vendredi 29 juillet 2011

RIP


 Trois morts dans ma bloguerolle qui n'était déjà pas très longue,  voilà qui  commence à faire beaucoup.
Le Champignacien, qui était mon commentateur fâcheux préféré, puis  le gentil Olivier P, puis avant-hier  le Coucou dont l'absence m'attriste  car nous correspondions un peu, et qui était si aimable et si honnête homme.
Je trouve ça bizarre, que les blogs des morts flottent sur la toile. Oui, mais les livres restent bien, eux. Les journaux d'écrivains. Et le journal intime de la tante Jeanne, comme oublié dans le tiroir de sa commode, alors qu'elle  se savait perdue quand elle a détruit les lettres qu'elle ne voulait pas qu'on lise quand elle ne serait plus là.
Ce n'est pas pareil, on reste en littérature, ou en famille.
Un chat vivant, même très vieux et très malade, n'a rien de commun avec ce qu'il deviendra quelques secondes après son dernier râle. Son poil ternit à vue d'œil, sa bouche grimace, on voit tout de suite qu'il est éteint pour toujours, que ce cadavre n'est plus lui. Un blog qui survit à son  créateur est mort aussi, vide. Ce qui vivait, bougeait, avec les commentaires, se fige dans ses imperfections, dans sa banalité. Il n'y a plus de conversation, de rires, de disputes, ce n'est même pas une tombe qu'on peut  fleurir ou  nettoyer.
Je verrais bien qu'on  laisse ouvert le blog le temps qu'on laissait les corps à disposition des derniers visiteurs pour leur dernier hommage au bord du lit funèbre, ou autour du cercueil. Qu'on laisse le temps de copier ce qu'on y veut, en souvenir, en mémoire. Et puis après, comme les tziganes  avec la roulotte du défunt, qu'on brûle.

mercredi 27 juillet 2011

De l'importance d'être constant

Photo Ouest-France
  Drame en Norvège, catastrophe en Somalie. On peut inverser, catastrophe en Norvège, drame en Somalie.

Alors là, je me suis dit: tiens, voilà au moins DEUX évènements à suivre dont Sarkozy ne pourra être tenu pour responsable, et encore, je ne classe pas l'affaire Strauss-Kahn dans les drames et catastrophes.  Puis je me suis dit après: allons, tu es bien naïve. Il y aura au moins un leftblogueur qui écrira, qui osera écrire que la famine en Afrique et le geste d'un dingue en Norvège sont des écrans de fumée balancés par la presse aux bottes du nabot pour nous distraire des vrais problèmes. (étant entendu qu'il n'y a qu'un seul vrai problème, LUI.)

Bon, je suis un peu médisante sur ce coup, j'ai regardé trois titres de lefteublogues et lu les articles dessous, on a laissé plus loin ou pour plus tard le traditionnel écran de fumée. N'empêche, je rends hommage à SarkoFrance dont j'ai lu pour la première fois un article en entier: On crève en Somalie, que fait Sarkozy ?  suivi de:  Norvège: Sarkozy n'avait rien à dire.

Je n'ai pas trouvé : Mort de 17 sangliers sur une plage bretonne, Sarkozy évite le sujet.
Patientons.
***

Et si les Rouges nous envahissaient, maman ?

La Corée du Nord, VOILÀ  un pays qu'il est bien et bon, surtout pour les journalistes. 


Dans un grand souci de défense de la culture et de la langue coréennes, on a décidé là-bas d'appliquer  la tolérance zéro envers les fauteurs d'orthographe et les lâcheurs de coquilles. Surtout quand l'imperfection du texte porte atteinte au Chef d'État. Une coquille dans un article à lui consacré et hop, hop, c'est le camp de travail.





lundi 18 juillet 2011

Le merle pecnaud

"Et lorsqu'un vent d'orage commencera à évacuer les détritus des banlieues par delà la mer, des gens comme le "merle pecnaud" clameront plus fort que nous qu'ils ont toujours été des nôtres, la preuve, ils écrivaient des blogs nauséabonds...." (source)

