mardi 31 mars 2009

Le vin de l'Assassin

Osera-t-on le sélectionner pour le Printemps de Bourges?





Ma femme est morte, je suis libre!
Je puis donc boire tout mon soûl.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.

Autant qu'un roi je suis heureux;
L'air est pur, le ciel admirable...
Nous avions un été semblable
Lorsque j'en devins amoureux!

L'horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s'assouvir
D'autant de vin qu'en peut tenir
Son tombeau; - ce n'est pas peu dire :

Je l'ai jetée au fond d'un puits,
Et j'ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
- Je l'oublierai si je puis!

Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,

J'implorai d'elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint! - folle créature!
Nous sommes tous plus ou moins fous!

Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée! et moi,
Je l'aimais trop! voilà pourquoi
Je lui dis: Sors de cette vie!

Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
A faire du vin un linceul?

Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l'été ni l'hiver,
N'a connu l'amour véritable,

Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d'alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d'ossements

Me voilà libre et solitaire!
Je serai ce soir ivre mort;
Alors, sans peur et sans remord,
Je me coucherai sur la terre,

Et je dormirai comme un chien!
Le chariot aux lourdes roues
Chargé de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien

Écraser ma tête coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m'en moque comme de Dieu,
Du Diable et de la Sainte Table!


Charles Baudelaire

La politique ce n'est pas de la daube


Dimanche, j'ai mis le pied dans un trou de taupe en allant couper des pissenlits dans la prairie. Mon panier était déjà plein; restait à blanchir et rissoler les lardons, griller les croûtons et pocher les œufs dans l'eau vinaigrée, mais ça, quelqu'un d'autre s'en est chargé parce que j'avais mal à la cheville. Je me suis affalée sur la banquette en face de la cheminée, le pied dans un seau d'eau chaude. J'ai pris mon livre commencé le matin, L'éclipse, de Rezvani, mais impossible de me replonger dans ce triste récit avec le chat qui prétendait s'allonger sur mon ventre, la maison qui bruissait autour de moi et les élancements lancinants de ma cheville qui gonflait à vue d'œil.

J'ai donc appuyé sur la télécommande et la télé s'est allumée sur la 2. Michel Drucker, Jean-Pierre Coffe, Martine Aubry, Anne Roumanoff et Claude Serillon. Il y avait une éternité que je n'avais pas regardé l'émission du dimanche de Michel Drucker. La présentation du passé de Martine Aubry était, ma foi, pas mal fichue. Photos d'enfance, de jeunesse, parcours sérieux. Cette dame, vous la croyiez austère, lourde armoire, cerveau d'acier, fille de son père allaitée aux biographies en dix tomes des grands hommes de la République ? Pas du tout, ou pas seulement: c'est une fille sympa et rigolote. Même que dans l'intimité du salon druckerien elle évoque sans détour ses relations avec Ségolène et toutes ces petites choses -là.

Ensuite, on la voit au marché de sa bonne ville de Lille. Elle achète le nécessaire pour mitonner une carbonnade flamande et on la retrouve en maître-queux avec Jean-Pierre Coffe dans une cuisine. Quand on soulève le couvercle, en fin de cuisson, le regard de la caméra nous promène sur le bel orange des carottes en rondelles, le joli vert des feuilles de laurier et des brins de thym, le brun appétissant de la viande caramélisée.

Alors là, on voit bien qu'on est à la télé. Essayez de faire la même chose en mettant autant de feuilles de laurier dans un plat composé d'un kilo de macreuse et de carottes, on ne sentira que le goût du laurier. Essayez de mettre à cuire en même temps le boeuf et les carottes: soit les carottes seront réduites en purée, soit la viande sera immangeable, la macreuse doit mijoter longtemps.

Les gens qui connaissent les secrets des daubes et autres ragoûts sauront désormais, pour peu qu'ils l'ignorassent auparavant, que la femme politique ment aussi bien que l'homme.

samedi 28 mars 2009

Epilation au plâtre



En ces temps de crise, un sou est un sou, et la ménagère française est réputée pour son sens de l'économie. Il ne faut pas gaspiller l'argent si chèrement gagné en fanfreluches et billevesées alors que le gaz-oil coûte plus cher au litre que la bière ordinaire et que la cantine de l'école maternelle a encore augmenté ses tarifs. Opérons des coupes sombres dans l'inutile, supprimons l'abonnement à Elle et les visites trimestrielles chez l'esthéticienne. Supprimons les teintures capillaires, les déodorants coûteux (vive la pierre d'alun et le Savon de Marseille) et les crèmes, bombes et autres mousses dépilatoires.

