanches et se collaient en cordelettes roussâtres qui se balançaient sur ses épaules. Un chien minuscule et  très gras l'accompagnait, attaché par une longue ficelle. Il marchait à distance respectueuse de sa maîtresse, et je le comprenais. Mieux valait ne pas se trouver sous un des pieds de cette lourde dame. Les molosses se sont mis à grogner, à baver.  Le minuscule cabot et la grosse femme sont passés au ras de leurs mufles sans incident, ont atteint la sortie sud de la place et ont disparu. Les clochards et la grosse femme n'ont pas échangé un mot. Ils tenaient leurs chiens, elle ne tournait pas la tête et regardait droit devant elle.
Je peux raconter tout cela. Même si quelqu'un sait de qui je parle, même si les personnes elles-mêmes se reconnaissent et se  trouvent défavorablement, injurieusement décrites, même si je donne le nom de la ville, de la place, le jour et et l'heure, les êtres de cette scène par moi décrits  ne seront jamais que des personnages. Je n'ai pas l'impression d'avoir nui, d'avoir été voyeuse, indiscrète. Je n'ai pas pris de photo, je montre des mots.

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vendredi 20 juillet 2012

Les poissons rouges aussi ?

    Pour aider notre nouveau gouvernement  à lever des fonds,  notre chère Rosaëlle, dans un billet au titre stimulant: Citoyen, des idées d'impôts? voudrait  "taxer les propriétaires de chien ou d'animaux domestiques au pro-rata de la surface disponible, immatriculer les chats et oiseaux comme des voitures, et confier tout ceci à la Préfecture, bien entendu en continuant à verbaliser les crottes de ces petits chéris."

    Pourquoi pas les poissons aussi, suggère un de ses commentateurs ?  Il va de soi que j'approuve des deux nageoires. Si l'on taxe le canari, la logique élémentaire veut que l'on taxe également le poisson rouge. Si l'on immatricule Minet, pourquoi ne pas payer la dime aussi sur les hamsters, les gerbilles, les rats d'appartement, le lézard dans son  vivarium et le grillon du foyer ?  

Dans son grand élan percepteur, Rosaëlle  va jusqu'à proposer de "faire une CSG en fonction des revenus et de l'âge des foyers fiscaux, effectivement il n'est pas normal que notre assurance maladie soit toute dévolue aux soins pour les personnes âgées"
 Ah, tiens, c'est moins rigolo. 
 

mardi 17 juillet 2012

Demande d'assistance intellectuelle


                                    

  


     Suis-je trop idiote, irrécupérablement  nazirance, ou les deux à la fois ?
Il y a  , chez Ménilmuche,  un billet que je ne comprends pas.  Je pose des questions à son auteur, il me répond,  je ne comprends toujours pas où il veut en venir. Je crois que je l'agace.  Je lis les commentaires, j'ai l'impression que les autres  commentateurs ne le comprennent pas non plus. J'insiste, l'auteur du billet ne me répond pas.  Il écrit un autre billet. Comme je suis polie, je ne veux pas l'ennuyer davantage, mais j'aimerais bien comprendre.  Même pas débattre, hein, juste  comprendre.


vendredi 13 juillet 2012

Maudits soient les catholiques



Maudits soient les catholiques  et leurs pèlerinages, leurs processions, leurs  chapelets, leurs exorcistes et leurs prières à la noix !

Maudite soit cette pluie qu'ils nous font tomber sans arrêt.
Supermaudites soient les rogations !  Les nappes phréatiques sont pleines, bon sang ! Alors pourquoi, pourquoi, POURQUOI ?
Autant le dire tout de suite: si ça continue comme ça, j'allume le feu  dans ma cheminée avec les pages de l'Ancien Testament et j'y fais griller des merguez halal, en ce vendredi.


Le fou bloguant

iGlise


Mais que voilà une bien belle (et robuste) station d'accueil pour clocher.

...
Je recopie sans vergogne et sans aucune autorisation préalable l'intégralité de ce billet d'Appas. Ce type est fou. Je ne sais pas combien de centaines de billets il a publié, mais chaque titre est déjà une petite merveille en soi. Alors, quand on ouvre...

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C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i...

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mercredi 11 juillet 2012

J’ai dit oui je veux bien Oui



Didier Goux a tourné la dernière page d'Ulysse, et écrit un fort joli billet pour nous en avertir.