J'ai failli répondre méchamment, mais  à quoi bon ?
J'ai failli expliquer que quand on est un Français défenseur de l'Histoire  et de la culture version "touche pas à mes traditions millénaires et gare à la peste de gauche" on clame "la terre ne ment pas", on ne se moque pas des gens qui vivent à la campagne et  y travaillent.
Mais à quoi bon ? Le type qui a écrit ça ne comprendrait pas. C'est qu'ils ont leurs limites, les Blogo-Croisés de la France éternelle  et chrétienne, et ces limites sont vites atteintes. Ils ne cessent  de brailler, d'écrivailler à l'unisson "il faut choisir son camp", mais bloguer les occupe à temps complet et use   leurs faibles capacités de réflexion qui s'amenuisent au fil des billets, puis  leur front s'abaisse au fur et à mesure que leur cerveau rétrécit..
  Didier Goux épingle avec talent les conneries des gauchomodernoeuds, et il n'est jamais en peine d'en trouver tant ça frétille dans les viviers . Les  réacs idiots qui grouillent dans leurs nasses ont de la chance que personne n'en fasse autant pour eux, car il y aurait matière.
Eh oui, je suis une pecnaude, une plouque. Je parle de mes vieilles voisines dans mon blog, je publie des photos de ma campagne, et j'ignore à peu près les p'tits fachos mégalos des blogs qui se moquent des paysans...
Eternel mépris de ceux qui se croient toujours au-dessus d'un bouseux; ça doit être la nouvelle mode, tout ce qui n'est pas facho des villes est bobo ou gaucho des champs, sans doute. Bref.

mardi 12 juillet 2011

France-peinture





Je décape une porte que je vais repeindre.
Je me demande si ça vaut bien le coup, la même porte neuve coûte dix-huit euros à Bricomarché, mais je continue, c'est un rituel de l'été, repeindre une porte en écoutant la radio.
Après, à chaque fois que j'ouvre la porte, me reviennent les mots de la radio. C'est donc important  de ne pas écouter n'importe quoi, comme par exemple cette  émission sur la chorée de Hungtington* qui m'a fait déborder partout et m'a filé des frissons pendant des lustres, car en plus cette maudite porte n'a cessé de grincer  en dépit des litres de graisse que buvaient et digéraient  mystérieusement ses gonds.
Là, je sens que ça va le faire, c'est la semaine Corneille, et des Horaces et des Curiaces que France-Culture me cause, et j'aurai une porte classique qui me murmurera des alexandrins, Rome l'unique objet de mon ressentiment, et tout et tout.
      J'espère qu'elle s'entendra bien avec la porte jaune, "Brouillons d'écrivains", et avec la porte crème, rétrospective de treize ans de "Les routiers sont sympas".

*oui, bon ok, Huntington.