Si nous tenons à nous épiler, épilons-nous écolo, épilons-nous économo, épilons-nous au plâtre à prise rapide. (voir chez Bricomat, Agri-bati, Point P, etc)

Un petit lien vaut mieux qu'un long discours

vendredi 27 mars 2009

Moi aussi je défends les femmes voilées




Souvent les Femmes Engagées ont de belles idées. Quand elles ne savent plus à quelle cause blogomilitante se vouer, elles relaient celles des autres. L'important est de participer.
Avec les Femmes engagées, défendons nos soeurs, "toutes les femmes qui souffrent de l'oppression religieuse, familiale, politique (quand ça n'est pas les 3 ou plus) partout dans le monde et aussi....chez nous"

Il s'agit de prendre une photo de soi avec un foulard bleu autour du cou, afin de réaliser un poster avec des centaines de visages, si j'ai bien compris. Après, il faudra se débrouiller pour envoyer ce poster à ces femmes recluses en leur prison de toile, ainsi elles se diront chic, on pense à nous, là-bas, dans les pays où les femmes sont libres et égales et pas voilées.

On me demanderait des sous, j'hésiterais. J'ai déjà donné pour les femmes battues et le sidaction ce mois-ci, pas question d'affadir et de banaliser mes élans du coeur.
Ne faudrait-il pas, dans l'intérêt de tous, planifier un peu l'action de solidarité humanitaire bloguesque ? Sinon, à force de relayer par ci, de s'investir par là, nos blogs vont ressembler à des maillots publicitaires de coureurs du Tour de France. Cependant, la cause est belle et juste, il ne sera pas dit que j'y resterai insensible.

Hier soir, à l'heure où s'endort ma campagne, je suis allée avec mon appareil photo numérique faire du porte à porte comme au temps où je vendais des tickets pour la tombola de l'école. Mes voisins, voisines et moi nous sommes mis d'accord: pourquoi un foulard, pourquoi arborer, même autour du cou, ce symbole gynophobe par excellence ? Elles n'auraient pas d'humour, ces femmes lointaines, pas de désir, pas de fesses ? Nous avons donc décidé, tout en vidant des bocaux d'excellentes cerises à l'eau-de-vie locale, de nous engager en bleu, nous aussi, mais à notre manière.

mercredi 25 mars 2009

La solitude du gardien de blog




Hier, en sautillant de lien en lien, j'ai mis le pied dans un blog où personne ne répond jamais. Presque jamais, ou c'est tout comme: ceux qui ont laissé un message l'ont fait par erreur ou par malentendu.
Ce blog avait - pourquoi avait ? - il a, ce blog a trois ans. L'auteur, le narrateur, le parleur, le blogueur, écrit aussi bien qu'un autre. Mieux que beaucoup d'autres, d'ailleurs. Il va sur d'autres blogs, il laisse des messages partout. Il suffit de cliquer sur son prénonyme et hop, on tombe chez lui. C'est ainsi, dit-on, qu'on se fait connaître, c'est ainsi qu'on invite l'autre à venir prendre un mot chez soi. Il est gentil, il est affable, il est amoureux, il voyage, il raconte sa vie, la clé qui coince dans la serrure, le prunier tué par les dernières gelées de printemps, sa voiture qui le laisse en rade dans un village hostile en hiver, son chat , le rouge-gorge sur la fenêtre, son premier bébé, son deuxième bébé. Il s'étonne, sans aller jusqu'à se plaindre, que personne ne lui réponde. Il parle de bouteille à la mer, de cyberocéan, d'ancre qui sèche.