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  Quand j'étais lycéenne, l'année du bac de français, mon professeur était la plus jeune agrégée de France. Elle avait vingt et un ou vingt deux ans, quelque chose comme ça, elle s'appelait Claire. 
 En guise d'introduction pour son premier cours, elle avait sorti de son cartable de cuir semblable aux nôtres quelques livres dont elle nous avait lu des extraits. La beauté d'Albertine, Don qui Chotte et les Jésuites, et le monologue final d'Ulysse. Ce monologue avait  impressionné   mon amie Sabine qui en avait  recopié les dernières lignes sur une feuille qu'elle portait toujours sur elle. 
 Sabine était très impressionnable. Quand elle rencontra dans le train un beau jeune homme qui ressemblait à ceux des contes, un de ces beaux bruns comme ceux qui ont  les pieds fourchus et la pupille fendue, elle accepta  sans hésiter le gros joint  aimablement tendu. Elle oublia sans doute qu'il était sept heures du matin, qu'elle n'avait rien mangé ni bu, angoissée qu'elle était de passer l'oral de français dans la matinée.
 C'était la première fois de sa vie qu'elle tâtait de la marijuana, et ce ne fut pas la dernière, hélas pour elle. L'effet fut puissant. Elle ne descendit pas à la bonne gare, mais elle descendit avec le jeune homme, et ils ne se quittèrent plus pendant deux ans. Elle disparut du monde normal au grand désespoir de ses parents et à la  surprise de ses amis de lycée. 
Un journaliste de mes amis,  quelques années après, m’annonça elle était morte dans un banal accident de voiture. Les policiers avaient eu du mal à l'identifier car elle n'avait aucun papier sur elle, et comme le conducteur l'avait prise en stop, il ne pouvait rien en dire. Le seul document qu'ils ont trouvé dans son porte monnaie était la vieille feuille avec la fin du monologue de Molly Bloom. Les policiers l'ont lu, espérant que c'était une lettre avec une adresse, mais ils ont du se rendre à l'évidence: non. 
Si c'est elle qui a écrit ça, on voit bien qu'elle était un peu dérangée, a dit l'inspecteur.

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…oui quand j’ai mis la rose dans mes cheveux comme les filles Andalouses ou en mettrai-je une rouge oui et comme il m’a embrassée sous le mur mauresque je me suis dit après tout aussi bien lui qu’un autre et alors je lui ai demandé avec les yeux de demander encore oui et alors il m’a demandé si je voulais oui dire oui ma fleur de la montagne et d’abord je lui ai mis mes bras autour de lui oui et je l’ai attiré sur moi pour qu’il sente mes seins tout parfumés oui et son cœur battait comme un fou et oui j’ai dit oui je veux bien Oui.

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mardi 10 juillet 2012

Rosaelle, spartakiste héroïque






Rosaelle

J'ai vu  le joli texte que vous m'avez consacré sur votre blog  Allons, vous qui êtes si intelligente et perspicace, vous qu'agacent tant la lenteur d'esprit et le peu de culture chez autrui, ne soyez pas de mauvaise foi...

Comme vous avez lu en entier  ce billet  et que vous avez une lecture très fine, vous aurez aussitôt compris que c'était de l'humour, un peu appuyé et lourdingue, certes, mais largement appliqué  dans la description du comportement de l'Anglaise en question. Elle s'adresse en anglais à des adolescents français et s'étonne qu'ils ne la comprennent pas, qu'ils n'aient aucun désir de la comprendre. C'est en ce sens qu'elle est anglaise d'origine anglaise. Un peu caricature de l'Anglais typique, comme on caricaturerait un Français en le représentant dans un restaurant au fin fond de la campagne autrichienne, répétant dix fois dans la langue de Molière qu'il veut de la baguette tradition et du Roquefort bien crémeux... Vous voyez ? Caricature gentille, car je l'aime bien telle qu'elle est. Le "Anglais d'origine anglaise" n'était pas là comme un paravent discriminatoire style "tention, ya les vrais Anglais et les pas vrais, et moi je fréquente que les vrais, pas ces loqueteux de Pakistano-indiens machin-chose".  Pas pour la différencier et la mettre au dessus du panier d'autres anglais aux origines non-anglaises. J'explique, j'explique, je me ridiculise à expliquer, alors que vous aviez compris, naturellement.
Je prends donc votre billet pour une manifestation d'humour au deuxième degré. Vous n'êtes sûrement pas de ces gens traquant le racisme dans chaque expression chaque propos, désignant et dénonçant à tour de bras, ameutant twitter, linkant et relinkant pour que tout le monde s'indigne à l'unisson, médise, s'exaspère et  et participe à la grande chasse, ressemblant par là aux vilains inquisiteurs chasseurs de sorcières qu'on voit dans les sous-séries télé ou sketches des Monty Python, n'est-ce pas ?
Comme la modération de votre blog est capricieuse et qu'on ne sait pas où tombent les messages qui ne sont pas publiés, je vous envoie donc ce petit  message d'ici.
Il va sans dire que je vous soutiens dans votre combat contre la moisisphère. Il me semble d'ailleurs qu'on devrait vous aider,  que vous ne connaissez pas encore tous les blogs putrides où croupissent les Réactionnaires qui avancent masqués avec leur Proust entre les dents. Tous les faux grammairiens, historiens de pacotille, hellenistes suspects, usagers du subjonctif, ne sont pas dans la bloguerolle  du  Grand Veneur normand  (qui n'a plus qu'un seul York de petite Vénerie, et qui plastronne cependant.), de  l’ami Jegoun,  ou  du  Seigneur du Plessis .

