samedi 14 mai 2011

Les tombes

En écho au billet de Dorham, Les tombes


























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lundi 2 mai 2011

Qui a écrit cela ?

    

    Voici   trois courts extraits de mes dernières lectures.
    Qui saura reconnaître  ou deviner les auteurs ?  J'ai remplacé les noms propres par des initiales.
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A. se rappelait avoir visité un jour avec son ami l’écrivain le couvent des bénédictins d’O. L’écrivain, toujours avare de paroles, avait tout observé avec attention pour demander finalement à un vieux moine « s’il n’avait jamais eu envie de sortir. » La question n’avait nullement embarrassé le vieillard, qui avait répondu aussitôt : « la dernière fois où j’ai éprouvé ce désir, c’était en 1929, lorsque le chauffage était en panne. »

Ils avaient ri de bon cœur, mais le religieux, en retour, avait interrogé l’écrivain : « Et vous ? Ce n’est sans doute pas votre première visite à un couvent ? N’avez-vous donc jamais souhaité d’y entrer ? »

Là encore, la réponse avait fusé avec une simplicité confondante et A. ne l’avait jamais oubliée. Mon couvent, c’est le  monde, avait dit l’écrivain ; le moine, à son tour, avait ri, et dit qu’il comprenait très bien.
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A onze  heures, quand les ouvriers revinrent de la plantation, il  les fit assembler dans son jardin, devant la véranda.  Tous les hommes valides étaient présents, y compris ceux qui aidaient à l’hôpital ; même les femmes et plusieurs négrillons étaient alignés avec les autres sur deux rangs – une horde de sauvages nus, un peu moins de deux cents personnes. Outre leurs ornements de grains, de nacre et d’os, leurs oreilles et leurs narines percées étaient surchargées d’épingles  de sûreté, de clous, d’épingles à  cheveux, de clous, de poignées rouillées de casseroles et d’ouvre-boites pour le corned beef. Certains portaient,  par précaution, des canifs dans leurs tignasses crépues. Sur la poitrine de l’un d’entre eux était suspendu un bouton de porte en porcelaine, sur celle d’un autre, la roue de cuivre d’un réveille-matin.
Face à eux, cramponné pour se soutenir, à la balustrade de la véranda, se dressait le Blanc malade. N’importe lequel d’entre eux aurait pu le renverser d’une chiquenaude de son petit doigt. En dépit de ses armes à feu, une ruée simultanée de la bande l’aurait terrassé ; ils se seraient rendus maîtres de sa tête et de sa plantation. La haine la soif du meurtre, le désir de vengeance débordaient de leurs cœurs ulcérés. Mais il leur manquait totalement ce que lui possédait : la maîtrise de soi, une flamme que rien ne pouvait éteindre, même dans ce corps dévasté par la maladie et qui, plus ardente que   jamais, était toujours prête  à jaillir pour les brûler et les marquer de son courroux.

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- C’est à  V. ,que je tourne.
- Et vous allez où, après ?
- Je ne sais pas
- Vous savez pas ?
- Ben non… Pas exactement. Par là, plus où moins loin…

Il montre vaguement une direction dans le paysage, sur la gauche de la route, en avant. Ce sont des pays de demi-brume et de vieilles forêts, de champs cois et de hauts clochers pointus, par-dessus des épaississements de  haies. Elle dit :
- Vous êtes marrant, vous…
- Ah oui ?
- Non, c’est vrai. C’est la première fois qu’je rencontre un type qui ne sait pas où il va.
- Ah bon ? J’aurais cru que ça ne manquait pas, pourtant…
A. Ne répond pas et tourne la tête vers sa vitre, à droite, comme si elle regardait le paysage, mais sans rien voir du tout. Oui, d’un autre côté, il n’a pas tort, son chauffeur. Des types qui ne savent pas où ils vont, elle en connait. Mais c’est plutôt du côté mental, si on veut, pas quand ils se déplacent en vrai.

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