Parfois il écrit: je serai absent pendant trois jours, je vais ici ou là, je vous raconterai tout à mon retour. Et il le raconte.

lundi 23 mars 2009

La journée de la jupe


J'ai vu ce film sur Arte, vendredi dernier. J'étais curieuse de lire ce qu'en penseraient les féministes et les profs de gauche. (Les affreux réacs, les islamophobes, les gauchophobes, les profophopes et les banlieuphobes, je sais déjà, peu ou prou, ce qu'ils en pensent.)
J'ai peut-être mal cherché mais je trouve que peu de gens s'expriment. Soit ils n'ont pas vu ce film qui a fait un tabac sur Arte, soit ils attendent de savoir ce que les autres en disent.

Christine Tasin, enseignante laïque , féministe et politiquement républicaine, en vidéoparle ici.
CC s'exprime également sur son blog, et répond aux avis contradictoires.

Et là, je suis tombée sur un petit chef d'oeuvre que j'hésite à classer dans la catégorie "frissons dans le dos" ou "humour".

Voici le début :
Ce film donc a pour objet d'embrigader les blancs contre les musulmans devenus pour les Juifs les nouveaux catholiques blancs d'hier. Les embrigader oui, mais certes pas pour restaurer une situation ou l'identité européenne et l'équilibre mental, social et économique européens seraient restaurés. Non, bien sûr. Embrigader les français de souche, dans une optique JUIVE.
Mais encore ? Et bien dans une optique résolument féministe contre la famille traditionnelle musulmane, comme hier contre la famille traditionnelle chrétienne. La femme est bien au centre de ce film, avec l'attribut de la femme "libre" (selon les Juifs), c'est à dire libre de montrer son cul et ses jambes, c'est ce que nous dit la jupe.

Si vous en voulez davantage... (blog supprimé)

dimanche 22 mars 2009

Parle-moi pas comme ça, steuplé...


Aujourd'hui, c'est l'avant-dernier jour de la Semaine de la langue française.

Je fais donc très très attention jusqu'à demain à comment c'est que j'écris. C'est vrai qu'au niveau de la langue, c'est important de ne pas stigmatiser ceux qui ne la maîtrisent pas grâce à la faute de l'échec de l'enseignement dans les milieux sensibles.

Le journal Le Parisien dit que Sarkozy fait exprès de mal parler pour se mettre au niveau de l'homme de la rue et des milieux sensibles. Des linguistes le suggèrent ou l'affirment aussi.

Alors là, je doute. Pour ce qui est de l'écrit je ne sais pas, je ne sais même pas si cet homme-là écrit, mais pour ce qui est de l'oral, il suffit de l'écouter quand il avait vingt ans. Il n'a pas démérité depuis.


Moi, je mets tout en haut de mes futures intentions de vote le premier homme politique, tant mieux si c'est une femme, qui ne dira pas "ç'pays, s'crétaire, chais pas".

vendredi 20 mars 2009

Si tu veux être écrivain, apprends d'abord l'orthographe (Nathalie Sarraute)


Sur le Net, dès que quelqu'un traite l'autre d'inculte, de ramassis ou de bande de cons à lui tout seul, d'écrivain ou de sous-écrivain de sous-merde, on lui renvoie aussitôt, comme si c'était ce qu'il y a de plus vexant, ses fautes d'orthographe à la figure. Pourquoi ?

mercredi 18 mars 2009

Clichés frais du jour




Je suis allée au marché tôt ce matin. Les gens sourient, c'est le printemps. Comme il y avait la queue aux étals de premières fraises de Saint-Pol de Léon, j'ai filé directement chez le marchand de clichés pour remplir mon panier. Ce n'est pas qu'il soit spécialement bien achalandé, mais en ces temps de crise, le cliché est bon marché. J'ai pris comme d'habitude deux kilos de discrimination pour en faire un gratin ce soir. Je les servirai avec une poêlée d'alimenter les fantasmes et je garde pour demain les rance et les relents nauséabonds d'une autre époque, c'est meilleur réchauffé. J'ai cherché des nouveautés, les primeurs, mais je n'ai rien trouvé. Il n'y avait que du stigmatisé, encore du stigmatisé par sac de cinq kilos ou en barquette tout épluché et prêt à cuire mais j'avais envie de changer un peu, on ne sait plus à quelle sauce les accommoder et plus personne n'en veut à la maison.

mardi 17 mars 2009

Fort de café

Tiens, sur ce blog estimable, on parle du douloureux problème de l'extinction des bistros.