jeudi 7 juillet 2011

Rose renie son éducation

Petite Ville est à portée de bus de Grande Ville. Jadis, Petite Ville était un village, puis le village est devenue banlieue-dortoir, et  membre de la communauté des communes, et tout et tout.
Petite Ville a voté écolo à 21% aux dernières élections, et socialo beaucoup aussi.  Petite Ville n'est pas une zone résidentielle hyperfriquée, mais on y jouit de beaux équipements sportifs et culturels, de pistes  cyclables, de ce qu'il faut comme espaces verts, festivals et salons  des nouvelles énergies et manifestations prônant  tous azimuts l'adhésion à toutes les cultures du monde entier. Petite Ville pratique la diversité, le professeur voisine l'employé qui voisine le commerçant  qui voisine le retraité qui voisine n'importe  qui n'habiterait pas dans la Zup voisine de Grande Ville qui pratique une autre diversité, celle où le chômeur voisine le Malien au neuf enfants  qui voisine la famille monoparentale qui voisine les ex-clodos qui puent   qui voisinent  le jeune en état de grande précarité qui voisine les dix-sept chinois sans papiers du F3 en face de  la petite vieille alcoolique qui gueule la nuit qu'elle tuera tout le monde le jour des allocs, ça leur apprendra.
Quentin et Nathalie ont habité la Zup de Grande Ville. Ils militaient à ATD quart-monde. Ils ont eu trois enfants, auxquels ils ont donné des noms de fleurs. Les enfants allaient dans une des maternelles publiques de la Zup; Quentin et Natalie étaient de toutes les animations, de toutes les sorties. Ils faisaient du porte à porte pour que les mamans non francophones s'impliquent dans la scolarité de leurs enfants. Ils  leurs  traduisaient  les bulletins de notes, les accompagnaient dans leurs démarches, intervenaient  dans les familles pour que les pères ou les grands frères laissent aller les filles en sortie scolaire. Insistaient à fond pour le respect des cultures, le voile et le halal à l'école. Participaient aux fêtes de voisins, retournaient avec la même bonne humeur les merguez du barbecue halal et les chipos du barbecue normal à la fête de l'école. Payaient la piscine à Brahim et Fatou si les parents ne pouvaient pas.
Je me moque juste un peu, et tendrement encore, ce sont des amis. Je les ai aidés quand ils ont déménagé de la Zup de Grande Ville pour habiter un pavillon de Petite Ville. Enfin, un jardin ! Des légumes bio, des abeilles, une petite piscine naturelle sans chlore avec des jacinthes d'eau, et des poissons dedans ! Ah, que les enfants étaient contents de leur nouvelle école communale... Il n'y avait plus de bagarres, plus de vols, moins  d'insultes dans la cour, on  allait étudier les feuilles des arbres au jardin public, on pouvait y aller tout seul, revenir en flânant  sans se faire voler son vélo, on y avait tellement plus de copains, c'était bien !
C'était tellement bien que les parents des écoliers de Petite Ville rechignaient de plus en plus à envoyer leurs enfants au collège de la Zup de Grande Ville, qui était celui de leur secteur. Ils se sont associés pour demander leur collège à eux. Dans trois ans peut-être, quatre ou cinq plutôt s'il y a toujours assez d'enfants, leur a-t-on répondu. En attendant, les écoliers de Petite Ville continueraient à fréquenter le collège-usine de Grande Ville, les budgets ne sont pas élastiques, voyons. Ils continuèrent,  en prenant bien soin de choisir allemand en première langue et toutes les options intellos possibles, latin, breton, arts plastiques renforcés, sans oublier échecs et yoga juste après la cantine, laissant à d'autres la Capoera, le Hip Hop, la boxe thaï, le foot, le rap et le djembé.

Seulement, l'année dernière, ledit collège a changé de directeur, et la nouvelle directrice a voulu mettre  à bas toutes ces ségrégations suspectes. Il n'y a plus eu de classe "allemand première langue". Les germanistes, les latinistes et les bretonnants ont été dispatchés dans les douze classes de sixième, malgré les casse-têtes d'emploi du temps. Le club d'échecs a été prié pour d'obscures raisons d'aller se chercher des locaux ailleurs,  et le projet d'établissement à venir sera garanti adapté aux réalités et problèmes du crû. (et à sa formidable force d'énergie).
Déstabilisée, la gentille petite élite (élite est un bien grand mot pour quelques dizaines d'enfants sans problèmes scolaires) s'est délitée.  Les établissements catholiques voisins ont accru leurs effectifs, et quelques laïcards obstinés ont magouillé pour mettre leurs enfants dans des collèges où il y avait moins de violences, et où le niveau était meilleur. Dans chaque discussion, on prenait bien soin d'éviter les mots de l'exclusion et du racisme. Quarante enfants environ ont changé de collège, mais c'était juste parce que le lieu de travail de la mère était plus proche, qu'on y étudiait le chinois ou  l'italien, qu'il y avait une option qu'on ne trouvait pas ailleurs, parce qu'on envisageait un déménagement en cours d'année, etc.
Mes amis ont persisté, et laissé leurs enfants dans le collège public de secteur. leur plus jeune fille dispute  la tête de classe (5ème) à des indiennes hypersérieuses. Cette enfant de douze ans que j'ai connue bébé, abreuvée de berceuses pygmées, de kirikouseries,  d'albums tiermondistes, musulmanistes, multiculturalistes, a déclaré hier, devant ses parents consternés et de gentils voisins  amusés :"moi j'ai pas trop d'ennuis, je ne cherche pas,  il suffit  de ne pas parler aux racailles, de pas aller dans les endroits où ils sont en groupe, de baisser les yeux, et d'être toujours avec ses potes, jamais toute seule." Puis elle a ajouté: "mais j'aimerais trop changer de collège, yen a bien qui le font".

Elle a eu droit à de longues remontrances, supplications culpabilisantes et mises au point, dont je ferai grâce à ceux qui ont lu ce billet jusqu'au bout.

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L'image vient de ce blog