  Les citoyens doivent en être informés, et vous en informez le monde. C'est bien.

vendredi 6 juillet 2012

Des journalistes d'avenir

C'était le premier jour des vacances hier. En fait, les collégiens et lycéens étaient  en vacances depuis trois semaines; ils avaient  rendu leurs livres et ne fichaient plus rien. Les professeurs leur passaient des films, les élèves en amenaient, le parc municipal ne désemplissait pas, les pelouses étaient jonchées d'amoureux et de canettes de Coca.
Comme je traversais le parc fin juin, justement, en compagnie d'une immigrée anglaise d'origine anglaise, trois boutonneux et deux starlettes m'ont abordée. On est en classe de première, option métiers des media (ou un truc dans le genre) et on fait  un micro trottoir, et on interroge les gens sur qu'est-ce que c'est leur histoire drôle  préférée. Leur meilleure blague, quoi. Vous pourrez vous entendre sur radio-potes et compotes vendredi matin. Oh, yes, gorgeous a dit l'Anglaise, qui a commencé à raconter l'histoire de Forrest Gump au paradis, en parlant lentement et articulant bien pour se faire comprendre : "The day finally arrived: Forrest Gump dies and goes to Heaven. He is at the Pearly Gates, met by St. Peter himself. St. Peter says, "Well, Forrest, it's certainly good to see you..." Les  journalistes adolescents se dandinaient et échangeaient des regards irrités.  L’anglaise s'interrompit. On comprend rien, et c'est pour une radio française, d'ici, de chez nous.  Vous pas comprendre anglais pourtant so simpeul ?  Non. Que dalle. Et si je repeat lentement ? Non, pas la peine, on comprend pas les mots, on vous dit. . The heaven c'est le paradis et the Pearly Gate...  Non, on comprend pas les mots qui sont autour non plus.

C'était à moi. La première chose qui me vint à l'esprit fut une  devinette:
Qu'est-ce qui est vert est qui survole la Pologne ? .
Euh...
Peter Panski !

Ils attendaient la suite. Ils se sont figés, gênés. Pas un sourire, rien. L'un haussa un sourcil interrogatif, l'autre lui répondit par un petit geste de la main signifiant "laisse tomber, elle n'a pas toute sa tête". Nous avons pris congé, mon Anglaise et moi. Nous n'avons pas retrouvé notre interviou sur radio potes et compotes.

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lundi 2 juillet 2012

Le Roumain ne rase pas gratis

          

Je dédie ce billet à Cycee qui écrivait le 19 juin à 21h 03, en commentaire chez Didier Goux:

Quand je décide d'arrondir mes fins de mois par de menus larcins de poules ou de lingots chez mes voisins, je choisis toujours le moment de la fête religieuse des Roms. Les poules n'en sont que meilleures ! Et sinon, une fois, j'ai essayé de tracter une caravane avec une twingo et la twingo est morte...
Evidemment, l'abominable Didier avait publié un billet de plus pour stigmatiser les Roms, et Cycee lui écrivait là un commentaire de finesse, comme disait Fernandel. Oui mais le plus stigmatisant n'est pas celui qu'on croit, et je ne sais pas à qui remettre la palme de la romophobie.  Didier Goux a déjà des tas de palmes nauséabondes, prière de ne pas en rajouter.  Cycee n'en a pas. Eh bien, palmons là. Quelle colporteuse de clichés, celle-là ! Les poules, encore les poules... Eh, oh, mais faut vivre avec son siècle, mon enfant ! La tradition, oui, mais la tradition adaptée à la modernité !

Un réseau très organisé de voleurs vient d’être démantelé à Rennes. Un appartement servait à accueillir des ressortissants Roumains, où ils étaient formés à voler dans des hypermarchés du Grand Ouest.
Et que volaient-ils ? Des poulets surgelés, par atavisme  ou pour faire plaisir à Cycee?

Que nenni. 

Les voleurs étaient conduits tous les jours dans des hypermarchés du Grand Ouest, en Ille-et-Vilaine, Morbihan, Loire-Atlantique, Mayenne… « Ils avaient alors dix minutes pour dérober le maximum de choses. »
La marchandise visée ? Quelques vêtements, mais surtout des lames de rasoirs Gillette et des produits cosmétiques L’Oréal.
Les articles volés étaient ensuite acheminés par car en Roumanie, où des complices se chargeaient de les réceptionner.

L'article en entier est consultable sur le site du journal Ouest France