Il y a quelques mois, j'ai bu un café tôt le matin dans un bar porte de Montreuil. Il y avait un homme au zinc, qui semblait avoir peur. Il a bu huit cafés l'un derrière l'autre. Je lui ai dit "ça va ?" Il a commandé un neuvième café, l'a bu, a payé, puis il est sorti. Le barman discutait avec le patron, ils se demandaient si le client n'allait pas tomber par terre, le mardi d'après. J'ai dit "il fait ça tous les mardi matin" ? Ouais, m'a répondu le barman. Il est prof de maths, au collège.
C'était la première fois que je voyais quelqu'un prendre une cuite au café noir.

Anastasie, ton blog m'anesthésie


Mars, qui rit malgré les averses, nous a ramené les giboulées, les jacinthes, le carnaval, et la Journée de la Femme.



C'est mal de faire des blagues idiotes, genre «et les autres jours»?

Pour les autres jours on nous a acheté des chaînes de lourdes chaînes oui pour toi mon amour fais vite la vaisselle pendant que je regarde les résultats du foot , et viens sur mes genoux, avec ton p'tit string pervenche et tes souliers dorés. Ne serinons pas les rengaines faciles.

Raillez, raillez tant que vous voudrez, on vous voit venir avec votre antiféminisme primaire, mais le féminisme n'a tué personne, lira-t-on ça et là. C'est un très bel argument. N'y aurait-il que celui là, c'est un très bel argument, il est vrai. Profitez-en, mes sœurs aux doux seins, mes frères aux mains chaudes, parce que ça va changer. Le sang va couler. Dans l'ombre on construit des geôles, on affûte les couteaux, on tresse des cordes, on époussette les guillotines. Les ennemis de la dictature du féministat peuvent compter les jours qui leur restent à vivre, c'est à dire pas longtemps, jusqu'au 8 mars prochain, à mon avis, et en mettant les choses au mieux.

J'exagère ?

"Tirer les couteaux, c'est renverser le rapport de force, c'est véritablement user de la Terreur. Qui frapperait sa femme si une ligue de furies risquait de le lyncher à la minute où il met le nez dehors? Qui oserait imaginer un viol si les femmes étaient entraînées à péter deux bras d'une seule main? Qui oserait une saillie verbale sur la supériorité morale entre les sexes/genres/races une fois menacé de décennies d'enfermements? - et par menacé, j'entends : de telle façon que les poursuites aient effectivement lieu jusqu'à satisfaction des besoins élémentaires de Justice quand on parle d'Egalité."

"Qui se plaindra de l'emprisonnement d'un Eric Zemmour? D'un BHL apologiste des crimes d'Israel? Qui se plaindra de la punition d'un théoricien du différentialisme sexué ou racial?"


On pourrait mettre en refrain, entre chaque tirade

«La minimisation des crimes participe du crime»


J'ai essayé de participer à cet échange fructueux. Hélas, la patronne m'a virée. Elle a ôté mes remarques un peu caustiques mais fort polies et les a emprisonnées dans une page bien à part, au pain sec et à l'eau. Logique, on ne discute pas avec l'ennemi, on le censure. D'un côté, ça valait mieux, je vais profiter du temps qui me reste à vivre loin des surineurs qui s'entrebousculent dans Les entrailles de Mademoiselle S

Mars est acide


[...]La seconde moitié de mars, quand il fait beau, a bien des titres à se voir sacrer comme le plus beau moment de l'année. Tout y est d'une vivacité délicieuse, qui ne se retrouvera pas par la suite. La prairie du chemin du bas, qui est d'un vert éclatant, est parsemée de fleurs très jaunes. [...]
Pâle n'est pas le contraire de vif . Certains feuillages tout neufs sont d'un vert très pâle, mais à la fin de l'après-midi cette pâleur s'enflamme, quand le soleil tombe sur elle en oblique, et c'est elle qui pose dans le paysage les taches les plus vives, et plaque sur lui les accords les plus acides.

Acide, mars est acide, voilà ce qu'est mars: acide, comme certaines petites pièces de Stravinsky, un peu jazzy, qui vous font un peu mal que c'en est un plaisir.

Renaud CAMUS - Sommeil de personne, Fayard, p149